Projet de loi canadienne sur l'accessibilité
Troisième lecture
13 mai 2019
Propose que le projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, quel cheminement nous avons fait. Quel cheminement nous avons tous fait.
Honorables sénateurs, à titre de parrain du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, aussi appelé Loi canadienne sur l’accessibilité, je suis heureux de prendre la parole ce soir à l’étape de la troisième lecture. C’est pour moi un grand honneur et une grande leçon d’humilité de parler d’un projet de loi qui, nul doute, s’inscrira fièrement dans l’histoire canadienne.
Il faut beaucoup de dévouement, de travail et de persévérance pour écrire une page d’histoire. J’aimerais donc saluer le travail des nombreuses personnes qui ont aidé ce projet de loi à franchir les étapes jusqu’ici.
Je remercie la présidente et la vice-présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, les sénatrices Petitclerc et Seidman, ainsi que tous les sénateurs qui ont participé aux séances du comité. Les questions étaient stimulantes et ont mené à une rétroaction éclairante de la part des témoins de même qu’à des amendements constructifs. Les membres de ce comité travaillent si bien ensemble. Je suis honoré d’en faire partie.
Je remercie également le greffier et l’adjointe administrative du comité, Dan Charbonneau et Ericka Dupont, d’avoir pris les dispositions relatives à la langue des signes, l’ASL, au service de traduction appelé Communication Access Realtime Translation, ou CART, de même qu’à la préparation spéciale de la salle, ce qui nous a aidés à rendre ces séances du comité sénatorial les plus accessibles à ce jour. Le Sénat a de quoi être fier. Nous prêchons par l’exemple.
Je veux aussi souligner le travail incroyable qu’a accompli la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et de l’Accessibilité, Mme Carla Qualtrough. Son équipe et elle ont fait preuve de beaucoup de leadership sur la question de l’accessibilité. Je peux dire sans crainte de me tromper que c’est grâce à l’énergie qu’elles y ont consacré que le projet de loi C-81 jouit d’un si large appui.
Plus important encore, je veux faire valoir le rôle crucial que jouent les personnes handicapées, les premiers intéressés et les organismes voués à cette cause dans la promotion de l’accessibilité au Canada. Dans ce milieu, les gens ont été nombreux à abattre des sommes de travail faramineuses pour que ce projet de loi historique réponde aux priorités des personnes handicapées. Leur travail a grandement contribué à la mise au point du projet de loi amendé dont nous sommes maintenant saisis. Je les remercie de nous avoir raconté aussi généreusement leurs histoires et leurs expériences personnelles. Je sais qu’il faut du courage pour ce faire. Rien de cela n’aurait été accompli sans votre participation, et sans votre expertise. Certaines des personnes dont je parle sont ici, au Sénat, ce soir.
Les sénatrices Petitclerc et Seidman ont prononcé un discours particulièrement intéressant à l’étape du rapport, la semaine dernière, résumant les amendements qui ont été adoptés au comité. Je ne reviendrai pas en détail sur ces amendements. Je veux plutôt mettre en lumière certains témoignages importants.
Au cours de ses audiences, le comité s’est fait dire à maintes reprises qu’il est temps d’adopter une loi canadienne sur l’accessibilité. Des Canadiens qui doivent surmonter des obstacles pour pouvoir participer pleinement à leur milieu de travail et à la société nous ont dit — et continuent de nous dire — que nous devons adopter ce projet de loi. Voici ce qu’a déclaré Bill Adair, de Lésions Médullaires Canada et de l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité, devant le comité :
Partout au pays, les gens qui participent au projet de l’alliance nous le disent : « Nous voulons une loi. Donnez-nous un outil avec lequel nous pourrons travailler. Oui, demandez des changements, mais, au bout du compte, nous voulons l’adoption du projet de loi avant les élections. Nous aurons ainsi la structure et le cadre nécessaires à l’élimination des obstacles. Nous le voulons maintenant. Nous attendons depuis trop longtemps; c’est maintenant ou jamais. »
Honorables sénateurs, tout le monde a hâte que ce projet de loi soit adopté. Nous devons poursuivre notre travail essentiel pour que le projet de loi franchisse les dernières étapes. Cette communauté attend depuis assez longtemps de recevoir la reconnaissance et le respect qui lui sont dus.
Le projet de loi apportera un autre changement important et positif : il fera porter la responsabilité au système, plutôt qu’aux personnes qui doivent faire face à des obstacles dans leur vie quotidienne. Dans son témoignage, Diane Bergeron, de l’Institut national canadien pour les aveugles, a déclaré ce qui suit :
Avoir un handicap est épuisant, et je ne dis pas cela à la légère. Et c’est encore pire quand il faut composer avec la discrimination, les violations des droits, les différentes mesures législatives, les critiques et les gens qui pensent que vous n’avez pas de valeur. Le système actuel est injuste et inacceptable.
Nous connaissons l’histoire, chers collègues, c’est celle de l’institutionnalisation, de la stérilisation et de l’isolement social. Le Canada avait un système qui arrachait les enfants à leur famille et le pouvoir aux citoyens. Les personnes handicapées étaient considérées comme des fardeaux et traitées comme si elles étaient cassées. Notre pays ne peut tout simplement pas continuer de faire porter par les particuliers le fardeau de la défense des droits de la personne. Nous pouvons — et nous devons — faire mieux. En fait, nous ferons mieux grâce à ce projet de loi.
