Langues officielles
Motion tendant à autoriser le comité à étudier la décision du gouvernement d’attribuer un contrat pour un programme de bourses d’études à l’organisme UNIS--Suite du débat
8 décembre 2020
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion suivante du sénateur Housakos :
Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la décision du gouvernement du Canada d’attribuer un contrat pour un programme de bourses d’études à l’organisme UNIS, une tierce partie qui n’a pas la capacité de travailler dans les deux langues officielles, en violation apparente de la Loi sur les langues officielles du Canada, dès que le comité sera formé, le cas échéant;
Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 28 février 2021.
Chers collègues, le sénateur Housakos a formulé des arguments convaincants en faveur de l’adoption de la motion par le Sénat. Il a parlé de façon convaincante de notre responsabilité, en tant que parlementaires, d’assurer la protection des droits des minorités, en l’occurrence, ceux des communautés francophones du Canada.
Permettez-moi de citer un paragraphe du discours du sénateur Housakos qui résume bien son argument :
Malgré la corruption évidente que je vous ai décrite, le plus dommageable dans ce scandale est le manque de respect apparent envers la langue française. Le fait que l’organisme UNIS ait dû faire affaire avec la firme de relations publiques National pour administrer le programme de bourses en français était tout à fait illégal, en vertu de l’article 25 de la Loi sur les langues officielles. Cet article stipule que tout organisme qui offre des services au nom du gouvernement fédéral doit le faire dans les deux langues officielles. Le programme orchestré par le gouvernement fédéral pour l’organisme UNIS n’a pas été conçu dans le respect de la Loi sur les langues officielles. C’est donc à notre tour, en tant que parlementaires, de nous prononcer en faveur du français et de nous assurer qu’il soit respecté.
Honorables sénateurs, on ne saurait être plus clair. Pourtant, en écoutant le discours du sénateur Housakos qui souligne l’importance de l’étude, je n’ai pu m’empêcher de remarquer une fois de plus que certains sénateurs sont réticents à entreprendre un quelconque examen qui pourrait nuire au premier ministre et au Parti libéral. Ce n’est pas la première fois que nous constatons cette hésitation au Sénat. Dans une certaine mesure, cela se comprend; les sénateurs sont généralement loyaux envers le premier ministre qui les a nommés.
Je comprends que les sénateurs nommés par le premier ministre actuel ne font pas officiellement partie de son caucus, mais ils ont tout de même fortement tendance à agir comme si c’était le cas. Maintenant qu’ils forment le groupe le plus nombreux au Sénat, ils ont peut-être même davantage tendance à compenser le fait que le premier ministre est minoritaire à l’autre endroit et à prendre sa défense chaque fois que la situation le demande.
Je n’ai pas l’intention de revenir sur les anciens débats selon lesquels les sénateurs d’en face seraient, ou ne seraient pas, conscients de cette tendance. Je souhaite toutefois souligner que cette prédisposition semble évidente à ceux qui observent le déroulement de nos travaux de l’intérieur même du Sénat ou de l’extérieur. Je crains fortement que cette tendance à protéger le premier ministre de toute critique et de toute accusation n’empêche le Sénat d’entreprendre une étude qui pourrait faire paraître le premier ministre ou son gouvernement sous un mauvais jour, comme l’étude dont nous discutons.
Nous avons pu voir ce phénomène se répéter pendant la dernière session parlementaire. À de multiples reprises, des propositions visant à confier à un comité l’examen des nombreux scandales du gouvernement ont été rejetées parce que les sénateurs nommés par le premier ministre se mettaient sur la défensive pour protéger leur chef.
Le meilleur exemple, honorables collègues, est survenu lorsque nous avons tenté de charger le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles de faire une étude sur les gestes posés par le premier ministre et son personnel dans l’affaire SNC-Lavalin. Nous avons présenté une motion en février 2019, mais elle a été pratiquement vidée de sa substance par un amendement du leader du gouvernement au Sénat qui a reçu l’appui des sénateurs qui voulaient protéger le premier ministre.
En mars, nous avons fait une autre tentative en présentant une deuxième motion, qui a cependant été contestée lors d’un rappel au Règlement. Lorsque cette manœuvre a échoué, des sénateurs ont tenté de faire ajourner le débat. Lorsque cette autre tactique a également échoué, ils ont essayé d’imposer un amendement ridicule visant à faire témoigner l’ancien premier ministre Stephen Harper et son ancien chef de cabinet devant le comité. Ils n’ont pas cessé de faire de l’obstruction.
Honorables collègues, il est regrettable que les allégeances et les partis pris personnels empêchent parfois des comités de réaliser des études qui sont dans l’intérêt de la population. Nous devons faire ce que nous pouvons pour prévenir ce genre d’obstruction, car nous savons que les intérêts du premier ministre ne s’accordent pas toujours avec ceux de la population. C’est pour cette raison qu’il est impératif de mettre la partisanerie de côté et d’examiner soigneusement les faits avant de prendre la décision d’appuyer ou de rejeter l’initiative à l’étude aujourd’hui.
Dans ce contexte, j’aimerais apporter trois précisions utiles aux fins de l’étude de la motion dont nous sommes saisis.
Premièrement, il n’est pas déraisonnable pour un comité sénatorial d’examiner une affaire dans laquelle il est possible que le premier ministre ait enfreint la loi, puisque le premier ministre actuel a déjà un bilan bien établi dans ce sens. Oui, j’ai dit « enfreint la loi ».
Deuxièmement, il n’est pas déraisonnable pour un comité sénatorial d’entreprendre une étude qui risque d’exposer des activités de corruption de la part du gouvernement, puisque la corruption est la marque de commerce du gouvernement actuel.
Troisièmement, il est inapproprié pour le Sénat d’éviter d’étudier le bilan du gouvernement simplement parce qu’un tel exercice risque d’amplifier la sensibilisation du public à l’égard du comportement répréhensible et scandaleux du gouvernement. Si nous évitions tous les sujets qui risquent de ternir l’image du gouvernement, cela l’exempterait de tout examen puisqu’il est difficile de trouver la moindre période où le gouvernement libéral n’était pas impliqué dans un scandale ou dans un autre.
