Projet de loi sur la diffusion continue en ligne
Projet de loi modificatif--Autorisation au Comité des transports et des communications d'étudier la teneur du projet de loi
31 mai 2022
Honorables sénateurs, j’aimerais formuler quelques observations.
Tout d’abord, j’aimerais dire que le débat a été intéressant. Je suis impatient d’entendre les dernières interventions avant de passer au vote sur le projet de loi C-11.
J’ai écouté attentivement le débat. Je pense qu’il y a eu de bons arguments des deux côtés. Pour autant, je note une certaine lassitude, voire de la frustration, chez certains sénateurs qui ont l’impression que nous passons plus de temps à débattre de la façon dont nous devrions travailler plutôt que de travailler.
Cependant, il me semble qu’il est important de prendre le temps de réfléchir avant de foncer. Si, comme moi, vous pensez que nous entrons dans une nouvelle ère d’indépendance, alors nous sommes en train d’établir des précédents pour l’avenir.
Je vais maintenant passer en revue certaines de mes impressions.
Je suis peu convaincu par les arguments du genre un tel ou une telle a dit en 1990, en 2017 ou je ne sais quand invoqués par le gouvernement et l’opposition. Le travail du gouvernement consiste à faire adopter les projets de loi par le Sénat aussi rapidement que possible. Un point c’est tout. Le travail de l’opposition consiste à rejeter les projets de loi ou, à tout le moins, à en retarder aussi longtemps que possible l’adoption. Un point c’est tout. Ainsi, même si les discours étaient intéressants et que d’excellents arguments convaincants ont été fournis par les deux camps, le reste des sénateurs, ceux d’entre nous qui sont indépendants et qui tentent de prendre une décision doivent, en tout temps, peser l’intérêt des autres.
À mon avis, nous devons parvenir à une décision par rapport à ce genre de question sans égard à nos sentiments personnels à savoir si nous aimons le projet de loi en question ou le gouvernement de l’heure. Car, la même question se posera sans doute un jour sous un gouvernement différent, et ceux d’entre nous qui aiment le gouvernement d’aujourd’hui n’aimeront peut-être pas le gouvernement de demain.
Si nous exerçons réellement notre indépendance, alors nous devons être cohérents, n’est-ce pas? Dans l’éventualité où un tel scénario se présentait de nouveau dans cinq ans — sous le gouvernement de Pierre Poilievre, le sénateur Plett faisant valoir l’importance que le Sénat prenne le temps d’étudier à fond une politique que beaucoup d’entre nous considèrent comme étant épouvantable —, nous devrons faire preuve de cohérence si nous sommes indépendants, n’est-ce pas?
Je pense que c’est en partie ce qui est en jeu dans ce genre de détours que nous prenons dans le processus, car il y a des précédents. Cela n’a rien à voir avec la possibilité que quelqu’un nous dénonce dans cinq ans. Il s’agit de se regarder dans le miroir et de dire : « Oui, j’étais vraiment indépendant. J’ai pris la même décision il y a cinq ans que celle que je vais prendre aujourd’hui et pour les mêmes raisons. » Cette cohérence est une chose à laquelle j’ai réfléchi. Quelle position cohérente puis-je appuyer aujourd’hui que je sais pouvoir appuyer sous un autre gouvernement? Pour ma part, je suis convaincu que c’est ce que je fais dans ce cas-ci.
Cela ne veut pas dire que je n’appuierai jamais les études préalables. Nous en avons tous parlé. Il y a des moments où les études préalables constituent un outil important. Je ne crois simplement pas que ces deux éléments particuliers répondent aux critères nécessaires pour que nous acceptions de le faire.
Je pense également au rôle du Sénat. Certains débats qui ont eu lieu avant la Confédération portaient sur le rôle du Sénat lorsqu’il s’agit d’adopter, de rejeter et d’amender des projets de loi et de s’attarder sur le second examen objectif. Dans le cas qui nous occupe, je crois que tous ces éléments sont à considérer, surtout en ce qui a trait au projet de loi C-11. Lorsqu’il nous sera renvoyé, je crois qu’il suscitera un débat houleux. Bien des gens y seront soit vivement favorables, soit farouchement opposés. Je crois que c’est le sénateur Plett qui a souligné cela aujourd’hui. Dans ce dossier, il y aura des gagnants et des perdants.