Outre le revirement nécessaire sur le plan de la responsabilité, une fois adoptée, la Loi canadienne sur l’accessibilité énoncera des pratiques exemplaires et un cadre que les provinces et le secteur privé pourront rependre à leur compte. Le projet de loi amorce surtout un changement de culture, de perception et de compréhension face au concept d’inclusion dans notre société. Je n’ai pas de meilleure analogie à proposer que celle de la ministre Qualtrough pour décrire les attentes que j’ai par rapport à ce projet de loi. Il faut être un amateur de sports pour la comprendre, mais j’étais on ne peut plus d’accord avec elle lorsqu’elle a déclaré au comité :
Je crois que plus tard, nous verrons cela en rétrospective comme un point décisif — comme celui qu’a été la chaîne TSN dans le monde des sports — pour les droits des personnes handicapées et la façon dont nous parlons des handicaps dans ce pays.
Ce sont les mots de la ministre.
Honorables sénateurs, en 2017, quelque 6,2 millions de personnes, soit environ 22 p. 100 des Canadiens de 15 ans et plus, ont déclaré être limitées dans leurs activités quotidiennes à cause d’un handicap. On s’attend à ce que ce pourcentage croisse dans les prochaines années en raison du vieillissement de la population canadienne puisque la prévalence des handicaps augmente avec l’âge. C’est pourquoi le gouvernement a consulté, au cours de l’élaboration du projet de loi, plus de 6 000 personnes des quatre coins du pays ayant vécu de telles difficultés. On a continué à faire appel à elles, en tant que témoins et experts au comité, afin de tirer parti de leurs connaissances et de leur expérience qui contribueront à orienter le changement nécessaire pour un avenir meilleur.
Steven Estey, de la Nouvelle-Écosse, a fait partie de ces témoins. Il représentait le Conseil des Canadiens avec déficiences. L’organisme a contribué à faciliter une partie de ces consultations. M. Estey nous a présenté un bon résumé de ce que cela signifiait. Il a expliqué ceci :
[N]otre organisation a mené une consultation [...] pour discuter avec les Canadiens handicapés des mesures qu’ils veulent voir dans cette mesure législative. Nous avons eu l’occasion de discuter avec plus [d’un millier] de personnes au pays. Nous avons tenu 22 consultations distinctes dans différentes villes au pays. Nous avons eu des consultations téléphoniques. Nous avons eu des consultations sur Internet. Nous avons consacré beaucoup de temps à essayer de déterminer ce que les gens voulaient dans cette mesure législative. Il était très important pour nous de participer à ce processus. Nous sommes très reconnaissants de cette occasion et du soutien que nous avons reçu pour pouvoir y participer.
Voilà ce que j’appelle de l’inclusion, honorables sénateurs : consultation, collaboration, concertation et rétroaction tirée d’expériences réelles. Je sais que les détails du projet de loi vous ont déjà été expliqués en long et en large, y compris par moi, mais j’aimerais vous parler à nouveau de l’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité, car pour la toute première fois, la composition du conseil d’administration fera en sorte de donner un sens bien réel au principe « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous ». Pensez-y un instant. Ce sont les membres du conseil d’administration qui pourront établir les normes à suivre en puisant dans leur propre vécu.
J’ai toujours dit qu’il faut être présent pour que la communication opère. Eh bien c’est la même chose pour les politiques : il faut être dans le coup si on veut que son opinion soit prise en compte et favoriser le changement. Dans le cas qui nous intéresse, la future Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité établira les règlements nécessaires pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. J’espère que cet exemple sera repris dans d’autres sphères de l’administration publique. Nous devons absolument tenir compte du point de vue des personnes handicapées si nous voulons continuer d’avancer.
La directrice d’Accès troubles de la communication Canada, Barbara Collier, a fait la liste des troubles et des maladies dont sont atteintes les personnes représentées par son organisme. En voici quelques-uns : paralysie cérébrale, troubles du spectre de l’autisme, syndrome de Down, difficultés d’apprentissage, syndrome d’alcoolisation fœtale, troubles cognitifs et intellectuels, lésions cérébrales acquises, aphasie causée par un accident vasculaire cérébral, démence, cancer de la tête et du cou, maladie de Lou Gehrig ou sclérose latérale amyotrophique, maladie de Parkinson et sclérose en plaques.
Sénateurs, ces troubles sont très répandus. Cela m’a rappelé que nous finirons tous par devoir faire face à des obstacles qui nous empêchent de participer pleinement à notre société. Nous serons tous touchés de façon positive par ce projet de loi.
Au comité, nous avons appris que bien des efforts sont déjà déployés en prévision de l’entrée en vigueur du projet de loi. Des offres d’emploi sont déjà publiées en ligne en vue de nommer le dirigeant principal de l’accessibilité ainsi que le président et les membres de l’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité, ou OCENA. D’ailleurs, l’OCENA devrait débuter ses activités cet été. Nous savons que les organisations responsables de l’accessibilité ont fait des progrès sur le plan de la réglementation. Par exemple, l’Office des transports du Canada a déjà soumis la première ébauche de son règlement sur l’accessibilité.
Malgré les contraintes de temps, les membres du comité ont accordé au projet de loi et aux amendements adoptés l’étude exhaustive et attentive qu’ils méritaient. Je sais que nombre de ces amendements proviennent directement des communautés, des témoins et des organisations concernés. Je crois donc que nous devrions adopter le projet de loi avec ces amendements et laisser l’autre endroit faire son travail et étudier nos amendements. C’est ainsi que notre démocratie et notre Parlement fonctionnent. Nous devons tous agir avec célérité.