J’aimerais prendre un instant pour développer ces trois points. Commençons par le premier : il n’est pas déraisonnable pour un comité sénatorial d’examiner une affaire dans laquelle il est possible que le premier ministre ait enfreint la loi, puisque le premier ministre actuel a déjà un bilan bien établi dans ce sens.
Chers collègues, il est de notoriété publique que le premier ministre Justin Trudeau a été reconnu coupable d’avoir enfreint la Loi sur les conflits d’intérêts dix fois en moins de quatre ans. Pas deux fois, comme on l’entend souvent, mais bien dix fois. Le commissariat à l’éthique a fait enquête deux fois sur les agissements du premier ministre et au total, dans les deux rapports présentés, dix infractions à la loi ont été relevées.
Le premier rapport, produit en 2017 par l’ancienne commissaire à l’éthique, Mary Dawson, comptait 66 pages et s’intitulait Le rapport Trudeau. Il portait sur le fait que M. Trudeau et sa famille aient accepté d’aller en vacances sur l’île privée de l’Aga Kahn aux Bahamas. L’enquête de la commissaire l’a menée à la conclusion que le premier ministre avait enfreint les articles 5, 11, 12 et 21 de la Loi sur les conflits d’intérêts.
L’article 5 de la Loi sur les conflits d’intérêts exige des titulaires de charges publiques qu’ils gèrent leurs affaires personnelles de manière à éviter de se retrouver en situation de conflit d’intérêts. La commissaire avait conclu :
[...] que M. Trudeau ne s’est pas acquitté de l’obligation qui lui est conférée par l’article 5 lorsque sa famille et lui ont passé des vacances sur l’île privée de l’Aga Khan.
C’était le premier chef d’accusation.
L’article 11(1), quant à lui, interdit à tout titulaire de charge publique et à tout membre de sa famille d’accepter un cadeau ou un autre avantage qui pourrait raisonnablement donner à penser qu’il a été donné pour influencer le titulaire dans l’exercice de ses fonctions officielles.
L’alinéa 11(2)b) de la loi prévoit une exception quand le cadeau ou un autre avantage provient d’un parent ou d’un ami. Or, la commissaire a conclu que, contrairement à ce que M. Trudeau avait dit, la relation personnelle entre ce dernier et l’Aga Khan ne correspondait pas à la définition d’ami donnée dans le paragraphe 11.
Honorables collègues, ce n’est pas comme si le premier ministre avait accepté une bouteille de vin ou un beau service à thé. On parle ici d’un cadeau valant des dizaines de milliers de dollars.
La commissaire a conclu que ces cadeaux pourraient raisonnablement donner à penser qu’ils avaient été donnés pour influencer M. Trudeau dans l’exercice de ses fonctions officielles et qu’il avait donc aussi contrevenu au paragraphe 11(1).
C’était le deuxième chef d’accusation.
L’article 12 interdit à tous les ministres et à tous les membres de leur famille d’accepter de voyager à bord d’avions non commerciaux nolisés ou privés, sauf si leurs fonctions ministérielles officielles l’exigent ou sauf dans des circonstances exceptionnelles ou avec l’approbation préalable du commissaire.
La commissaire a conclu que M. Trudeau avait contrevenu à l’article 12 à deux reprises lorsque sa famille et lui ont accepté de voyager dans l’hélicoptère de l’Aga Khan en décembre 2016 et lorsque sa famille a accepté de voyager à bord d’un vol non commercial nolisé par l’Aga Khan en mars 2016. Elle a conclu que ces voyages ne relevaient pas des fonctions officielles du premier ministre, que les circonstances n’avaient rien d’exceptionnel et que le premier ministre ne lui avait pas demandé son approbation préalable. Je rappelle que ce cadeau valait des milliers de dollars.
Il s’agissait des troisième et quatrième points reprochés à M. Trudeau.
L’article 21 de la loi précise que les titulaires de charge publique doivent se récuser concernant une discussion, une décision, un débat ou un vote à l’égard de toute question qui pourrait les placer en situation de conflit d’intérêts.
La commissaire a conclu que M. Trudeau y avait contrevenu à deux reprises lorsqu’il a omis de se récuser concernant deux discussions pendant lesquelles il a eu l’occasion de faire valoir indûment les intérêts privés du Centre mondial du pluralisme de l’Aga Khan. Ces discussions ont eu lieu peu de temps après les vacances de la famille Trudeau sur l’île privée de l’Aga Khan et elles se sont traduites par une subvention de 15 millions de dollars à l’organisme parrainé par l’Aga Khan.
Voilà pour les points cinq et six — et nous n’en sommes qu’au premier rapport.
Le deuxième rapport a été présenté deux ans plus tard, en août 2019, après que Mario Dion a pris le poste de commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique. On lui a demandé d’examiner le scandale SNC-Lavalin pour déterminer si le premier ministre s’était prévalu de ses fonctions officielles pour tenter d’influencer la décision de la procureure générale du Canada, l’honorable Jody Wilson-Raybould, concernant une poursuite criminelle contre SNC-Lavalin, en violation de l’article 9 de la Loi sur les conflits d’intérêts.
Le rapport du commissaire comptait 58 pages et était intitulé Trudeau II. On ne peut s’empêcher de se demander si l’idée de numéroter les rapports est le signe qu’on prévoyait en publier d’autres du même genre.
Le commissaire écrit ceci :
L’article 9 de la Loi interdit à tout titulaire de charge publique de se servir de ses fonctions pour tenter d’influencer la décision d’une autre personne afin de favoriser son intérêt personnel ou celui d’un parent ou d’un ami ou de favoriser de façon irrégulière l’intérêt personnel d’une tierce partie.
En février 2015, SNC-Lavalin s’est vu porter contre elle des accusations criminelles pour des actes que l’entreprise aurait commis entre 2001 et 2011. Aux termes d’un accord de réparation, aussi appelé un accord de poursuite suspendue, les accusations criminelles pourraient être reportées ou suspendues. À l’époque, le Canada n’avait pas un régime en place permettant les accords de réparation. Au début de 2016, SNC-Lavalin a commencé à faire du lobbying auprès du gouvernement actuel en vue de faire adopter un régime d’accords de réparation. Suite à des consultations publiques, des modifications au Code criminel permettant un tel régime ont été adoptées dans le cadre du budget fédéral de 2018.
