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Projet de loi sur la stratégie nationale pour la santé des sols

Deuxième lecture--Ajournement du débat

12 juin 2025


Propose que le projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols. Cette mesure législative vise à donner suite aux recommandations du rapport sénatorial de 2024 sur la santé des sols et à établir une stratégie nationale pour protéger les sols canadiens, maintenant et pour les générations futures.

Tout d’abord, je tiens à remercier l’ancien député de Cowichan—Malahat—Langford, Alistair MacGregor, d’avoir déposé le projet de loi C-203, Loi concernant la conservation et la santé des sols, à l’autre endroit au cours de la dernière session parlementaire. Bien que le projet de loi n’ait pas dépassé l’étape de la première lecture et que nous n’ayons pas pu l’étudier dans l’une ou l’autre des Chambres, j’espère que le projet de loi S-230 honorera son engagement à protéger les sols au Canada. Merci, monsieur MacGregor, pour votre dévouement à l’égard de l’agriculture et des communautés rurales.

Chers collègues, comme vous le savez, le 6 juin 2024, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a présenté le rapport intitulé Terrain critique : Pourquoi le sol est essentiel à la santé économique, environnementale, humaine, et sociale du Canada après avoir mené une étude rigoureuse de 18 mois. Le comité a consulté 153 témoins, reçu 74 mémoires et participé à des missions d’enquête partout au pays et à l’étranger afin que le rapport rende compte avec exactitude de l’état de la santé des sols au Canada.

J’aimerais prendre un moment pour saluer les personnes qui ont contribué à l’étude du Comité de l’agriculture sur les sols, dont certaines sont présentes dans cette enceinte aujourd’hui. Je remercie tous les agriculteurs, les scientifiques et les chercheurs qui nous ont accueillis et qui nous ont informés au sujet du rôle essentiel de la santé des sols pour le bien-être des Canadiens. Je remercie les personnes et les organisations qui ont pris le temps de rédiger et de soumettre des mémoires qui nous ont guidés dans notre travail et nous ont éclairés sur les aspects à considérer. Je remercie les témoins qui ont comparu devant le comité et qui ont répondu avec diligence à nos questions. Je remercie chacun d’entre vous de vos contributions, de votre aide et de vos conseils. Ce rapport n’aurait pas pu exister sans la contribution de ces personnes.

Des gens de partout au pays ont fourni au comité énormément de renseignements éclairants et intéressants qui nous ont amenés à cette conclusion générale sans équivoque : les sols du Canada et du monde entier sont en danger. Si nous n’agissons pas dès maintenant pour préserver et protéger les sols, nous allons mettre en péril notre souveraineté alimentaire, notre sécurité alimentaire, l’environnement ainsi que la santé et le bien-être de tous les Canadiens.

Pour illustrer la gravité du problème, j’aimerais vous dire qu’en 2021, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a constaté que 30 % des sols de la planète étaient déjà dégradés. La dégradation des sols signifie qu’ils ont considérablement perdu leur capacité à produire de la nourriture, à retenir l’eau et à soutenir les plantes et les animaux. La dégradation des sols a une incidence directe sur la capacité des agriculteurs à produire des cultures et à élever du bétail, ce qui se répercute directement sur la sécurité alimentaire. En outre, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture estime que 90 % des sols de la planète seront dégradés d’ici 2050 si rien n’est fait. Chers collègues, c’est dans 25 ans. C’est un sujet qui devrait nous empêcher de dormir la nuit. Je sais que cela m’inquiète.

Au cours des réunions du comité, nous avons appris que la pollution et la contamination des sols avaient des effets sur la capacité des sols à produire des aliments, qu’elles diminuaient la qualité et la valeur nutritive des aliments produits et qu’elles réduisaient la capacité naturelle des sols à agir comme un tampon contre la propagation des polluants et des maladies. Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec des agriculteurs et des producteurs qui utilisent des méthodes durables et régénératrices pour préserver la santé de leurs terres agricoles, telles que la gestion des pâturages, l’agriculture sans labour ou à faible labour, et la diversification des cultures. Nous avons appris en quoi ces pratiques atténuent les changements climatiques, favorisent l’assainissement de l’air et de l’eau, renforcent la biodiversité, et améliorent la santé des sols, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire. Autrement dit, le comité a pris connaissance non seulement de l’importance cruciale du sol sous nos pieds et du déclin de cette ressource essentielle, mais aussi des efforts déployés par les scientifiques, les chercheurs et les agriculteurs pour reconstituer et renouveler les sols dans l’ensemble du pays et dans le monde entier.