Je le répète : une loi canadienne sur l’accessibilité fait respecter l’égalité des droits fondamentaux de 6,2 millions de personnes au pays — soit un Canadien sur cinq. Selon l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017, parmi les quelque 1,5 million de Canadiens handicapés qui sont âgés de 15 à 64 ans et au chômage, environ 654 000 pourraient travailler dans un marché du travail inclusif, exempt de discrimination et offrant des accommodements.
Oui, chers sénateurs, il peut être avantageux d’embaucher des personnes handicapées. Celles-ci forment un bassin de talents inexploités qui pourrait atténuer la contraction de la population active au Canada.
Comme je l’ai mentionné, l’esprit de collaboration dont on a fait preuve durant l’étude du projet de loi a été et continue d’être exceptionnel. Je suis de nature optimiste et, au cours de l’étude et des consultations, il m’est apparu évident que l’élimination des barrières était de portée et de compréhension universelles. Collectivement, nous sommes prêts à faire le pas, le premier pas vers une société juste et offrant des chances égales. La balle est dans notre camp.
Chers collègues, je suis fier du projet de loi C-81. Je suis fier des amendements proposés en comité. Nous devons envoyer le projet de loi amendé à l’autre endroit cette semaine afin qu’on nous le retourne à temps pour que nous fassions ce que les Canadiens ont réclamé dans leurs témoignages, leurs lettres, leurs courriels et leurs appels téléphoniques, c’est-à-dire fournir au Canada un cadre pour qu’il soit exempt d’obstacle et accessible à tous.
Le temps est venu, chers collègues. C’est leur tour. Nous avons l’occasion de rendre cela possible et d’être placés du bon côté de l’histoire.
Je terminerai ce soir avec quelques mots du grand Jean Vanier, le maître de l’inclusion. Comme vous le savez, il est décédé la semaine dernière à l’âge de 90 ans. En 1998, lors d’une conférence Massey intitulée Becoming Human, il a dit ceci :
En étant plus conscients de la valeur unique de ceux qui nous entourent, nous prenons conscience de notre humanité commune. Nous sommes fondamentalement les mêmes, quels que soient notre âge, notre sexe, notre race, notre culture, notre religion, nos limites et nos handicaps.
Honorables sénateurs, comme je l’ai dit au début de mon discours, nous avons emprunté un parcours commun et découvert une nouvelle voie d’inclusion qui incarne le dicton suivant de la communauté des personnes handicapées :
Rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous.
Je reconnais que nous n’avons pas satisfait tout le monde. Cela se produit lorsqu’on cherche à bâtir quelque chose de nouveau : un Canada exempt d’obstacles.
Nous avons toutefois fait notre travail. Nous en avons appris davantage les uns sur les autres. Nous avons su montrer ce qu’« empathie » signifie. Nous avons modifié le projet de loi. Nous reconnaissons qu’il y aura toujours de nouvelles étapes à prendre. Il s’agit d’un pas vers une société plus inclusive.
Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles.
Pour une dernière fois, je tiens à exprimer mon appui sans réserve au projet de loi et à féliciter le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de son excellent travail. Je tiens également à souligner le travail accompli par la présidente du comité, la sénatrice Petitclerc, ainsi que par la vice-présidente, la sénatrice Seidman, sur un projet de loi décisif et historique pour le Canada.
Je n’entrerai pas dans les détails précis relatifs à l’examen rigoureux qui a été mené au comité, puisque les sénatrices Petitclerc et Seidman l’ont déjà fait avec éloquence. Cependant, j’aimerais attirer votre attention sur le travail remarquable que le comité a réalisé depuis le 21 mars 2019.
Le comité a étudié le projet de loi en profondeur durant quatre séances, dans le but d’y ajouter une plus grande portée. Après avoir entendu le témoignage de 20 groupes d’intérêt et de quatre organismes, le comité a bel et bien effectué des changements qui sont tout à fait favorables à l’intention primaire du projet de loi.
Bien que je ne sois pas membre de ce comité, il est clair que ces longues délibérations bien informées ont mené à l’adoption de 11 amendements. Grâce à ces délibérations, les besoins vastes et uniques de nombreux groupes de personnes handicapées ont été cernés par le comité, ce qui a mené à des amendements précis qui apportent une valeur ajoutée au projet de loi C-81, sans compromettre son adoption tant attendue.
En somme, les modifications au projet de loi demeurent fidèles aux principes du projet de loi, tout en améliorant la reconnaissance, l’élimination et la prévention d’obstacles dans l’ensemble des champs de compétence fédérale. Cette nouvelle version du projet de loi tient également compte du fait que les personnes âgées vivant avec un handicap expérimentent elles aussi des formes multiples et croisées de marginalisation et de discrimination.
Un autre amendement reconnaît désormais que les langues des signes représentent la forme de communication la plus utilisée par les sourds au Canada et qu’elles font partie intégrante de leur accessibilité. Après tout, la reconnaissance des langues des signes constitue un élément essentiel de leur culture et un véhicule indispensable qui leur permet d’évoluer au sein de la société.
Honorables sénateurs, ce sont quelques exemples de changements positifs qui ont été apportés au texte du projet de loi après consultation des spécialistes et grâce à l’excellent travail accompli précédemment par les députés.
Selon moi, ce projet de loi devrait constituer un signal pour le gouvernement du Canada et lui rappeler les 34 fonctionnaires fédéraux souffrant de troubles du développement dont il a été question dans les nouvelles dernièrement et qui sont confinés dans un emploi répétitif ici à Ottawa. Leur contrat devrait prendre fin en mars 2020. J’ose espérer qu’une fois qu’il sera en vigueur, ce projet de loi fera bouger les choses et permettra à toutes les personnes handicapées du Canada d’être des membres à part entière de la société canadienne et d’avoir les mêmes chances de réussite que les autres.