Le 4 septembre 2018, la directrice des poursuites pénales a informé le bureau de la ministre de la Justice et procureure générale qu’elle n’inviterait pas SNC-Lavalin à négocier [un] possible accord de réparation. Le bureau de Mme Wilson-Raybould en a informé le Cabinet du premier ministre et le bureau du ministre des Finances. M. Trudeau a alors demandé à son personnel de trouver une solution qui protégeait les intérêts commerciaux de SNC-Lavalin au Canada.
La première étape de l’analyse du commissaire consistait à :
[...] déterminer si M. Trudeau a tenté d’influencer la décision de la procureure générale relativement à son pouvoir d’intervenir dans une poursuite criminelle contre SNC-Lavalin.
Le commissaire a fait valoir ce qui suit :
La preuve a démontré que M. Trudeau a tenté d’influencer la procureure générale de diverses façons, tant directement que par le biais de personnes sous son autorité.
J’insiste sur le fait qu’il y a eu diverses façons.
Chers collègues, on ne parle pas d’une ou deux fois, mais de nombreuses fois.
Cependant, on peut lire ceci dans le rapport :
ll ne suffit pas de tenter d’influencer la décision d’une autre personne pour contrevenir à l’article 9. La deuxième étape de l’analyse consistait à déterminer si M. Trudeau, par ses actions et celles de son personnel, a tenté de favoriser les intérêts de SNC-Lavalin de façon irrégulière.
Le rapport continue comme suit :
Les éléments de preuve recueillis ont démontré qu’une suspension des poursuites aurait favorisé considérablement les intérêts économiques de SNC-Lavalin. M. Trudeau aurait favorisé ces intérêts s’il avait réussi à convaincre la procureure générale d’intervenir dans la décision de la directrice des poursuites pénales. Les gestes posés pour favoriser ces intérêts étaient irréguliers, car ils étaient contraires à la doctrine de Shawcross et aux principes de l’indépendance du poursuivant et de la primauté du droit.
Étant donné ce qui précède, le commissaire à l’éthique :
[…] conclu[t] que M. Trudeau s’est prévalu de sa position d’autorité sur Mme Wilson-Raybould pour tenter d’influencer sa décision concernant l’infirmation de la décision de la directrice des poursuites pénales, laquelle avait conclu qu’elle n’inviterait pas SNC-Lavalin à entamer des négociations en vue de conclure un accord de réparation.
Une seule constatation d’influence indue suffit à entraîner une infraction à l’article 9 de la loi. Le commissaire Dion estime que le premier ministre a enfreint la loi non pas une, ni deux, ni trois fois, mais à quatre occasions distinctes.
Cela porte le nombre total de violations de la Loi sur les conflits d’intérêts à dix : six violations dans le premier rapport et quatre dans le deuxième rapport.
Chers collègues, on pourrait penser que, comme il n’avait pas appris sa leçon la première fois, le premier ministre l’aurait apprise la deuxième fois. Pourtant, moins d’un an plus tard, après la publication du Rapport Trudeau II, le commissaire à l’éthique a annoncé — tenez-vous bien — que le rapport Trudeau III était déjà en chemin. Le commissaire a lancé une troisième enquête sur le premier ministre, cette fois-ci au sujet du scandale UNIS.
Trudeau III ressemble à la suite d’un mauvais film. Nous ignorons quelles seront les conclusions du commissaire, mais nous savons que nous avons affaire à un premier ministre qui a déjà enfreint la loi à 10 reprises. Il mérite probablement d’être qualifié de récidiviste au titre de cette loi. Je dis tout cela pour illustrer mon premier point : il n’est pas déraisonnable pour un comité sénatorial d’examiner une question qui envisage la possibilité que le premier ministre ait enfreint la loi, étant donné son bilan à ce chapitre.
Ensuite, chers collègues, il n’est pas déraisonnable pour un comité sénatorial d’entreprendre un examen qui pourrait finir par mettre au jour des actes de corruption commis par le gouvernement, étant donné qu’il s’agit de sa marque de commerce.
Avant que des honorables sénateurs membres du caucus non officiel du premier ministre décident de se porter à sa défense, permettez-moi de souligner qu’il ne s’agit pas de mon verdict : il s’agit du verdict de la majorité des Canadiens.
En août dernier, Ipsos a publié les résultats d’un sondage, qui révèlent ceci :
La majorité [...] des Canadiens conviennent [...] que le scandale UNIS montre que le premier ministre et le gouvernement sont corrompus [...] Parmi les personnes interrogées lors du sondage Ipsos, 56 % sont d’accord pour dire que le premier ministre et son gouvernement sont corrompus.
Cela signifie qu’en demandant aux clients du Centre Rideau de l’autre côté de la rue, clients qui sont représentatifs de l’ensemble de la population canadienne, s’ils pensent que le premier ministre et son gouvernement sont corrompus, vous entendriez une personne sur deux répondre par l’affirmative.
Chers collègues, la corruption du gouvernement libéral a même attiré l’attention de la communauté internationale. En février 2020, Transparency International a publié son Indice de perception de la corruption 2019, qui évalue 180 pays selon le critère du degré de corruption perçu dans le secteur public. Il ne s’agit pas de la branche politique d’un parti de l’opposition au Canada, mais d’une ONG basée à Berlin qui surveille la corruption gouvernementale dans le monde entier.
Le tableau de l’indice de perception de la corruption 2019 était accompagné d’un article intitulé Canada Falls from its Anti-Corruption Perch, qui disait notamment ceci :
... le premier ministre. L’état de la situation a même fait l’objet d’un avertissement passif de la part de l’OCDE, qui surveille l’application des signataires de sa convention anticorruption.
Oui, chers collègues, vous avez bien entendu. L’OCDE a fait savoir au Canada qu’elle allait suivre de près l’évolution de la situation et elle a même envoyé une lettre à l’autorité canadienne pour confirmer ses préoccupations. Peu de temps après, nous avons appris que l’ancien ministre des Finances, Bill Morneau, allait être candidat au poste le plus élevé de l’OCDE. Apparemment, le gouvernement libéral n’est pas satisfait du travail de l’organisation et il veut essayer d’apporter quelques changements pour que le Parti libéral soit mieux évalué.