Mon intuition me dit que nous ne devrions pas nous lancer là‑dedans avec empressement. C’est nous qui devrions calmer le jeu. C’est nous qui devrions dire que nous allons nous donner le temps et la marge de manœuvre nécessaires pour bien étudier cette question. Qu’il y ait ou non des manœuvres dilatoires, lorsque ce projet de loi nous sera renvoyé, on aura eu recours à l’attribution de temps, et on aura coupé court au débat et aux activités des comités. On pourrait se retrouver dans la même situation que dans le temps des Fêtes et en juin dernier, avec des ententes de dernière minute et l’ajout de sections entières. Tout cela m’amène à croire que, dans ce cas-ci, il ne serait pas judicieux de nous lancer dans une étude préalable.
Cependant, je tiens à être clair. Mon vote n’a rien à voir avec le projet de loi. Il n’a rien à voir avec son contenu. Je ne sais pas si je voterai pour ou contre le projet de loi. La façon dont je travaille, ici, c’est que je n’accorde pas beaucoup d’attention aux mesures tant qu’elles ne sont pas à l’étude ici, au Sénat, et que je dois me concentrer sur celles-ci. Je sais que nous ne travaillons pas tous de la même manière.
Par contre, honnêtement, je n’ai vraiment aucune idée de la façon dont je voterai. Pour moi, il s’agit uniquement de décider si c’est une bonne idée de nous lancer dans une étude préalable. Je sais que plusieurs de mes collègues se sentent comme moi. Il n’est pas question du projet de loi et de son contenu.
Voilà tout ce que je voulais dire. Pour conclure, je dirai qu’en protégeant l’espace et le temps que nous consacrerons au projet de loi C-11, nous faisons preuve d’une prudence tout à fait justifiée et que cela renforcera d’autant plus la crédibilité de la décision que nous prendrons au bout du compte.
Je vous encourage à réfléchir à mes observations, bien qu’elles soient brèves, maintenant que nous nous apprêtons à voter. Merci.
À votre avis, avons-nous toujours la latitude d’examiner un projet de loi et d’entreprendre une étude préalable? Est-ce que l’un exclut l’autre? Le gouvernement nous demande d’entreprendre une étude — sans échéancier et sans contrainte autre que le fait de nous demander de procéder à une étude. Avons-nous assez de temps?
Je crois que oui. En toute franchise, je crois que nous devons être confiants dans le fait que nous ne finirons pas par croire qu’une étude préalable signifie que nous savons tout ce qu’il y a à savoir au sujet du projet de loi et que si nous tenons un court débat au Sénat, tout sera réglé avant la relâche estivale.
Je sais tout ce que cette demande sous-entend et je sais que le sénateur Gold a été clair, tant en privé qu’en public, sur le fait qu’il n’en sera rien, mais je crois que nous allons faire augmenter la pression, car cela va finir par devenir une version des faits et peut-être nuire à notre travail et ajouter à l’émoi à l’autre endroit. Je crois que dans une situation controversée comme celle-ci, nous et notre réputation risquons d’être entraînés dans le petit jeu qui se trame là-bas, avec toutes les manœuvres et les combines.
Je crois qu’une étude préalable peut avoir lieu à plusieurs moments et qu’il est valable de dire que la question est suffisamment compliquée ou que le moment est opportun — en raison d’une échéance, d’une décision des tribunaux ou pour un motif financier — pour justifier une étude préalable.
Je ne sais tout simplement pas pourquoi, si nous disons que nous allons prendre tout le temps nécessaire... Par ailleurs, il n’a jamais été dit explicitement que le mois de juin n’est pas une option. Dans l’état actuel des choses, je pense que nous risquons d’envoyer le message que nous sommes pressés d’adopter ce texte, et je ne pense pas que ce soit approprié.
Je suis heureux que vous ayez parlé de la complexité du projet de loi. La question que j’ai à vous poser est la suivante : croyez-vous que les comités sont maîtres de leurs propres travaux et qu’ils détermineront la portée de l’étude et le nombre de témoins qu’ils entendront? C’est le comité qui décidera de la portée de l’étude du projet de loi. Si cela nous amène en septembre, qu’il en soit ainsi. Une fois que nous aurons commencé l’étude préalable, le comité en sera responsable.