Après tout, un Canada exempt d’obstacles exige que nous prenions conscience des normes, des attitudes sociales et des préjugés qui empêchent les personnes ayant une limitation intellectuelle, cognitive ou physique de participer pleinement à la société.
Je suis sincèrement convaincu qu’une fois en vigueur, ce projet de loi réjouira les nombreux organismes qui attendaient impatiemment cet outil pour surmonter les nouveaux défis et obstacles qui se dressent sur leur chemin.
Honorables sénateurs, ce projet de loi historique témoigne de l’excellent travail que fait notre auguste institution pour les droits des minorités.
C’est le début d’un temps nouveau. Nous allons transformer l’accessibilité en devenant proactifs et en considérant l’ensemble des Canadiens non pas comme un fardeau, mais comme des membres à part entière de la société. Tous ensemble, nous continuerons à croître, à apprendre et à devenir plus inclusifs.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt mes collègues, ainsi que les nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité des affaires sociales. Aujourd’hui, je prends la parole pour vous faire part de mon point de vue, de mon histoire, qui repose sur une vie d’apprentissage et d’action dans ce domaine très important.
Lorsque je suis arrivée au Sénat, il y a 15 mois, il y avait beaucoup à apprendre, ce qui est encore le cas. Par exemple, quand je suis arrivée ici, je présumais, à tort, que l’on s’était déjà attaqué à la question de l’accessibilité à l’aide d’une stratégie nationale complète. Pourquoi? Parce que, il y a 14 ans, en Ontario, j’avais déjà commencé officiellement à jouer un rôle de chef de file en matière d’accessibilité. Je croyais naïvement que les mêmes règlements étaient imposés à l’échelle nationale, compte tenu du temps qui s’était écoulé depuis l’adoption de la loi en Ontario et son entrée en vigueur en 2005.
Honorables sénateurs, 2019 est beaucoup trop tard pour discuter de l’imposition de mesures d’accessibilité à tous les organismes sous réglementation fédérale, et c’est pourquoi le projet de loi dont nous sommes saisis est si important.
Lorsque j’étais éducatrice, tous les jours, j’étais aux prises avec un problème qu’un élève, un membre de sa famille, un enseignant ou un membre de la collectivité vivait relativement à l’accès juste, équitable et inclusif à l’établissement. Un cas en particulier — parfois, il n’en faut qu’un — a cristallisé ce qui allait devenir un engagement à vie à l’égard de l’accessibilité universelle.
Imaginez une mère seule qui a six enfants, tous âgés de moins de 10 ans. Trois d’entre eux sont porteurs du gène de la myopathie de Duchenne, un type grave de dystrophie musculaire dégénérative. Cette maladie fait en sorte qu’avec le temps, les jeunes qui en sont atteints s’affaiblissent, perdent leur autonomie de déplacement et ont besoin d’un fauteuil roulant.
La famille survit avec un faible revenu et, franchement, l’école et la communauté sont leur bouée de sauvetage. Je suis la directrice de l’école qui n’a qu’un seul étage. Mon personnel et moi faisons notre possible pour aider la famille, que ce soit en fournissant des repas, en organisant des collectes de fonds, en offrant des services de transport ou en faisant du tutorat. Nous achetons même un fauteuil roulant pour le fils aîné, Ricky, qui lui est bien utile.
Cette école offre un enseignement jusqu’en 6e année, et il est maintenant temps pour Ricky de terminer l’école élémentaire et de passer à l’école intermédiaire. Nous rencontrons une équipe d’enseignants et de personnel de soutien médical afin de déterminer le meilleur plan pour Ricky. En tant qu’ancienne administratrice d’école secondaire nouvelle à l’administration d’une école élémentaire, j’apprends qu’en raison des besoins physiques de Ricky, ce dernier ne pourra pas fréquenter l’école intermédiaire qui est tout près. Il y a tout simplement trop de problèmes d’accessibilité. Éventuellement, j’apprends qu’il devra faire un trajet d’autobus de 50 minutes pour se rendre à l’école la plus près qui a un semblant de rampe d’accès pour fauteuils roulants.
Comment annoncer à la mère, qui ne sait déjà plus où donner de la tête, que son fils va dorénavant devoir passer plus de 100 minutes par jour avec des étrangers, avec différents conducteurs d’autobus qui ne sont pas formés sur un trajet qui emprunte plusieurs routes différentes, sans réseau de soutien réel et que, dans deux ans, si Ricky est en mesure de continuer ses études, son trajet pour se rendre à l’école secondaire sera encore plus difficile et compliqué, qu’il se retrouvera encore avec un nouveau groupe de jeunes, et ce, alors que son état s’aggrave, et que, dans deux ans, tout sera à refaire avec l’enfant suivant?
Il s’est avéré que c’est une leçon difficile que je devais apprendre. C’était en 2005, l’année où la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario a été adoptée. Comme vous le savez, cette loi visait à repérer, à éliminer et à empêcher les obstacles pour les personnes handicapées. Elle s’appliquait alors au gouvernement, aux organismes sans but lucratif et aux entreprises privées de l’Ontario comptant au moins un employé.
Ma propre conseil scolaire avait besoin d’un leader établi pour travailler à la mise en application de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario pendant au moins trois ans. De manière un peu fortuite, j’ai été invitée à assumer cette fonction. Le travail allait être difficile et très politique, mais me donnerait l’occasion de réunir de nombreux intéressés à l’interne et à l’externe pour faire ce qu’il fallait. La plupart des groupes avec lesquels j’ai travaillé représentaient divers besoins d’accessibilité dans notre localité. Mon travail consistait à veiller à ce que tous les aspects de la loi soient traités, à ce que tout le personnel et tous les bénévoles reçoivent une formation, à ce que nous ayons une politique et des procédures concernant l’accessibilité et à ce que nous ayons en place un plan d’accessibilité pluriannuel avec mises à jour publiques annuelles, des échéanciers et une surveillance. J’ai rempli cette fonction de direction pendant 10 ans. Le travail était constant et un défi politiquement et financièrement et je devais m’assurer que toutes les voix soient entendues.