Chers collègues, les inquiétudes concernant l’éventuelle corruption ne doivent pas être prises à la légère ou ignorées. Même l’ONU prend la question de la corruption très au sérieux et dit ceci : « La corruption compromet les institutions démocratiques, ralentit le développement économique et contribue à l’instabilité gouvernementale. »
En 2016, l’OCDE a expliqué la situation de cette façon dans son rapport intitulé Putting an End to Corruption :
La corruption compromet le développement économique, politique et social durable, tant pour les pays en développement que pour les économies émergentes et développées. La corruption nuit à la productivité du secteur privé [...] elle réduit la productivité du secteur public [...] et elle constitue une menace pour la croissance inclusive en limitant les possibilités de participer à la vie sociale, économique et politique en toute égalité et en ayant des répercussions sur la répartition des revenus et le bien-être. La corruption a également comme conséquence que la confiance des gens envers le gouvernement et les institutions publiques s’effrite, ce qui rend les changements plus difficiles.
Nous ne devrions pas simplement hausser les épaules en apprenant que 56 % des Canadiens croient que le gouvernement libéral est corrompu. Nous ne devrions pas non plus commettre l’erreur de penser que c’est seulement en raison du scandale SNC-Lavalin. La vérité, c’est que nous n’en connaissons pas la raison. Ce n’est peut-être que la pointe de l’iceberg.
Chers collègues, lorsqu’il est question de l’éthique, le gouvernement a la responsabilité non seulement de respecter l’éthique, mais aussi de donner l’impression qu’il la respecte. Le même raisonnement s’applique à la corruption. Le gouvernement doit non seulement ne pas être corrompu, mais il ne doit même pas donner l’impression qu’il l’est. Or, rien ne suscite les soupçons de corruption plus rapidement qu’un important contrat à fournisseur unique accordé à des amis et à d’anciens collègues.
Par exemple, en juin dernier, le gouvernement libéral a signé un contrat de 237 millions de dollars pour acheter 10 000 respirateurs d’une entreprise appartenant à l’ancien député libéral Frank Baylis. Les respirateurs dont il est question n’avaient même pas été homologués par Santé Canada au moment où le contrat a été signé.
Par ailleurs, selon des témoins qui ont comparu devant le comité de l’éthique de la Chambre, la semaine dernière, les respirateurs correspondent au modèle utilisé par une entreprise aux États-Unis, où l’on peut les acheter pour environ 13 000 $ chacun. L’entreprise de M. Baylis a facturé au gouvernement du Canada environ 23 000 $, c’est-à-dire environ 10 000 $ de plus pour un respirateur identique, ce qui me porte à croire que le Canada a payé 100 millions de dollars de plus qu’il aurait dû.
Parlons maintenant d’AMD, une entreprise canadienne qui fournit du matériel médical dans le monde entier. Elle a bénéficié d’un contrat de 10 ans d’une valeur de 382 millions de dollars, accordé sans appel d’offres, pour fabriquer des masques N95 « faits au Canada » à l’intention des fournisseurs de soins de santé. Le seul hic, c’est que lorsque Medicom s’est vu attribuer ce contrat, elle n’avait aucune usine au Canada. Elle avait des usines à Taïwan, en Chine, en France et aux États-Unis, mais pas au Canada.
Comment une entreprise n’ayant pas d’usine au Canada a-t-elle pu obtenir un contrat à fournisseur unique de 382 millions de dollars pour fabriquer des masques au Canada? Le gouvernement prétend que c’était la seule compagnie en mesure de répondre aux exigences du contrat, mais plusieurs entreprises canadiennes œuvrant dans le même secteur ne sont pas de cet avis : elles croient qu’il y avait de bonnes raisons de soumettre l’attribution du contrat à un appel d’offres concurrentiel. Le gouvernement ne l’a pas fait, ce qui entache encore davantage sa réputation de corruption.
Bien que le commissaire à l’éthique ait refusé de faire enquête, de multiples questions entourent encore une décision de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, qui a accordé un contrat à fournisseur unique de 84 millions de dollars à MCAP, une société de prêt hypothécaire, afin qu’elle gère le programme d’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial. Le vice-président de MCAP n’est nul autre que l’époux de la chef de Cabinet du premier ministre. Cette situation crée une impression évidente de corruption, alors que le gouvernement a le devoir d’éviter la moindre apparence de corruption. Il y échoue lamentablement.
Tout le monde sait que le gouvernement a pris la détestable habitude d’accorder des contrats à fournisseur unique. En août dernier, le National Post nous apprenait que l’ombudsman fédéral de l’approvisionnement fait enquête sur une série de contrats de ce type accordés à UNIS depuis 2017. Selon le bureau de l’ombudsman, les contrats en question « ont été signés entre 2017 et 2020 par quatre ministères fédéraux : Affaires mondiales Canada, le Bureau du Conseil privé, l’Agence de la santé publique du Canada et l’École de la fonction publique du Canada. »
Il est encore trop tôt pour dire si l’ombudsman découvrira des irrégularités ou pas. Cela dit, son bureau a tout à fait le droit de faire enquête sur ces allégations et de faire rapport de ses constatations aux Canadiens, de la même manière que le Sénat a tout à fait le droit de se pencher sur les questions qu’il juge d’intérêt, même si elles risquent de nuire à l’image du gouvernement.
Chers collègues, je pourrais vous donner encore de nombreux exemples de contrats à fournisseur unique plutôt douteux. C’est la manière dont le gouvernement a géré la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant qui a ébranlé la confiance des Canadiens. Ce n’est pas moi qui vous apprendrai que cette affaire a même été surnommée « le scandale UNIS ». Et comme il peut être difficile de tenir le compte des très nombreuses allégations de corruption pesant sur le gouvernement, permettez-moi de vous rafraîchir quelque peu la mémoire.
La Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant a été annoncée le 22 avril. Pour reprendre les mots exacts du gouvernement, elle devait :
[...] aidera les étudiants à acquérir de l’expérience et des compétences précieuses en prêtant main-forte à leur communauté durant la pandémie de COVID-19. Dans le cadre de la nouvelle Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant, ceux qui choisiront d’aider notre pays et leur communauté recevront jusqu’à 5 000 $ pour leurs études à l’automne.