Vous avez évoqué la possibilité que l’étude se poursuive jusqu’en septembre, ce qui signifie que cela pourrait ne pas être le cas. Selon notre façon d’écouter les choses et notre sensibilité au contexte, nous pouvons interpréter cela de plusieurs façons différentes.
Ce n’est pas ce que je ressens. Il s’agit d’un projet de loi très controversé, pour autant que je sache. Je ne sais pas pourquoi on fait tant d’histoires, mais il suscite beaucoup de controverse. Pourquoi nous précipiterions-nous dans l’environnement politiquement chargé de la Chambre des communes alors que nous n’avons pas à le faire? Le gouvernement a dit que nous pouvions prendre tout le temps que nous voulions pour faire les choses correctement. Pourquoi alors nous précipiter et potentiellement déprécier le travail que nous ferons ensuite, en étant associés au spectacle qui se déroule à l’autre endroit?
Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Bien sûr.
Je considère que vous avez bien expliqué un facteur avec lequel nous essayons tous de composer afin de prendre la meilleure décision possible dans les circonstances quant à une étude préalable. Les études préalables offrent une série d’informations additionnelles, notamment grâce aux témoignages des personnes convoquées et parce qu’elles permettent de s’atteler aux problèmes du projet de loi. Quelqu’un lance : « Pouvons-nous faire une étude préalable? »
L’autre facteur dont vous avez parlé est, à mon avis, plus clair : vous estimez que ce n’est pas le bon moment de procéder à une étude préalable, surtout pour ce projet de loi.
J’essaie de bien vous comprendre. Ma question est la suivante : Si nous étions le 1er mars ou le 1er octobre, votre opinion se fonderait-elle sur des critères différents ou est-ce que vous arriveriez à la même conclusion? Je pense que la période de l’année est un facteur qui entre en ligne de compte et qui ajoute de la « pression », comme vous l’avez mentionné.
L’un des facteurs, je crois, c’est que nous sommes ici, qu’il y a encore des gens qui entretiennent une lueur d’espoir, et qu’il serait possible de régler tout cela avant la fin de la session et l’ajournement du Sénat.
Pour ma part, je pense à la controverse et au fait que j’ai été convaincu par mes réflexions sur... En ce moment même, certains d’entre nous — dont je ne suis pas — sont aux premières loges pour voir comment un comité de la Chambre des communes se compare au Comité mixte sur l’aide médicale à mourir ou au comité qui s’occupe de la Loi sur les mesures d’urgence. Je crois qu’il est préférable de ne pas être trop près de tout cela lorsqu’il faut prendre une décision dans un dossier controversé.
Je crois aussi que, dans ce forum, personne n’écouterait nos possibles conseils d’une façon qui mènerait à des avis pertinents et valables qui pourraient guider les décisions prises par le comité en question.
La question du temps ne m’inquiéterait pas autant qu’elle m’inquiète maintenant, mais je continuerais de me demander si nous devrions nous mêler de cela et si nous avons besoin de le faire, alors que, dans les faits, ce n’est pas nécessaire et ce serait contraire à nos traditions.
Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à une question?
Volontiers.
Je m’abstiendrai — je vous sais gré de reconnaître ce que j’ai dit publiquement et ce que j’ai dit en privé. Ce que j’ai dit, c’est qu’une étude préalable n’est pas un cheval de Troie pour évincer toutes les autres étapes de l’étude, au sujet desquelles il appartient au Sénat de trancher. J’ai deux collègues, et j’espère pouvoir compter sur leurs votes. J’ai la responsabilité de citer Spider-Man, mais pas le pouvoir : une grande responsabilité ne s’accompagne d’aucun pouvoir, si ce n’est le pouvoir de persuasion et le pouvoir de ma propre intégrité et réputation.