La sénatrice Moncion a parlé de son travail avec la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario à l’étape de la deuxième lecture. Je ne vais pas répéter son message. Toutefois, je vais indiquer comment les besoins « visibles » et les besoins « invisibles » des personnes handicapées sont étendus et diversifiés. Nous avons commencé par l’environnement et les espaces bâtis dans 130 immeubles et nouvelles constructions. J’en ai appris plus sur l’architecture, la conception, les rampes, les monte-charges, les neuf styles d’ascenseurs, que je n’aurais pu imaginer. Une salle de toilettes qui devait être modifiée pour un seul enfant a coûté 35 000 $; un ascenseur, un demi-million de dollars. Comment fixe-t-on les priorités? Chaque élève compte.
Nous connaissons les besoins physiques parce que nous les voyons. Les besoins invisibles, eux, sont souvent ignorés. Il peut par exemple s’agir de tout faire, comme le fait le Sénat, pour que chacun se sente comme un membre à part entière de la société.
À la fin de nos vastes consultations, nous étions déterminés à ce que chaque décision permette à chaque élève de fréquenter une école dans ce qu’on appelle sa famille scolaire, c’est-à-dire à l’intérieur d’une zone géographiquement limitée. Il ne s’agira peut-être pas de la plus proche, mais elle sera tout dans leur localité, point à la ligne. Nous avons dû trouver des solutions, et c’est ce que nous avons fait. Depuis, chaque décision suit le même cheminement, et c’est à nous de trouver le moyen de garder les élèves et leurs proches dans leur milieu.
Honorables sénateurs, imaginez un instant que votre enfant apprenne qu’il doit prendre l’autobus tout seul — sans ses amis ni ses camarades de classe — pour se rendre à une sortie éducative organisée par son école.
Je suis particulièrement fière d’avoir fait modifier et adapter une série d’autobus afin qu’un nombre accru d’élèves puissent y embarquer et côtoyer ainsi leurs camarades de classe. J’ai aussi rencontré 200 chauffeurs pour discuter de cette initiative. Nous avons répondu au besoin visible, à savoir trouver le moyen physique de mener les élèves à destination avec le moins d’obstacles possible, et au besoin invisible, c’est-à-dire ne pas obliger les élèves à prendre un autobus à part pour participer à la sortie éducative de leur école au même titre que leurs camarades, exactement comme ils en ont le droit.
C’est pourquoi ce projet de loi est tellement important. Il rendra les entités sous réglementation fédérale beaucoup plus accessibles. Il libérera aussi le potentiel d’un énorme groupe de Canadiens qui ont été entravés d’une façon ou d’une autre. Il leur permettra de contribuer à la société de façons dont, bien franchement, ils auraient dû être en mesure de le faire depuis longtemps. Grâce à ce projet de loi, le Canada pourrait devenir un chef de file mondial en matière d’accessibilité. Un tel leadership est grandement nécessaire.
En tant qu’entraîneuse et chef de mission appelée à voyager partout dans le monde, j’ai constaté, et je continue de constater, la grande disparité qui existe sur le plan du respect des personnes handicapées et de la compréhension de ce que représentent les efforts pour les appuyer. J’ai vu des pays qui « cachent » les personnes handicapées et des pays dont les représentants m’ont dit directement qu’ils ne comptaient aucun citoyen handicapé. J’ai vu personnellement un dirigeant politique d’un pays du G7 dire ce qui suit alors qu’il se trouvait au Canada : « Les athlètes handicapés n’ont pas leur place dans les grands événements sportifs. »
Dieu merci, cette culture est en train de changer. Je suis ravie de dire que, après 12 ans de militantisme, mon sport fera ses débuts aux Jeux paralympiques de Tokyo en 2020. Pour en arriver là, il a fallu sensibiliser les pays qui n’appuyaient pas leurs para-athlètes et leurs enfants handicapés et qui ne croyaient pas en l’accessibilité ou en l’inclusion. Il a fallu plus de 10 ans d’effort pour y arriver.
Le week-end dernier, j’ai eu l’occasion de m’entretenir, à l’Université Carleton, à Ottawa, avec des familles et des athlètes handicapés provenant de nombreux pays à propos de ce que signifie le sport pour eux, de ce que signifie un monde sans obstacle et du travail qu’il reste à accomplir dans le monde. Pour le Canada, l’adoption du projet de loi C-81 sera le type d’exemple nécessaire pour montrer la voie à suivre.
Sénateurs, j’aimerais changer de sujet avant de terminer. Je tiens à remercier le comité directeur du Comité des affaires sociales — le sénateur Munson, la sénatrice Seidman et la présidente, la sénatrice Petitclerc — de nous avoir guidés dans ce processus si détaillé. Il a été qualifié de processus en profondeur ce soir, et c’est très vrai. Il s’est agi d’un effort collectif de tous les groupes et caucus représentés au comité, comme en témoignent les débats complets, mais respectueux qui ont été tenus lors de l’examen article par article du projet de loi et qui ont abouti à de judicieux amendements.