Comme vous le savez, le programme n’a jamais pris son envol. Après avoir signalé son intention de lancer le programme, il a fallu deux mois au gouvernement avant d’annoncer le lancement officiel. Moins de trois jours plus tard, toute l’affaire a commencé à dérailler, alors que fusaient les allégations d’irrégularités.
Parce que le gouvernement a insisté pour caviarder d’énormes parties des documents fournis aux comités de la Chambre des communes, parce que la prorogation du Parlement a mis fin aux travaux des comités et parce que les libéraux font de l’obstruction systématique pour empêcher les comités de poursuivre leurs travaux, nous n’avons toujours pas fait toute la lumière sur le scandale.
Mais voici ce que nous savons : le gouvernement a commencé au début d’avril à chercher une façon d’aider les étudiants à survivre financièrement à la pandémie. Le 5 avril, le ministre des Finances a discuté de diverses idées avec le premier ministre et, deux jours plus tard, le ministère des Finances a communiqué avec l’organisme UNIS pour approfondir l’idée.
Deux jours plus tard encore, le 9 avril, l’organisme UNIS a transmis une proposition spontanée de programme pour les jeunes à la ministre de la Jeunesse, Bardish Chagger, et à la ministre de la Petite entreprise, Mary Ng. Une semaine plus tard, la ministre Chagger a rencontré Craig Kielburger, cofondateur d’UNIS, pour discuter de la proposition. La ministre Chagger a toutefois omis de mentionner cette rencontre quand elle a comparu devant le Comité des finances de la Chambre des communes.
Le 19 avril, Rachel Wernick, haut fonctionnaire d’Emploi et Développement social Canada, a joint l’organisme UNIS pour discuter des possibilités pour la mise en œuvre d’un programme de bénévolat étudiant. On ne sait pas exactement qui a poussé Mme Wernick à faire appel à l’organisme UNIS. Elle a dit que quelqu’un au ministère du ministre Morneau avait mentionné cet organisme.
Trois jours plus tard, le 22 avril, le premier ministre a annoncé que le gouvernement allait lancer le programme de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant. Le même jour, l’organisme UNIS a envoyé à Mme Wernick un courriel contenant une proposition révisée qui comprenait des détails sur un programme de bourse dont même Mme Wernick n’était pas encore au courant. Ensuite, le 5 mai, pendant une réunion du Cabinet sur la COVID-19, la ministre Chagger a présenté une proposition dans laquelle on recommandait l’organisme UNIS comme candidat de choix pour l’administration du programme. La proposition a été approuvée. Par la suite, le 22 mai, tout le Cabinet a examiné et approuvé le plan, en présence du premier ministre, qui a également participé au processus.
Un mois plus tard, le 25 juin, le gouvernement a annoncé que l’organisme UNIS s’était vu accorder 19,5 millions de dollars pour l’administration du programme de 912 millions de dollars. Nous avons appris plus tard que le programme ne financerait des services qu’à hauteur de 500 millions de dollars, et que l’organisme UNIS pourrait alors recevoir 44 millions de dollars. Cette légère modification a fait augmenter les frais d’administration de l’organisme UNIS, les faisant passer de 2 % à 8,6 % des coûts associés au programme.
Tout de suite après les annonces, le train a commencé à dérailler. Le 28 juin, les conservateurs demandaient à la vérificatrice générale, Karen Hogan, de faire enquête sur l’entente, soulignant qu’il s’agissait d’un contrat à fournisseur unique sans appel d’offres conclu avec un groupe qui avait des liens bien connus avec les Trudeau. Dans les jours qui ont suivi, la subvention à l’organisme UNIS a été annulée et le commissaire à l’éthique annonçait la tenue de deux enquêtes distinctes concernant cette situation et les conflits d’intérêts se sont multipliés à un point tel que la population n’arrivait plus à suivre.
Le 9 juillet, l’organisme UNIS confirmait que Margaret Trudeau avait reçu 312 000 $ au total à titre de conférencière lors de 28 activités organisées par UNIS de 2016 à 2020. Alexandre Trudeau, le frère du premier ministre, avait reçu 40 000 $ pour 8 activités tenues pendant l’année scolaire 2017-2018. Sophie Grégoire Trudeau a reçu 1 400 $ pour sa participation à une seule activité en 2012. Le 4 mars, Sophie et sa belle-mère, Margaret Trudeau, étaient les conférencières principales de la Journée UNIS au Royaume-Uni. Dans son site Web, l’organisme UNIS décrit Sophie comme étant bien plus qu’une ambassadrice de l’initiative UNIS Bien-être; elle est décrite comme étant une mentore et une alliée.
En août dernier, l’ancien ministre des Finances, Bill Morneau, a annoncé un financement fédéral de 3 millions de dollars à l’organisme UNIS pour son programme « Nous sommes des entrepreneurs sociaux ». L’annonce a été faite le mois où sa fille a commencé à travailler pour l’organisme caritatif et un mois avant le déclenchement des élections fédérales. Dans son témoignage devant le Comité des finances la semaine dernière, l’ancien ministre Morneau a admis que l’organisme UNIS avait payé les dépenses de 41 366 $ pour deux voyages qu’il a effectués avec sa famille. Il a également dit que sa famille avait déjà fait deux dons de 50 000 $ à l’organisme UNIS, dont un en juin de cette année.
Global News a rapporté que, au total, l’organisme UNIS a reçu au moins 5,5 millions de dollars de financement du gouvernement fédéral entre 2015 et 2019.
Les liens troublants entre le gouvernement Trudeau et l’organisme UNIS semblaient illimités. Gerald Butts, le meilleur ami et ancien secrétaire principal du premier ministre, était considéré comme un partenaire et défenseur exceptionnel de l’organisme UNIS. Mélanie Joly, ministre du Développement économique et des Langues officielles, a participé à de multiples événements organisés par UNIS. Seamus O’Regan, le ministre des Ressources naturelles du premier ministre, a travaillé avec l’organisme UNIS à titre de président honoraire d’Artbound, un organisme de bienfaisance qui recueille des fonds pour le compte d’UNIS. Katie Telford, la chef de cabinet de Justin Trudeau, est cofondatrice de l’organisme de bienfaisance Artbound que présidait le ministre O’Regan. À eux deux, ils auraient permis de recueillir 400 000 $ pour l’organisme UNIS en 2010 et 2011.