Le rapport du Comité de l’agriculture contient 25 recommandations à l’intention du gouvernement du Canada sur la manière de protéger et de conserver la santé des sols. Ces recommandations soulignent la nécessité pour le gouvernement du Canada d’agir maintenant, et non dans 25 ans. Vous constaterez que mon projet de loi reprend un certain nombre de ces recommandations.

Le projet de loi S-230 demande au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de travailler en collaboration avec les provinces, les territoires, les organismes autochtones, les divers intervenants ainsi que les ministres des Ressources naturelles, de l’Environnement et du Changement climatique, et des Services aux Autochtones afin d’élaborer une stratégie nationale ayant pour objet de soutenir et de promouvoir partout au Canada des initiatives visant à protéger, à conserver et à améliorer la santé des sols. Il décrit diverses mesures à inclure dans la stratégie nationale, notamment des mesures gouvernementales et législatives qui reconnaissent la nature cruciale de la santé des sols, des mesures d’amélioration des connaissances qui facilitent l’analyse et la collecte de données sur la santé des sols partout au Canada, des mesures favorisant la formation et l’échange d’information qui encouragent la communication d’information au sein de la communauté agricole ainsi qu’aux jeunes, de même que des mesures en vue de nommer un défenseur national de la santé des sols afin de promouvoir la préservation des sols dans l’ensemble du pays. Je pense que ces dispositions garantiront une stratégie nationale complète et exhaustive qui protégera nos sols et soutiendra la sauvegarde de la souveraineté et de la sécurité alimentaires du Canada pour les générations à venir.

Chers collègues, j’ai pris la parole à plusieurs reprises pour souligner l’importance du secteur agricole pour la prospérité économique du Canada. Je suis d’avis que ce secteur est trop souvent négligé et qu’il faut réduire le fossé entre la ferme et la table ou entre la ferme et la fourchette pour sensibiliser les Canadiens au rôle essentiel que joue le secteur agricole pour le bien-être de tous les Canadiens, aujourd’hui et dans l’avenir.

Chers collègues, bien que le discours du Trône ait mentionné l’agriculture, ce n’était qu’en passant. Pourtant, tous les plans énumérés dans ce discours auront une incidence sur le secteur agricole. J’avais espéré que ce secteur bénéficierait d’une plus grande attention compte tenu de l’importance de sa contribution au bien-être et à la prospérité de notre pays. Malheureusement, un secteur qui représentait 7 % du PIB du Canada en 2023, plus que de nombreux autres secteurs, n’a reçu aucune considération.

Pour citer Kyra Stiles, spécialiste en gestion des nutriments au ministère de l’Agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard :

L’agriculture et les communautés sont interreliées. [...] Des sols sains peuvent favoriser la croissance et le rendement des cultures pour les agricultrices et agriculteurs et, ainsi, contribuer à la production d’aliments locaux plus sains pour les [Prince-Édouardiens].

Les succès du projet de Mme Stiles montrent bien la véracité de cette affirmation. Le ministère de l’Agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard mène un projet de surveillance de la qualité des sols depuis 1998 dans le but de mesurer et de suivre la qualité des sols dans l’ensemble de la province. Ce projet aide les producteurs de l’île à assurer la résilience de leurs sols et à les maintenir en santé. Le programme se sert des données recueillies par les producteurs pour leur donner des recommandations au sujet des cultures et des choix d’engrais favorisant la santé des sols à long terme. Les données recueillies sont également utilisées par le ministère de l’Agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard pour appuyer les futurs programmes et initiatives qui serviront le mieux l’industrie. Cette approche collaborative sert les intérêts de tous ceux qui y participent.