À ces nombreux, mais importants Canadiens qui seront directement touchés par ce projet de loi, je peux dire avec assurance que tous les membres du Comité des affaires sociales ont écouté leurs préoccupations. Je tiens à remercier les nombreuses personnes qui nous ont donné des témoignages aussi convaincants de même que les centaines d’autres qui ont pris le temps de nous écrire et de nous rencontrer. Chers collègues, un grand nombre de ces intervenants défendent ce dossier depuis des années. Ils sont très fatigués, épuisés, mais ils espèrent que le projet de loi sera adopté sans délai.
Bien qu’aucune mesure législative ne soit parfaite, j’estime que le projet de loi dont nous sommes saisis constitue une solide base et nous permet de revoir notre culture dans les années à venir. La semaine dernière, un sénateur m’a rappelé qu’il y a progrès et il y a perfection. Cela s’applique aussi à ce projet de loi. En ce qui concerne le projet de loi C-81, le moment est venu d’agir. Merci.
Honorables sénateurs, j’interviens également aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture pour parler très brièvement du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles. Le projet de loi C-81 édicte la Loi canadienne sur l’accessibilité afin d’accroître la participation pleine et entière, de toutes les personnes, surtout les personnes handicapées, à notre société. Il obligera les entités sous réglementation fédérale dans l’ensemble du Canada à assurer l’accessibilité des lieux de travail, des espaces publics, de l’emploi, des programmes, des services et de l’information.
Comme d’autres sénateurs l’ont indiqué, le projet de loi C-81 représente un pas important dans la bonne direction relativement à l’élimination des obstacles auxquels de nombreux Canadiens se heurtent. Les partisans du projet de loi C-81 nous ont tous dit à peu près la même chose : il s’agit d’un bon projet de loi qui mérite d’être adopté, mais personne ne peut être complètement sûr de l’effet qu’il finira par avoir. Pour le savoir, il faudra approfondir les connaissances, tirer des leçons de la pratique et s’engager à travailler en consultation avec des intervenants partout au Canada.
Je m’associe à certaines des observations très importantes qui ont été faites en cette Chambre et je lève particulièrement mon chapeau au sénateur Munson, qui a consacré une grande partie de sa vie à se faire le porte-parole et le champion des Canadiens handicapés et, bien entendu, à défendre des causes comme celle de l’autisme. Il a coparrainé plusieurs événements, et nous avons fait un travail intéressant ensemble. Je sais que l’une des motions que nous avons coparrainées et qui visaient à désigner le mois de juin Mois de sensibilisation à la surdi-cécité reconnaît cet important sous-groupe de Canadiens qui vivent avec des difficultés incroyables.
Cette motion a été adoptée à l’unanimité en 2015, grâce à notre ancien collègue, maintenant à la retraite, le sénateur Vim Kochhar, qui, comme nombre d’entre nous le savent, est un réel champion et un porte-parole efficace pour les Canadiens qui vivent avec un handicap physique ou un autre handicap. Grâce à ses efforts et à son inspiration extraordinaires, nous avons travaillé ensemble pour accomplir certaines choses, ici au Sénat. Le sénateur Kochhar est également cofondateur du Centre canadien Helen Keller et du Rotary Cheshire Home, qui est reconnu comme l’un des rares établissements dans le monde où des personnes sourdes et aveugles peuvent vivre de manière autonome.
Certains des intervenants qui étaient présents sur la Colline ont parlé de ce qu’ils font pour aider les Canadiens sourds et aveugles à communiquer. Ils font un boulot du tonnerre. Pour eux, il s’agit d’une véritable vocation. Ils font en effet un travail qui n’a pas son pareil, puisqu’ils aident à communiquer des gens qui seraient complètement coupés du monde autrement.
Je ne crois pas avoir besoin de rappeler que la motion présentée par notre ancienne collègue la sénatrice Asha Seth afin de faire du mois de mai le Mois national de la vision a été adoptée à l’unanimité par le Sénat.
Nous avons été nombreux à parler de cette mesure, et comme eux, je tiens à souligner l’excellent travail du Comité des affaires sociales, de sa présidente, de sa vice-présidente et de tous ses membres, car ils ont apporté les amendements nécessaires pour que ce projet de loi fasse comme son titre le dit et fasse du Canada un pays véritablement exempt d’obstacles.
J’ai eu l’occasion de discuter avec le président de l’Association des sourds du Canada, Frank Folino, qui a également comparu devant le comité pendant l’étude du projet de loi, ainsi qu’avec le directeur général de Lésions médullaires Canada, Bill Adair. Les deux m’ont dit appuyer fermement le projet de loi C-81, car il s’agit à leur avis d’un grand pas en avant, certes, mais aussi parce qu’ils espèrent qu’il sera mis en œuvre avec la même rigueur et la même vigilance et que tous ces efforts ne seront pas relégués aux oubliettes par la suite. En un sens, nous avons déjà franchi cette étape importante, mais nous devrons dorénavant veiller à ce que le projet de loi soit mis en œuvre adéquatement et qu’il ne demeure pas sans suite.
Je salue tous les véritables héros et héroïnes qui ont inspiré cette mesure législative déterminante et j’en profite pour remercier une fois de plus nos collègues les sénateurs Munson et Ngo ainsi que les membres du Comité des affaires étrangères pour la manière dont ils ont mené le Sénat jusqu’à ce moment charnière de son histoire législative.
Votre Honneur, honorables sénateurs, je suis tout à fait prête à passer au vote.
Je tiens à remercier la sénatrice Martin et les autres sénateurs qui ont pris la parole. Je remercie aussi le sénateur Munson de son excellent travail comme parrain de ce projet de loi.