Chers collègues, comme vous le savez, le commissaire à l’éthique, la commissaire au lobbying, la GRC et le Comité de l’éthique de la Chambre des communes continuent d’enquêter sur cette affaire. On ne sait pas trop quand les Canadiens connaîtront enfin toute l’histoire ni les raisons qui ont motivé ces décisions. Toutefois, ce qui ne laisse aucun doute, c’est qu’en ne se récusant pas de ces décisions pour éviter l’apparence de corruption, le premier ministre a échoué lamentablement.
Cela rejoint mon deuxième point, soit qu’il n’est pas déraisonnable pour un comité sénatorial d’entreprendre une étude qui risque d’exposer des activités de corruption de la part du gouvernement, puisque la corruption et la marque de commerce du gouvernement actuel.
Mon troisième point est qu’il est inapproprié pour le Sénat d’éviter d’étudier le bilan du gouvernement simplement parce qu’un tel exercice risque d’amplifier la sensibilisation du public à l’égard du comportement répréhensible et scandaleux du gouvernement. Si nous évitions tous les sujets qui risquent de ternir l’image du gouvernement, cela l’exempterait de tout examen puisqu’il est difficile de trouver la moindre période où le gouvernement libéral n’était pas impliqué dans un scandale ou dans un autre.
J’ai déjà mentionné le scandale des vacances sur l’île de l’Aga Khan, de même que l’affaire SNC-Lavalin. Pour ne pas trop accaparer de votre temps, je vous épargne la torture d’une liste complète des scandales, puisque nous souhaitons tous passer Noël à la maison. Cela dit, permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire au moyen de quelques exemples supplémentaires.
Vous vous souviendrez peut-être que Bill Morneau, à peine un an après avoir été nommé ministre des Finances, a présenté le projet de loi C-27, qui a eu pour effet de faire grimper instantanément la valeur des régimes de pensions vendus par sa propre entreprise, Morneau Shepell. Lorsque le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes, la valeur des actions de Morneau Shepell a fait un bond, et il se trouve que l’ancien ministre Morneau détenait encore des actions d’une valeur de 21 millions de dollars.
Lorsqu’il était président du Conseil du Trésor, Scott Brison a tenté d’empêcher l’attribution d’un contrat de construction navale au chantier naval Davie, au Québec, parce qu’il faisait l’objet de pressions de la part de la puissante famille Irving, du Nouveau-Brunswick, qui est propriétaire d’un chantier naval rival à Halifax. L’ancien ministre Brison a ensuite essayé de faire valoir qu’il n’était pas nécessaire de mettre en place un écran pour prévenir les conflits d’intérêts pour l’empêcher de participer à des décisions gouvernementales impliquant deux des familles les plus riches du Canada atlantique, même s’il a déjà été président de l’une de leurs sociétés d’investissements et que son conjoint était toujours membre du conseil d’administration de ladite société.
Ensuite, il y a Dominic LeBlanc, qui a été nommé ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne même s’il a des relations avec la puissante famille Irving. Il a été contraint de collaborer pendant des semaines avec le commissaire à l’éthique afin de trouver un moyen de contourner ce conflit d’intérêts évident.
Plus tard, le commissaire à l’éthique Mario Dion a jugé que Dominic LeBlanc était coupable d’avoir enfreint la Loi sur les conflits d’intérêts parce qu’il a octroyé un permis pour la lucrative pêche de la mactre de Stimpson à une entreprise liée au cousin de son épouse.
Parlant de Dominic LeBlanc et de Scott Brison, nous ne connaissons toujours pas leur rôle exact dans l’affaire du vice-amiral Norman. Les libéraux ont tenté de revenir sur un contrat pour un navire de ravitaillement afin de le redonner aux Irving. Lorsqu’ils se sont fait prendre, ils ont décidé qu’ils auraient la tête du vice-amiral Norman. Le premier ministre l’a même envoyé devant les tribunaux avant que la police n’ait terminé son enquête, mais Scott Brison et Judy Foote ont quitté leur poste. Le vice-amiral Norman a reçu une somme d’argent et il a dû signer un accord de confidentialité.
Que dire de Seamus O’Reagan? Le gouvernement a dépensé 180 000 $ pour le défendre dans une affaire de diffamation. Le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, a été réprimandé pour avoir organisé une activité de financement privée à New York, rien de moins, pour sa campagne électorale. Il n’a jamais révélé la liste des donateurs.
La ministre Maryam Monsef a dû admettre qu’elle n’était pas vraiment née en Afghanistan, contrairement à ce qu’elle avait fait croire pendant des années. Il s’est avéré que le ministre Sajjan avait menti sur son rôle en Afghanistan. On a découvert que le ministre Champagne avait souscrit des prêts hypothécaires auprès de la Banque de Chine pour deux appartements à Londres. John McCallum a été renvoyé de son poste d’ambassadeur à Pékin pour des commentaires inappropriés sur les relations du Canada avec la Chine.
Gerald Butts et Katie Telford, qui étaient à l’époque les deux principaux collaborateurs de Justin Trudeau, ont reçu 207 000 $ pour des frais de déménagement, dont ils ont accepté de rembourser une partie importante seulement après que l’histoire a fait les manchettes et enflammé l’opinion publique. Puis, il y a eu Marwan Tabbara. Il a été autorisé à se présenter comme candidat libéral lors des élections de 2019, même si des allégations détaillées de harcèlement sexuel pesaient déjà contre lui. Après son arrestation en avril dernier, il est resté dans le caucus du parti pendant presque deux mois parce que le Cabinet du premier ministre prétendait n’être au courant de rien.
Darshan Singh Kang a dû quitter le caucus libéral à la suite d’accusations de harcèlement sexuel. Le député libéral Nicola Di Iorio ne s’est pas présenté au travail pendant un an après avoir annoncé sa démission, puis le public a découvert qu’il n’avait pas vraiment démissionné. L’ancien député libéral Raj Grewal a admis avoir accumulé des millions de dollars de dettes en jouant au blackjack au casino et il a fini par démissionner du caucus libéral après que la nouvelle ait été révélée dans le cadre d’une enquête de la GRC. Cependant, après avoir soudainement annoncé qu’il avait remboursé ses dettes s’élevant à des millions de dollars, il est finalement resté député jusqu’à la fin de la session parlementaire. Vous vous souvenez peut-être que M. Grewal faisait déjà l’objet d’une enquête du commissaire fédéral à l’éthique à l’époque et qu’il a été plus tard reconnu coupable d’avoir enfreint la Loi sur les conflits d’intérêts.