Je prendrai la liberté de mentionner que c’est très bien de se faire dire : « Bien sûr, nous pensons que vous êtes une personne formidable, mais le gouvernement peut toujours changer d’avis. Qu’est-ce qui l’en empêchera? On ne nous a pas dit ceci et on ne nous a pas dit cela. »
Au risque de révéler plus que je le souhaite, je dirai qu’il est offensant qu’en dépit des nombreuses déclarations que j’ai faites en privé et en public, et du respect que je manifeste à l’égard de cette enceinte, nous continuions de juger pertinent, dans ce débat, d’exploiter les soupçons.
Je ne peux rien y faire, honorables collègues, si ce n’est vous demander de m’expliquer deux choses. Premièrement, pourquoi, selon vous, le Sénat, dont nous avons tous vanté la réputation, à juste titre, serait-il entraîné dans la politique partisane de l’autre endroit? Si nous choisissons de ne pas nous laisser entraîner là‑dedans, alors nous pourrons sûrement y résister. Cependant, si nous choisissons de nous livrer à des jeux politiques, comme certains le font dans cette enceinte, alors soit, c’est la vie.
Deuxièmement, pourquoi présumez-vous que le gouvernement ou plus précisément les partis à l’autre endroit ne tiendront pas compte...
... de l’avis du Sénat, alors que, dans le cas des quatre études préalables mentionnées — et qui ont porté sur les projets de loi C-14, C-91, C-92 et, plus récemment, C-7 —, les interventions du Sénat ont eu une incidence considérable sur les amendements qui ont été adoptés à l’autre endroit? Nous avons contribué de façon importante à améliorer ces projets de loi. Pourquoi ne ferions-nous pas de même dans ce cas-ci?
Vous avez mis ma capacité de concentration à rude épreuve avec vos questions. Laissez-moi commencer par la première question. Je ne crois pas que les projets de loi que vous avez mentionnés avaient un tant soit peu le potentiel d’animosité de ces deux projets de loi.
Nous devrons peut-être revenir en arrière. Cela créera peut-être un débat pour plus tard et l’histoire pourra rendre son jugement sur le temps qui aura été nécessaire à la Chambre des communes, sur le fait que le gouvernement a utilisé la clôture, et sur le fait que nous n’avons toujours pas reçu le projet de loi. Nous ne savons pas quels amendements y seront apportés.
Pour ce qui est des études préalables que vous avez mentionnées, il est vrai que nous avons bien travaillé ensemble. Dans le cas des projets de loi C-91et C-92, dont vous avez parlé, il n’y a pas eu de rancœur ni de cinéma. Pas de gagnants ni de perdants. Nous avons tous désigné le résultat que nous souhaitions obtenir et nous avons tenté de créer le meilleur produit possible.
Sénateur Gold, je dois dire que je suis désolé que mes observations aient suscité votre colère. Cela dit, nous avons déjà eu des surprises à la dernière minute et je n’invente rien. Des ministres nous ont déjà mis de la pression publiquement dans les médias; des ministres et d’autres agents nous ont déjà téléphoné pour nous dire de nous dépêcher, pour toutes sortes de raisons, à la dernière minute, alors que le projet de loi en question venait tout juste d’arriver au Sénat ou venait de subir des changements au dernier moment. Tout cela est vrai.
Je vous crois sur parole lorsque vous dites que cela ne se produira pas cette fois-ci. Peut-être que la prochaine fois ce ne sera qu’un lointain souvenir, puisque cela ne se sera pas produit en juin. Je sais que c’est frustrant, mais c’est vrai. Selon moi et selon d’autres sénateurs également, il est arrivé que nous n’ayons pas pu examiner adéquatement un projet de loi du gouvernement en raison de prétendues échéances.
Cela me dérange. J’y pense sans cesse. J’ai toujours dit ce que je pensais dans cette enceinte et j’ai toujours cru que je pouvais faire confiance aux sénateurs à ce sujet. Je n’ai aucune arrière-pensée. C’est ainsi que je me sens. Je crois que d’autres se sentent également ainsi. Nous nous en trouvons tous meurtris, et vous aussi.
Il est important que nous puissions tous nous exprimer durant ce débat. Maintenant que je l’ai fait, je vous remercie et je suis prêt à répondre aux questions.
Honorables sénateurs, je pense pouvoir dire sans me tromper qu’il y a un large consensus au Sénat voulant que le projet de loi C-11 nécessite une étude approfondie et complète. La question qui se pose est la suivante : quelle est la meilleure façon de mener cette étude?