Je veux faire quelques brèves remarques préliminaires, puis parler précisément de l’inclusion des troubles de la communication dans l’éventail de handicaps couverts par le projet de loi.
Je prends la parole pour participer au débat sur le projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles. Nous savons tous maintenant que l’objectif stratégique déclaré de cette mesure législative déterminante et historique est de favoriser la participation pleine et égale dans la société de toutes les personnes, en particulier les personnes handicapées. Le projet de loi vise à faire du Canada un pays exempt d’obstacles par la prévention, la reconnaissance et l’élimination d’obstacles dans les domaines de compétence fédérale.
De nombreux groupes, y compris divers groupes de défense des personnes handicapées, appuient le projet de loi C-81 et nous exhortent à l’adopter avant la pause estivale. Les leaders au Sénat se sont réunis le 4 avril pour signer une entente afin d’assurer la mise aux voix de plusieurs projets de loi avant la pause et les prochaines élections fédérales. Le présent projet de loi fait partie du nombre.
Je tiens à profiter de l’occasion pour féliciter le coordonnateur du Groupe des sénateurs indépendants, le leader des libéraux indépendants au Sénat, le représentant du gouvernement au Sénat et le leader conservateur au Sénat au sujet de cette importante mesure de modernisation. Vous savez probablement que, comme d’autres ici, je crois que nous aurions tout avantage à rendre les efforts de planification plus organisés et efficaces, comme dans ce cas-ci. En outre, c’est ce à quoi les Canadiens s’attendent de nous, et nous leur devons de procéder en temps opportun aux votes concernant les projets de loi, particulièrement lorsqu’il est question de projets de loi qui visent l’inclusion de tous les membres de la société et la protection des gens les plus vulnérables, comme le fait le projet de loi C-81.
La Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles découle directement d’un engagement du budget fédéral de 2016 concernant l’objectif « d’éliminer les obstacles systémiques et d’offrir une égalité des chances à tous les Canadiens handicapés ».
Entre autres, le projet de loi vise à orienter l’interprétation future de la Loi canadienne sur l’accessibilité au moyen de l’établissement de principes importants, notamment dans une des dispositions qui reconnaît le droit de toute personne à être traitée avec dignité, à l’égalité des chances d’épanouissement, à un accès exempt d’obstacles et à une participation pleine et égale dans la société, quels que soient ses capacités ou handicaps.
Il encadre également l’application de la Loi canadienne sur l’accessibilité, de façon à clarifier quels organismes et entités seront assujettis à la loi et à permettre au gouverneur en conseil de désigner un ministre responsable de cette loi.
Une autre proposition importante de ce projet de loi est la création de l’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité, ou OCENA, dont le sénateur Munson a parlé avec éloquence.
Je précise que l’OCENA serait supervisée par un conseil d’administration composé majoritairement de personnes qui s’identifient comme des personnes handicapées. Le conseil sera chargé d’établir l’orientation stratégique de l’organisation et de superviser et gérer les affaires et les activités qui relèvent du mandat de l’organisation.
L’inclusion de personnes handicapées au sein du conseil d’administration permettrait d’assurer une représentation équitable des nombreux Canadiens qui, à l’heure actuelle, n’ont pas voix au chapitre en ce qui concerne les normes d’accessibilité.
Honorables sénateurs, même si aucun aspect de l’accessibilité n’est plus important que les autres, j’aimerais maintenant faire quelques observations sur la communication.
Je suis ravi que la communication soit prise en considération dans des définitions clés de ce projet de loi, y compris les définitions des termes « obstacle » et « handicap ». Selon la définition fournie dans le projet de loi, le mot « obstacle » signifie tout élément — notamment celui qui est de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences physiques, intellectuelles, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles.
Il définit aussi le mot « handicap » comme une déficience physique, intellectuelle, mentale ou sensorielle, un trouble d’apprentissage ou de la communication ou une limitation fonctionnelle, de nature permanente, temporaire ou épisodique, dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société.
La reconnaissance des troubles de la communication est extrêmement importante parce qu’elle permet d’inclure les 500 000 Canadiens qui présentent des troubles d’élocution et du langage n’étant pas causés par une déficience auditive grave et qui n’ont pas besoin de la langue des signes ou ne l’utilisent pas. Ils peuvent être atteints de déficiences permanentes, comme la paralysie cérébrale, le trouble du spectre de l’autisme, le syndrome de Down et les troubles cognitifs ou d’apprentissage. D’autres personnes peuvent développer des déficiences qui affectent la communication, comme les traumatismes cérébraux, l’accident vasculaire cérébral, la démence, la sclérose latérale amyotrophique, la sclérose en plaques et beaucoup d’autres encore.
Avoir un trouble de la communication peut toucher un ou plusieurs aspects de la capacité de s’exprimer, de comprendre ce que les autres disent, de lire ou d’écrire. Les gens atteints de ces troubles peuvent communiquer en utilisant un langage difficile à comprendre, l’écriture, un clavier, des images, des symboles, des générateurs de parole, l’interprétation en langue des signes, le sous-titrage et les appareils d’aide à la communication.
De plus, reconnaître la vaste étendue des formes de communication est conforme au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’Organisation des Nations Unies, dont le Canada est signataire. L’importance de la question est évidente, mais j’aimerais la souligner aux sénateurs par un exemple concret.