Il ne faut pas oublier Jody Wilson-Raybould, Jane Philpott et Celina Caesar-Chavannes — trois femmes fortes sacrifiées parce qu’elles avaient osé tenir tête à Justin Trudeau.
Puis il y a eu l’incident du « Merci de votre don », qui a bien mis en évidence l’élitisme et la condescendance du premier ministre? Avant cela, il y a eu le fameux coup de coude que Justin Trudeau a donné à la députée Ruth Ellen Brosseau parce qu’il était pressé de passer au vote. C’est le même genre de comportement qu’avait adopté Justin Trudeau lors du tripotage de Kokanee, lorsqu’il avait touché de façon inappropriée une journaliste. Il avait ensuite affirmé que, s’il avait su qu’il s’agissait d’une journaliste d’envergure nationale, il n’aurait pas agi de la sorte. Tout le monde se rappelle que le premier ministre avait alors conclu qu’il s’agissait d’une leçon pour nous tous. Nous savons maintenant que « les gens vivent les choses différemment. »
En 2015, on apprenait que Justin Trudeau recevait des honoraires d’organismes de charité à titre de conférencier alors qu’il était député. C’était une première, chers collègues; un politicien élu qui exige d’être payé pour prononcer des discours. Quand il s’est fait prendre, il a dit qu’il s’excusait et il a fait un chèque. Quelques semaines plus tard, il s’est de nouveau fait prendre. Cette fois, il avait demandé à la Chambre des communes de couvrir des frais qui lui avaient déjà été remboursés par l’organisme qui l’avait engagé comme conférencier. On avait encore eu droit à la même rengaine : « Je suis désolé, voici un chèque. »
Enfin, n’oublions pas les trois, quatre, cinq incidents ou plus où Justin Trudeau a arboré le « blackface » parce qu’il trouvait cela drôle de prétendre qu’il était noir. Nous ignorons combien de fois il a fait cela parce qu’il ne s’en souvient clairement pas.
Chers collègues, je pourrais continuer, mais je crois avoir fait valoir mon point : il est inapproprié pour le Sénat d’hésiter à examiner le bilan du gouvernement simplement parce qu’un tel examen pourrait attirer davantage l’attention du public sur le comportement répréhensible ou scandaleux du gouvernement. Chers collègues, si vous êtes vraiment indépendants, vous devriez donc accueillir favorablement cette motion.
Même à partir de cette liste partielle, vous pouvez constater qu’il serait facile d’exempter de façon générale le gouvernement libéral de tout examen en évitant les questions qui pourraient le présenter sous un jour défavorable, étant donné qu’il est difficile de trouver une période assez longue où il n’a pas été empêtré dans un scandale ou un autre.
Selon moi, la motion dont nous sommes saisis est importante et mérite l’appui du Sénat. Comme le sénateur Housakos l’a dit :
Le programme orchestré par le gouvernement fédéral pour l’organisme UNIS n’a pas été conçu dans le respect de la Loi sur les langues officielles. C’est donc à notre tour, en tant que parlementaires, de nous prononcer en faveur du français et de nous assurer qu’il soit respecté.
Nous devrions remercier le sénateur Housakos pour cette motion et nous devrions certainement tous l’appuyer. Je sais que certains sénateurs hésitent à entreprendre un examen qui pourrait ternir l’image du premier ministre et du Parti libéral, mais je vous exhorte à aller au-delà de la loyauté partisane et à tenir compte de l’importance de protéger le bilinguisme partout au Canada. Merci.
Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?
Oui, absolument.
Sénateur Plett, je suis certaine que vous serez d’accord avec la déclaration de votre collègue que je m’apprête à citer. C’est en fait tiré de son discours au sujet de la motion à l’étude. Le sénateur Housakos a dit :
Les politiciens de tous les partis politiques confondus utilisent le sujet de la langue pour gagner des votes et du capital politique. Malheureusement, malgré le fait que ce soit un thème récurrent dans le discours politique, peu d’actions concrètes et efficaces sont menées pour remédier à la situation critique du bilinguisme canadien. Cessons d’utiliser la langue comme un outil politique et unissons nos voix, en français et en anglais, pour faire en sorte que le Canada soit un pays réellement bilingue. Tout le monde en sortira gagnant.
Sénatrice, je ne suis pas certain qu’il y avait une question dans votre intervention.
Êtes-vous d’accord avec cette...
Absolument, je suis souvent d’accord avec le sénateur Housakos. Certains diront que je suis d’accord avec lui la plupart du temps. Sénatrice Gagné, pour vous et moi qui venons — et je crois qu’il fut un temps où nous étions la seule province bilingue. Ce n’est peut-être plus le cas, mais nous étions la seule province officiellement bilingue. Vous pouvez vous renseigner, sénatrice Gagné. D’autres provinces se sont déclarées bilingues, mais nous étions la seule à l’être officiellement. Notre province est certainement celle qui a l’une des plus importantes communautés francophones hors Québec.
Je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il ne faut pas permettre que le bilinguisme devienne un dossier politique. Toutefois, il existe des lois et des règles claires, et l’une d’elles a été enfreinte par une entreprise qui s’est vu accorder un contrat, bien qu’elle n’offre aucun service en français ou bilingue, ce qui est contraire à la loi.
Sénateur Plett, vous êtes certainement au courant du fait que le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, prend des mesures pour déterminer si oui ou non l’organisme UNIS a la capacité de fournir ses services dans les deux langues officielles, comme c’est prévu par la loi. N’êtes-vous pas d’accord pour dire que c’est le bon processus à suivre?
Je pense que nous veillons toujours à ce que les autorités appropriées soient saisies de questions de la sorte, et c’est ce que nous avons fait pour la question qui nous occupe. Je vais répondre à votre question par une autre question : seriez-vous en faveur de la motion du sénateur Housakos si le commissaire aux langues officielles concluait que l’organisme n’était pas en mesure de fournir ses services dans les deux langues officielles?