Les données recueillies aident les agriculteurs à adopter des pratiques plus stratégiques et plus durables et guident le travail du ministère de l’Agriculture, tout en fournissant aux Prince-Édouardiens des aliments sains, nutritifs et cultivés localement.

La mise en place à l’échelle nationale d’autres programmes visant les mêmes objectifs que le projet de surveillance de la qualité des sols de l’Île-du-Prince-Édouard permettrait d’améliorer le secteur agricole et le bien-être des Canadiens partout au pays. La collecte de données sur l’état des sols, combinée à la collaboration entre les pouvoirs publics et les agriculteurs, pourra favoriser l’assainissement des sols et la production d’aliments locaux plus sains pour les Canadiens.

D’ailleurs, certaines provinces et certains territoires recueillent déjà des données sur la santé des sols, mais ils ont de la difficulté à partager ces données à l’échelle du pays. Il faut donc mettre en place des mécanismes et des mesures de soutien pour améliorer le partage de l’information dans tout le pays afin de pouvoir tirer parti des données qui existent déjà et de celles qui seront générées à l’avenir.

Voilà pourquoi le gouvernement fédéral doit contribuer à faciliter la poursuite de l’analyse et de la collecte de données sur l’état des sols canadiens dans tout le pays.

La collecte et le partage de ces données et des indicateurs de surveillance de la santé des sols favoriseraient le partage des données scientifiques nécessaires à la protection des sols canadiens à l’échelle du pays. Je pense qu’une stratégie nationale pour la santé des sols permettra de répondre à ce besoin.

Honorables sénateurs, la pollution et la contamination des sols sont des problèmes plus graves que ne le pensent les Canadiens, et il est important que nous disposions de données pour suivre les niveaux de contamination et de pollution. Steven Siciliano, professeur de science du sol à l’Université de la Saskatchewan, nous a appris qu’il y a « 20 millions de sites contaminés dans le monde ». Au Canada seulement, nous avons appris qu’il y a 250 000 sites dus à l’abandon de puits de pétrole et de gaz.

Un sol sain agit comme une éponge en retenant et en filtrant l’eau, et a donc une influence directe sur la qualité des ressources en eau. Cependant, la pollution du sol entrave sa capacité à filtrer les polluants, ce qui a des répercussions sur notre alimentation, notre environnement et notre santé. Préserver la santé des sols, c’est donc nécessairement favoriser une alimentation nutritive, des écosystèmes équilibrés et la santé humaine.

En outre, le Canada et les Canadiens doivent mieux comprendre de quelle façon les sols sont touchés par la pollution et la contamination et en prendre conscience. La mise en œuvre d’une stratégie nationale visant à protéger, à préserver et à améliorer la santé des sols doit inclure des mesures visant à éduquer et à informer les Canadiens sur l’importance de la santé des sols et son impact direct sur nos vies.

J’ai eu le privilège de voyager aux quatre coins de notre grand pays pour prendre la parole à différentes conférences, réunions et activités sur l’étude des sols agricoles et forestiers. Des organisations, des agriculteurs, des producteurs et même des jeunes de toutes les régions du pays ont profité de ces occasions pour me faire part de leur soutien au rapport, à la véracité de ses conclusions et à l’importance de ses recommandations. Le milieu agricole sait que les sols sont en danger, mais il est temps pour nous, en tant que parlementaires, d’apporter un soutien supplémentaire aux Canadiens en protégeant les terres essentielles.

Au niveau organisationnel, lors de son assemblée générale annuelle en février, la Fédération canadienne de l’agriculture a adopté une résolution avec un soutien important en faveur de la mise en œuvre des recommandations énoncées dans le rapport. La résolution stipule ceci :

Il faut agir dès maintenant pour maintenir et améliorer la santé des sols afin d’assurer la productivité et la compétitivité agricoles durables du Canada.

Au niveau municipal, j’ai eu le plaisir de faire un discours lors d’une récente réunion du conseil municipal d’Amaranth, dans le comté de Dufferin, en Ontario. Au cours de cette réunion, j’ai présenté et communiqué les détails du rapport sur les sols. Après ma présentation, et sans que je m’en doute au moment de prendre la parole, les membres du conseil ont adopté à l’unanimité une résolution visant à « soutenir pleinement toutes les recommandations contenues dans Terrain critique ».