Le projet de loi est compliqué, et ses dispositions mettent en jeu de nombreux intérêts divergents de la part d’un large éventail de parties prenantes. Il n’est pas ici question d’entendre les gens de deux camps. Ce n’est pas un débat à deux côtés, mais plutôt à multiples facettes. Les intérêts des créateurs de vidéos numériques ne sont pas les mêmes que ceux des cinéastes établis utilisant une forme de média traditionnel. Les intérêts des jeunes musiciens qui tentent de se faire connaître au moyen de YouTube sont bien différents de ceux des grandes maisons de disques représentées par Music Canada. Les intérêts de Netflix, Prime Video, Apple et Disney diffèrent grandement de ceux de Global Television, Rogers ou Bell.
Le projet de loi met en lumière de nombreux clivages culturels. Le fait d’être anglophone ou francophone, de vivre à la ville ou à la campagne, d’habiter au Nord ou au Sud du pays ou de venir de l’Ouest ou du Centre influe sur l’interprétation du projet de loi C-11. Le fossé générationnel est peut-être encore plus grand. Il y a ceux qui regardent la télévision, ceux qui écoutent Netflix avec leur partenaire et ceux qui ont grandi en utilisant Twitch et Discord. Le projet de loi redéfinit en profondeur l’écosystème du divertissement et de l’information au Canada. Il nécessite un examen rigoureux, équitable, indépendant et non partisan, et le Sénat est particulièrement bien placé pour s’en occuper.
Le projet de loi C-11 est-il inconstitutionnel? C’est ce que laissent entendre certains de ses détracteurs, mais ce n’est pas ce que je crois. Toutefois, il ne fait aucun doute qu’il soulève des questions constitutionnelles importantes. Est-ce que le projet de loi est une mesure de censure? Non. Je pense que c’est un faux débat, mais il s’agit d’une mesure législative extrêmement ambitieuse qui cherche à modifier radicalement la façon dont nous consommons la culture en ligne.
Certains estiment que c’est une mesure législative problématique et protectionniste qui n’est pas forcément compatible avec la façon dont les gens créent ou consomment des médias numériques de nos jours. Que vous appuyiez le projet de loi ou non, j’espère que nous pouvons tous convenir qu’il doit faire l’objet d’un second examen objectif, comme le Sénat peut l’effectuer quand il est à son meilleur. Cependant, il est difficile de procéder à un second examen objectif quand le premier examen est encore en cours.
Les travaux du comité de la Chambre des communes ont commencé il y a une semaine à peine, mais ils avancent très vite. Contrairement au projet de loi parallèle C-10, qui a passé quatre mois au comité, le projet de loi C-11 progresse rapidement. Au départ, on a apporté un nombre extraordinaire d’amendements — 134 en tout — au projet de loi C-10, y compris certains qui semblaient contradictoires, menant à sa refonte. Je ne pense pas qu’il soit injuste ou déraisonnable de ma part de m’inquiéter du facteur temps. En effet, il est possible que si nous entamons notre étude préalable avant que la Chambre ait fini son travail, cela représente une perte de temps pour nous parce que nous n’aurions aucune idée de la forme que prendra le projet de loi quand il nous sera enfin renvoyé.
Or, étant donné le rythme de travail du comité de la Chambre, il est aussi possible qu’une étude préalable soit inutile et que nous recevions le projet de loi si rapidement que nous n’aurons même pas le temps de commencer l’étude en question. Qui plus est, je crains que si nous recevons effectivement le projet de loi à la mi‑juin — et je dis cela avec le plus grand respect pour le représentant du gouvernement que je respecte vraiment beaucoup —, on puisse néanmoins exercer des pressions sur nous pour que nous terminions rapidement l’étude définitive de la mesure législative sans avoir d’abord le temps de bien faire notre travail, du moins c’est ce que j’entends dire à l’extérieur de cette assemblée.