Tout comme les personnes sourdes et les personnes qui ne parlent pas anglais ou français ont besoin des services d’un interprète gestuel ou bilingue, les victimes, les témoins et les accusés qui ont des troubles de l’élocution ou du langage peuvent avoir besoin de mesures d’aide favorisant la communication lorsqu’ils font affaire avec la police, les services juridiques ou l’appareil judiciaire. Malgré le fait que les personnes avec des troubles d’élocution ou du langage soient exposées à toutes sortes de mauvais traitements et de crimes — rappelons que, pour les contrevenants, les meilleures victimes sont souvent celles qui semblent ne pas être en mesure de les dénoncer —, les services d’appui à la communication ne sont pas couramment offerts dans les milieux policier, juridique et judiciaire en tant que mesure d’accessibilité et d’adaptation.
Les intermédiaires en communication sont des orthophonistes qualifiés qui ont reçu une formation supplémentaire de la part de Communication Disabilities Access Canada, ou CDAC, pour travailler dans un contexte judiciaire. Grâce à un financement limité versé par une petite fondation privée, CDAC tient un registre d’intermédiaires formés. Ces services sont offerts aux personnes qui ont besoin d’aide pour comprendre les questions qui leur sont posées ou pour communiquer ce qu’elles veulent dire aux policiers, aux avocats et aux professionnels de l’appareil judiciaire.
Dans une affaire judiciaire ayant eu lieu au Canada dont j’ai pris connaissance récemment, une femme âgée a révélé à son fils, agent de police, qu’elle avait été agressée sexuellement par un préposé aux bénéficiaires dans une maison de retraite ou un établissement de soins de longue durée. Deux ans avant l’agression, la femme avait souffert d’un accident vasculaire cérébral qui avait provoqué une dysphasie, soit un trouble de la communication qui découle de dommages causés aux centres du cerveau responsables du langage. Elle avait de la difficulté à comprendre ce qu’on lui disait, à exprimer ses pensées par des mots, à lire et à écrire. Elle a communiqué ce qui lui était arrivé en faisant des gestes, en prononçant quelques mots et en montrant des images.
Le procureur de la Couronne a constaté qu’elle aurait besoin d’aide pour s’exprimer devant la Cour et a engagé un intermédiaire de communication pour mener une évaluation. L’intermédiaire a conclu que la femme pourrait effectivement s’exprimer pendant le procès si on lui fournissait l’aide nécessaire en reformulant les questions de manière à ce qu’elle les comprenne et en lui permettant de fournir ses réponses avec des images. Le juge a refusé à la femme l’aide en matière de communication dont elle avait besoin pour témoigner.
Cette affaire illustre l’incompréhension qui existe concernant les mesures d’accessibilité à prendre lorsqu’une victime, un témoin ou un accusé a un trouble du langage ou une difficulté d’élocution.
La mise en œuvre d’une bonne loi sur l’accessibilité oblige tous les services de justice à fournir aux gens les mesures d’adaptation et de soutien en matière de communication dont ils ont besoin, y compris des tableaux de communication, des générateurs de parole, de l’interprétation gestuelle, du sous-titrage et des appareils d’aide à la communication. C’est un pas important vers l’atteinte des objectifs stratégiques à cet égard. L’accès à des mesures de soutien appropriées en matière de communication pour les personnes handicapées ne se limiterait pas seulement au système de justice. De telles mesures seraient offertes au sein des systèmes de santé et d’éducation, et d’autres encore.
Honorables sénateurs, j’aimerais vous conter une autre brève histoire, celle d’un homme qui est mon ami depuis 30 ans et qui, au cours des derniers mois, a découvert les difficultés associées aux problèmes de communication. Je parle de Kim Clarke Champniss, dont certains se souviendront pour son travail de vidéo-jockey, de réalisateur de télévision et d’intervieweur exigeant, qui a rencontré les plus grands artistes de rock and roll du monde à la belle époque de MuchMusic. Kim a perdu la voix de façon permanente il y a quelques mois, à la suite d’une chirurgie radicale pour un cancer de la gorge.
Au cours des dernières semaines et des derniers mois, j’ai vu Kim relever héroïquement ce défi, notamment celui de l’accès aux mesures de soutien et aux technologies qui lui permettraient de continuer à échanger avec le monde avec son énergie positive et sa curiosité au sujet de la condition humaine. Kim traversera cette épreuve. Il dirait : « Je vais bien, Tone. Je vais bien. » Néanmoins, Kim souhaiterait aussi qu’il y ait de meilleurs services pour ceux qui sont à ses côtés et pour ceux qui auront certainement comme lui des problèmes de communication.
J’exhorte le gouvernement à envisager une personne qui a un handicap qui touche l’élocution, la langue ou la communication comme membre du conseil d’administration de l’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité, que l’on a mentionnée plus tôt. Sa contribution profiterait grandement aux 500 000 personnes qui vivent avec des troubles de la parole et du langage et elle garantirait que personne n’est laissé pour compte.
Je tiens aussi à signaler que les normes et les règlements mis en place au titre du projet de loi C-81 devront être mis à jour tous les cinq ans en fonction des changements découlant de l’innovation. Les mises à jour devront être examinées par le public avant d’être adoptées.
Pour conclure, honorables sénateurs, le projet de loi C-81 doit être adopté maintenant. En tant que parlementaires et sénateurs, nous avons l’obligation de voir à ce qu’on réponde aux besoins de tous les Canadiens, surtout de ceux qui figurent parmi les plus vulnérables de notre société. Je suis persuadé qu’il faut reconnaître les besoins des personnes handicapées, que c’est un élément essentiel des objectifs de ce projet de loi, dont le but est d’éliminer et de prévenir les obstacles pour tout le monde dans ce pays.
Je termine en remerciant Barbara Collier, qui a défendu sans relâche un amendement en matière de communications adopté à la Chambre des communes. J’invite mes honorables collègues à se joindre à moi pour voter en faveur du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles. Merci à tous.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)