De plus, le canton de Wellington North, en Ontario, a également adopté une résolution similaire visant à :

[...] exhorter le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Ontario à mettre en œuvre toutes les recommandations contenues dans le rapport, en plus de s’engager à reconnaître l’urgence de la situation et à agir en conséquence afin de protéger et de conserver le sol, conformément à la recommandation 25.

Je sais que même de jeunes leaders de partout au Canada ont exprimé leur appui. Cette année, lors du Congrès de la citoyenneté de l’organisme 4-H Canada, des jeunes âgés de 16 à 22 ans m’ont parlé de l’importance de protéger les terres agricoles et de la nécessité de mettre un terme à la construction sur ces terres afin de protéger le sol. Lors d’un débat simulé qui s’est déroulé ici même, au Sénat, ils ont même adopté une résolution visant à protéger les terres agricoles.

Par ailleurs, au début du mois, la sénatrice Simons, la Fédération de l’agriculture de l’Ontario et moi-même avons invité nos collègues à assister à un spectacle solo de Dale Hamilton intitulé She Won’t Come in From the Fields.

Comme les participants s’en souviendront, Dale a mentionné le rapport Terrain critique dans son monologue, soulignant son importance et la nécessité d’une meilleure compréhension des méthodes régénératives et durables pour préserver la santé du sol.

Ces exemples ne diminuent pas l’importance des innombrables articles de journaux rédigés par les agriculteurs pour faire connaître leur réalité et leurs préoccupations à propos du peu d’attention accordée par le gouvernement du Canada à la santé du sol, ni l’importance du témoignage des personnes que j’ai rencontrées lors de conférences, de banquets, de foires agricoles et de réunions qui partagent ces mêmes préoccupations.

Nos sols sont précieux — j’espère que vous avez pu le comprendre grâce à mon discours —, mais la dégradation ainsi que la pollution et la contamination ne sont pas les seuls problèmes qui touchent les sols canadiens.

Honorables sénateurs, pendant la période de dissolution du Parlement, j’ai entendu les préoccupations du milieu agricole concernant les engagements et les promesses des partis fédéraux de construire des infrastructures et davantage de logements qui auront inévitablement une incidence sur la santé de nos sols. À la lumière du plan du gouvernement pour « une seule économie au Canada », l’industrie a soulevé encore une fois d’autres préoccupations : où ces développements auront-ils lieu? Quelles en seront les répercussions sur la santé et la préservation des sols?

Bien que je comprenne la priorité pour le gouvernement de fournir des logements abordables aux citoyens canadiens et de construire de nouvelles infrastructures pour faire du Canada l’une des économies les plus fortes du G7, je crains que ces plans ne soient réalisés grâce à du développement sur des terres agricoles de première qualité — des terres utilisées pour nourrir notre pays et le monde — sans même envisager que ces terres seront retirées de la production.

Le Canada ne dispose pas d’une réserve illimitée de terres agricoles. Nous avons le privilège d’avoir les terres que nous avons maintenant et qui contiennent des sols arables sains qui peuvent servir à l’agriculture et à la production alimentaire. Une fois que nous retirons ces terres de la production pour construire des logements ou des infrastructures, ces terres cessent d’être productives.

Selon la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, qui s’appuie sur les données du Recensement de l’agriculture de 2021, à lui seul, l’Ontario perd 319 acres de terres agricoles chaque jour.

Chers collègues, cette situation est préoccupante. On ne peut pas se concentrer sur l’urbanisation des terres rurales sans tenir compte de la perte potentielle de la capacité à cultiver des aliments et à produire des fibres et des combustibles à partir de la biomasse produite grâce au sol sain qui se trouve sur les terres agricoles. Il faut tenir compte de la perte de production qui accompagne le développement et de la détérioration de la santé des sols. Il est essentiel de souligner l’importance de tenir compte du sol sous nos pieds avant de construire sur ce dernier.