Je m’inquiète encore davantage à ce sujet aujourd’hui, alors que nous entamons le débat sur cette motion, en raison de ce qui se passe avec le projet de loi C-18. Le gouvernement a eu recours à l’attribution de temps pour le projet de loi C-18 et, cet après-midi, il a renvoyé le projet de loi au comité après la deuxième lecture. Je crains beaucoup que nous nous retrouvions avec les deux projets de loi devant le comité en même temps, et il ne faut également pas que le projet de loi C-18, qui est beaucoup plus radical et problématique que le projet de loi C-11, soit étudié à la hâte.
Soyons clairs. Je ne veux pas traîner les pieds ou retarder cette étude pour le simple plaisir de le faire. Je ne cherche pas à promouvoir une position partisane ou idéologique. Je parle pour des raisons de bon sens. Je veux aller de l’avant. Je veux commencer l’étude du projet de loi C-11 dès que possible. Cela fait maintenant deux ans que j’ai des rencontres avec des intervenants et des lobbyistes, des artistes et des universitaires, ainsi que des avocats et des experts techniques. J’ai hâte d’entamer une étude appropriée du projet de loi C-11. Ce projet de loi est tout aussi important pour les industries et les économies qu’il cherche à réglementer que le projet de loi C-69 l’était pour le secteur de l’énergie, et il mérite une étude sérieuse et mesurée.
J’apprécie le fondement des arguments du sénateur Gold et je partage sa frustration quant au temps que cela a pris pour renvoyer ce projet de loi au Sénat. Toute ma vie, j’ai défendu avec passion la cause des arts et de la culture au Canada. Pour avoir été dramaturge et auteure, il m’est arrivé d’apporter mon humble contribution à l’économie culturelle. Toutefois, je voudrais clarifier certains points de confusion.
Il y a deux semaines, le représentant du gouvernement a dit dans cette enceinte que si le projet de loi C-11 était repoussé à l’automne,
[...] des centaines de millions de dollars devant être affectés au contenu canadien et aux créateurs de contenu canadien seraient perdus.
J’aimerais que mes collègues comprennent la chose suivante. Cela ne signifie en aucun cas que des centaines de millions de dollars destinés au secteur culturel seront perdus si ce projet de loi n’est pas adopté avant octobre. En effet, le projet de loi C-11 ne prévoit pas l’affectation ou l’octroi de fonds. Par contre, ce projet de loi donne au CRTC de nouveaux et vastes pouvoirs pour qu’il puisse parvenir à des accords avec les plus grands fournisseurs de services de diffusion continue et les plateformes des réseaux sociaux. Le CRTC devra conclure des ententes financières avec chacun et cela pourrait prendre des années. Une fois ce projet de loi adopté, il n’y aura pas de changements immédiats concernant le financement de l’industrie du film, de la télévision et de la musique au Canada.
Le projet de loi à l’étude n’est pas un projet de loi fiscale; c’est un cadre réglementaire. Il n’impose aucune taxe. Il n’applique aucun prélèvement. Il ne crée pas de fonds de production, et ne transfère ni n’attribue un seul cent à qui que ce soit. Il renvoie la question au CRTC. Quand le projet de loi C-11 sera adopté, le cas échéant, il s’agira d’une ouverture, pas d’une finale. Il permettra des négociations complexes avec les principaux acteurs de l’économie numérique, mais il ne mettra pas, comme par magie, de l’argent dans les poches des producteurs canadiens de musique, de films ou de produits numériques.
Le sénateur Gold nous a mis en garde : retarder l’adoption du projet de loi reviendrait à priver les artistes canadiens d’un revenu gagné qu’ils méritent, mais le texte du projet de loi C-11 ne prévoit aucune rémunération pour les artistes, créateurs et détenteurs de droits d’auteur canadiens. Là n’est pas l’intention du projet de loi. Il s’agit, comme je l’ai dit, d’un cadre réglementaire.
Par contre, le projet de loi C‑18, que nous recevrons également sous peu, imposerait à Facebook et à Google un arbitrage exécutoire et les obligerait à subventionner les nouvelles en ligne. Le projet de loi C‑11 ne comporte aucune disposition comparable. Je le répète, le cadre de réglementation est un premier pas qui pourrait s’avérer nécessaire pour mettre en place un nouveau système d’indexation et de mise en valeur du contenu canadien visant à en accroître la visibilité en ligne. Toutefois, il ne s’agit pas, du moins pas directement, d’un nouveau moyen de rémunérer ou d’indemniser les scénaristes, les cinéastes, les compositeurs ou les artistes canadiens.