Cher collègue, vous qui êtes foncièrement partisan du Parti conservateur du Canada et qui, au grand jamais, ne faites de l’obstruction parlementaire à des fins strictement partisanes, dites-moi, puisque le commissaire à l’éthique a déjà porté jugement sur certains des agissements de M. Trudeau en matière d’éthique et les a dénoncés — ce que nous reconnaissons tous —, ce que cette motion nous apportera de plus, surtout après une telle plaidoirie non partisane et aussi nuancée de votre part.
En terminant, j’aimerais bien savoir ce que M. Miller faisait comme activité de financement à New York lorsqu’il s’est présenté comme candidat à Montréal.
Sénateur Forest, je pense que la motion parle d’elle-même. C’est clairement ce qu’elle tente de faire. Je vous en lis un extrait :
Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la décision du gouvernement du Canada d’attribuer un contrat pour un programme de bourses d’études à l’organisme UNIS, une tierce partie qui n’a pas la capacité de travailler dans les deux langues officielles [...]
Le sénateur Housakos affirme que le comité doit examiner la question et en faire rapport. Je ne peux pas prédire ce que le comité décidera et quels genres de mesures punitives il faudra prendre s’il conclut que c’est le cas. Nous devons attendre le rapport du comité, comme nous avons l’habitude de le faire, et ensuite prendre une décision en fonction du rapport.
Ne revient-il pas au commissaire aux langues officielles de faire ces vérifications?
Sénateur Forest, votre caucus a présenté un certain nombre de motions qui visent à renvoyer des choses aux comités. C’est l’une des raisons pour lesquelles les comités existent. Je pense que le commissaire aux langues officielles devrait certainement effectuer ces vérifications. Il ne fait aucun doute que le comité devrait le convoquer afin de lui poser des questions. Toutefois, en tant que sénateurs, nous avons toujours l’obligation de faire ce qui s’impose. Nous devrions toujours dénoncer la corruption lorsque nous en sommes témoins. J’imagine que vous êtes d’accord, sénateur Forest.
Sénateur Plett, il semble que vous et vos collègues ayez été accusés de faire de la politique partisane, mais soyons clairs. Des membres de la famille Trudeau ont reçu des centaines de milliers de dollars en honoraires d’un organisme qui ne les aurait soi-disant pas payés, et c’était un organisme bénévole. En échange, l’organisme reçoit potentiellement 900 000 $ dans le cadre d’un contrat à fournisseur unique. Malgré tout, la majorité des sénateurs qui sont non partisans sont troublés par les termes utilisés pour dire les choses comme elles sont.
La question s’en vient. J’ai la possibilité d’inclure un préambule avant ma question, chers collègues. Ceux d’entre vous qui ne sont pas ici depuis assez longtemps l’apprendront à un moment donné.
Ma question, sénateur Plett, est la suivante. J’ai reçu des milliers de courriels de contribuables et de Canadiens qui veulent de vraies réponses à ces questions. Le fait que la majorité des sénateurs nommés par le gouvernement font de la politique partisane et ne permettent pas au Parlement de faire son travail ne donne-t-il pas une mauvaise image du Sénat?
Tout d’abord, permettez que je vous dise merci beaucoup, sénateur Housakos, pour cette question. Je suis ravi que vous ayez amené vos meneuses de claque avec vous pour applaudir et faire des observations pendant que vous avez la parole. Merci également à votre équipe de meneuses de claque.
Sénateur Housakos, je crois que les contribuables canadiens et les électeurs canadiens le méritent. Lorsque les gens disent que nous faisons de la politique partisane, en fait, vous et moi, sénateur, représentons plus de 6 millions de personnes au Sénat en ce moment même — autant que nous sachions. Tous les autres sénateurs, à part notre caucus, sont indépendants. Je ne sais pas qui ils représentent, mais je sais qui je représente. Je représente 6 millions de personnes, au moins.
Ainsi, je crois que le Sénat a l’obligation constitutionnelle absolue, lorsque nous voyons quelque chose qui cloche, d’amener la question à l’avant-plan, comme nous le faisons souvent ici. Il faut continuer cette pratique.
Je crois que vous avez offert l’occasion idéale pour qu’un comité — qui n’est pas saisi d’une mesure législative du gouvernement en ce moment — enquête sur un scandale, sinon sur le scandale des scandales. Certes, le gouvernement fait l’objet de plus de scandales que vous ou moi avons vus dans notre vie, du moins depuis que le père de Justin Trudeau n’est plus au pouvoir. Ainsi, nous voilà, et des gens rient de nous parce que nous voulons faire ce que nous sommes mandatés de faire par la Constitution.
Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Absolument.
Sénateur Plett, je me réjouis de voir que vous soutenez pleinement le bilinguisme canadien et d’entendre l’appui exprimé par votre collègue, le sénateur Housakos.
Voici ma question : encouragerez-vous publiquement votre ami, le premier ministre de l’Ontario, ma province, à offrir davantage de services en français et à mettre en œuvre le bilinguisme officiel dans la province?
Je vous remercie pour cette question. Non, je ne le ferai pas, parce que je suis un sénateur du Manitoba qui siège au Sénat du Canada, une institution fédérale. Je ne chercherai donc pas à imposer ma volonté au premier ministre d’une province qui n’est pas la mienne. J’en parlerai toutefois au premier ministre de ma province, le Manitoba. Le bilinguisme officiel y est déjà instauré, et je m’en réjouis. Bref, j’encouragerai ma province à continuer dans la même voie, mais pas la vôtre.
Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Certainement.
Sénateur Plett, je suis aussi ravie que vous souteniez pleinement la défense du bilinguisme. Dans cette optique, savez-vous quelle est la seule province canadienne officiellement bilingue?
Vous diriez probablement qu’il s’agit du Nouveau-Brunswick. Je demeure convaincu, pour ma part, que le Manitoba est officiellement bilingue, lui aussi.
Eh bien, non, ce n’est pas la bonne réponse. Le Nouveau-Brunswick...
Sénatrice Keating, souhaitez-vous poser une question complémentaire?
Non, Votre Honneur. Je vous remercie.