Je vais citer les propos que l’un de mes amis, M. Mark Reusser, directeur du conseil d’administration de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, qui représente les agriculteurs des comtés de Waterloo, de Dufferin et de Wellington, a tenus en avril dernier lors d’une réunion de l’Ontario Institute of Agrologists :

Je suis sûr que vous connaissez le terme « minéraux critiques ». Il s’agit notamment du dysprosium, de la barytine, du béryllium, du bismuth, du césium, du cobalt, du gallium, etc. La définition de « minéral critique » correspond à une ressource jugée essentielle pour l’économie et dont l’approvisionnement est vulnérable aux perturbations, ce qui a une incidence sur la sécurité nationale et la stabilité économique. Les sols ne devraient-ils pas figurer au sommet de cette liste de minéraux critiques?

M. Reusser a ajouté ceci :

Si nous perdons cette ressource naturelle non renouvelable en la recouvrant d’asphalte et de béton, elle disparaîtra à jamais. En revanche, si, partout au pays, nous prenons des mesures pour conserver, protéger et gérer nos sols, ils deviendront une ressource infinie qui nous permettra de produire des aliments pour toujours.

Honorables collègues, le milieu agricole est bien au fait des incertitudes entourant nos sols, et une stratégie nationale visera à faire de la santé des sols une priorité nationale dans tous les secteurs et partout au pays.

Ce projet de loi vise à répondre aux préoccupations de l’industrie et à celles qui ont été soulevées lors de l’étude sur la santé des sols du Comité de l’agriculture. Il montrera au secteur agricole et au monde entier que le gouvernement du Canada reconnaît la contribution des sols à la prospérité du Canada et il concourra à protéger notre souveraineté et notre sécurité alimentaires. La communauté internationale en prendra note, et beaucoup de pays pourraient suivre notre exemple, si ce n’est déjà fait.

Certains de nos partenaires dans le monde entier ont déjà reconnu l’importance et le potentiel des sols au-delà des avantages agricoles. Ainsi, en avril 2024, le gouvernement de la Nouvelle-Zélande a publié un communiqué de presse qui définit le sol comme un actif stratégique et qui explique son rôle vital dans l’économie de la Nouvelle-Zélande.

Je cite le communiqué de presse de Natasha Lewis, sous-secrétaire responsable des stratégies, de l’intendance et du rendement au ministère de l’Environnement :

Le sol est un actif stratégique. Une grande partie de notre PIB repose sur les 15 premiers centimètres de sol qui se trouvent sous nos pieds.

Pendant l’étude du Comité de l’agriculture et des forêts, nous avons eu le privilège d’entendre le témoignage de Penelope Wensley, ancienne défenseure nationale des sols pour le gouvernement de l’Australie. Elle nous a parlé de l’important travail stratégique et législatif qui se fait dans ce pays. En 2021, le gouvernement australien a commencé à prendre des mesures pour donner la priorité à la protection des sols : il a publié une stratégie sur 20 ans intitulée The National Soil Strategy, qui décrit comment l’Australie entend valoriser, gérer et améliorer la qualité de ses sols au cours des 20 prochaines années. Le rapport produit pour l’occasion mettait l’accent sur le rôle crucial que jouent les sols dans la prospérité de l’Australie. En voici un extrait :

Le sol australien est reconnu et apprécié comme un atout national crucial par tous les intervenants. Mieux compris, il est géré de façon viable, pour le bien de notre environnement, de notre économie, de notre alimentation, de nos infrastructures, de notre santé, de notre biodiversité et de la population, aujourd’hui et à l’avenir.

Pour assurer la concrétisation des buts, de la vision et des objectifs de sa stratégie nationale, le gouvernement australien a également publié un plan d’action national pour les sols pour les années 2023 à 2028, qui présente divers programmes et activités qui mettent en avant la santé des sols, qui favorisent l’innovation dans le domaine des sols et qui optimisent l’acquisition de connaissances sur les sols. Ce plan d’action réaffirme également l’importance des sols en soulignant que « [l]e sol est une ressource non renouvelable et un bien national ».

En tant que gardienne de la protection, de la conservation et de l’amélioration de la santé des sols, l’Australie a souligné qu’elle reconnaissait que les sols représentaient un atout national stratégique pour sa prospérité environnementale, économique et sociale. Il est temps que le Canada emboîte le pas et qu’il élabore et mette en œuvre une stratégie nationale visant à protéger, à conserver et à améliorer la santé des sols et reconnaisse les sols comme l’atout national stratégique qu’ils sont.

La communauté agricole canadienne — en fait, tout le monde qui mange trois fois par jour, sept jours sur sept, 365 jours par année — dépend de la terre vitale qui se trouve sous nos pieds. Bien que souvent négligée, elle est essentielle à la culture des aliments que nous consommons, à l’alimentation de nos animaux et à l’équilibre de l’écosystème.

Comme nous l’avons appris au cours de notre étude, bien que le sol soit souvent considéré du point de vue de la production alimentaire, les sols sains peuvent également atténuer les changements climatiques. Comme je l’ai expliqué précédemment, un sol sain a non seulement le potentiel d’éliminer les polluants de notre eau et de nos écosystèmes, mais aussi la capacité d’atténuer les changements climatiques. D’ailleurs, le Comité de l’agriculture et des forêts a entendu parler de différentes pratiques durables utilisées par les agriculteurs, les éleveurs et les producteurs pour assainir les sols tout en réduisant leur empreinte carbone.

Pour protéger, conserver et améliorer la santé de nos sols, il nous faut une stratégie nationale qui comprenne des mesures pour aider et encourager les agriculteurs ainsi que les autres utilisateurs des terres à adopter des pratiques de gestion bénéfiques. Ces pratiques doivent favoriser la santé des sols, la durabilité, l’atténuation des changements climatiques et la préservation des sols dans l’ensemble du secteur agricole.

Chers collègues, les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire sont des innovateurs résilients, mais ils continuent de se heurter à de nouveaux défis et à des obstacles supplémentaires, notamment l’augmentation des risques agricoles liés aux changements climatiques et à l’imprévisibilité des conditions météorologiques; la menace des droits de douane et les obstacles au commerce interprovincial, qui entraînent une hausse des coûts et des obstacles complexes; ainsi que des mesures d’aide gouvernementale peu fiables et très lourdes. On reconnaît également très peu les efforts déployés par notre secteur agricole pour surmonter ces défis afin de continuer à mettre chaque jour de la nourriture sur nos tables.

L’agriculture est indispensable au bien-être de notre pays, et la santé des sols est à la base de ce secteur. Nous avons tous besoin de manger, et nous avons tous besoin de sols sains afin que nos agriculteurs, nos producteurs et nos éleveurs puissent continuer à cultiver des aliments pour nourrir notre pays et la planète. Si nous ne prenons pas soin de nos sols maintenant, nous ne prendrons pas soin de notre pays. Nous ne voulons pas nous réveiller un jour et nous rendre compte que nous ne disposons pas des sols ou des terres dont nous avons besoin pour nourrir notre population. Au rythme actuel, je crains que nous ayons à relever ce défi plus tôt que tard.

L’un des articles les plus importants de ce projet de loi prévoit que la stratégie nationale doive inclure des mesures qui recommandent de reconnaître les sols à titre de patrimoine national stratégique. Il s’agit de la première recommandation du rapport sur les sols. En tant que pays souverain sur le plan alimentaire, le Canada a le privilège de produire plus de nourriture qu’il n’en consomme. Les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire comptent pour 7 % du produit intérieur brut du Canada, ayant généré 150 milliards de dollars pour notre économie en 2023.

Toutefois, notre statut et notre capacité à nourrir notre pays ne sont pas éternels. Nous devons prendre soin des sols qui produisent nos aliments maintenant si nous voulons continuer à avoir un secteur agricole fort et résilient à l’avenir. Nous devons faire de nos sols un patrimoine national stratégique et reconnaître que leur rôle est aussi vital pour notre pays que l’eau que nous buvons et l’air que nous respirons.

Une stratégie nationale permettra non seulement de sensibiliser les Canadiens à l’importance des sols, mais aussi de veiller à ce que le gouvernement du Canada prenne des mesures pour protéger, conserver et améliorer la santé des sols, afin de garantir que nous disposions de sols assez sains pour continuer à nourrir notre pays et à prendre soin de notre environnement.

Chers collègues, vous vous demandez peut-être si ce projet de loi relève de la compétence fédérale. Comme je l’ai déjà dit, un sol sain est nécessaire à la sécurité alimentaire, qui est une responsabilité fédérale. C’est nécessaire pour produire du carburant à partir de la biomasse, qui est réglementée à l’échelon fédéral. Les approbations pour la croissance et l’expansion de projets à grande échelle qui enjambent plus d’une province sont également une responsabilité fédérale.

Nous avons un rôle important à jouer et nous devons veiller à ce que la santé des sols soit reconnue et protégée, en collaboration avec les parties prenantes et tous les ordres de gouvernement, comme je l’ai mentionné.

Vous vous demandez peut-être aussi si ce projet de loi respecte la Constitution canadienne. Je peux vous assurer que, dans le cadre de notre travail avec le Bureau du légiste et conseiller parlementaire, nous avons longuement discuté de cette question pour garantir la constitutionnalité de mon projet de loi.

Le projet de loi ne prévoit aucune affectation de fonds publics. Il ne s’agit pas d’un projet de loi financier. Les ministères devront collaborer ensemble afin de recueillir les données et de les analyser de concert avec les parties intéressées, mais il n’est pas question d’affecter des fonds fédéraux. D’ailleurs, après avoir entendu 153 témoins et reçu 74 mémoires, comme je l’ai dit plus tôt, après avoir consulté l’industrie dans la foulée de la publication du rapport, et après avoir consulté mes collègues du Sénat, les élus de l’autre endroit et les membres des conseils municipaux, je peux vous assurer que la tenue de consultations concernant le concept d’une stratégie nationale visant à soutenir et à promouvoir les efforts de protection, de maintien et d’amélioration de la santé des sols déployés dans tout le Canada est largement appuyée et même encouragée.

Honorables sénateurs, vous le savez, je défendrai toujours l’agriculture. Tant que je serai au service des Canadiens à la Chambre rouge, je consacrerai en priorité mes efforts à la défense de l’agriculture. Depuis le dépôt du rapport du Comité de l’agriculture sur la santé des sols, j’ai compris que je devais aussi défendre la santé des sols afin de mieux faire connaître le caractère pressant de cet enjeu et l’importance de la conservation des sols.

La protection, le maintien et l’amélioration de la santé des sols requièrent une stratégie à long terme dont les résultats ne seront pas immédiats, mais si nous agissons maintenant, nous pouvons mettre en place les mécanismes qui garantiront que les prochaines générations de Canadiens disposeront des sols dont ils ont besoin pour nourrir la population canadienne pendant de nombreuses générations encore.

Par ailleurs, si rien n’est fait, la dégradation des sols nous empêchera de continuer à nourrir les Canadiens d’un océan à l’autre. Nous ne serons pas en mesure de nourrir les générations futures qui seront nécessaires pour soutenir la croissance. Nous ne serons pas en mesure de nourrir les personnes dont on attend qu’elles travaillent, qu’elles bâtissent et développent notre pays, et qu’elles bâtissent une économie canadienne unique aujourd’hui et dans les années à venir.

Je sais que cela semble sinistre, mais je vous rappelle que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a clairement indiqué que 90 % des sols de la planète risquent de se dégrader d’ici 25 ans. Nous devons agir maintenant. Nous avons besoin d’une stratégie nationale pour protéger, conserver et améliorer la santé de nos sols. Seule une coordination du gouvernement fédéral, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les municipalités, l’industrie et les parties intéressées, permettra d’obtenir des résultats au niveau national, d’assurer notre sécurité alimentaire et de garantir la poursuite de la production de fibres et de carburants.

Chers collègues, j’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer et adopter rapidement le projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols, afin que nous puissions continuer à nourrir notre pays dans les années à venir.

Merci, meegwetch.

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