Donc, pour emprunter une métaphore au sénateur Tannas, peut-être pourrions-nous calmer le jeu un peu. Je suis prête à étudier le projet de loi C‑11 dès que possible. Je ne souhaite nullement me traîner les pieds ou glander. Mon bureau a déjà préparé une liste de témoins potentiels. Je suis impatiente d’entendre leur témoignage et d’entendre leurs réponses à nos questions. Vu les malentendus qui persistent au sujet de ce projet de loi, Dieu sait que nous avons besoin d’audiences publiques pour renseigner la population et peut-être même les parlementaires.
Je ne veux tout simplement pas qu’on nous pousse à respecter une date butoir artificielle arbitraire. Je ne veux pas qu’une étude préalable vite faite remplace l’analyse en bonne et dure forme et le débat de bonne foi qui s’imposent à l’égard de ce projet de loi. Par conséquent, je suis fière d’appuyer ce soir ma collègue, la sénatrice Dasko, et de demander aux sénateurs de soumettre cette motion à un second examen objectif. Merci beaucoup. Hiy hiy.
Comme vous le savez, la sénatrice Simons et moi sommes toutes deux membres du Comité des transports et des communications. Nous avons beaucoup discuté de ce projet de loi. Nous avons reçu des témoins ensemble — ou devrais-je dire plutôt des lobbyistes — pour essayer de comprendre un peu mieux la situation. Donc, je souscris à votre analyse et je suis tout à fait d’accord pour dire que c’est compliqué, qu’il n’y a pas que deux parties, mais beaucoup de parties. Je crois toutefois que les enjeux sont très importants. Il y va, sans doute en partie, de la survie de la culture canadienne telle qu’on l’a connue. Oui, il faut changer les choses; oui, il faut innover, mais nous avons quand même le devoir de protéger cette culture canadienne. Comment peut-on le faire dans un environnement qui est complètement différent?
En quoi le fait d’amorcer la semaine prochaine une étude préalable où l’on commencerait à recevoir des témoins qui nous donneraient une vue d’ensemble et des gens qui connaissent bien la technologie nous empêcherait-il de poursuivre une étude qui ne serait plus une étude préalable quand le projet de loi arrivera au Sénat? Je ne vois pas en quoi cela change quoi que ce soit. Nous sommes assis dans une salle, nous recevons des témoins, nous les écoutons, nous posons des questions. En quoi une étude préalable et une étude que nous pourrions faire à ce stade-ci et qui serait un prolongement de l’autre sont-elles différentes?
C’est une bonne question. Même si j’ai bien compris, c’est plus facile pour moi d’y répondre en anglais, si vous me le permettez.
C’est une question tout à fait légitime. Je crois que si nous étions dans une situation différente et que nous avions la certitude que le contenu de l’étude préalable pourrait s’arrimer à une étude qui en serait le prolongement, je serais moins inquiète.
Je dirais que le problème, ce sont les voix que j’entends à l’extérieur du Sénat et qui me disent que l’intention est de faire adopter ce projet de loi d’ici un mois. C’est pour cette raison que je n’ai rien contre l’idée de commencer l’étude aussi rapidement que possible. Je veux simplement faire connaître mes inquiétudes. Nous ne devons pas nous retrouver dans la même situation que lorsqu’il a été question d’une possible prorogation ou élection. Ce n’est pas justifié.
L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?
Bien sûr, j’accepte.
Saviez-vous que, pour le projet de loi C‑92, dont j’étais la marraine il y a quelques législatures, ainsi que pour le projet de loi C‑15 de la législature précédente, des études préalables robustes ont mené à des études sur ces projets de loi? Je crois que tout s’était très bien déroulé. Nous avions tout à fait confiance en l’utilité de ces études. C’est ma première question.
Deuxièmement, pourriez-vous nous dire quelles sont les voix que vous avez entendues dans votre tête ou peut-être en dehors du Sénat? Qui affirme qu’une étude sera menée? Le sénateur Gold a affirmé que nous n’étions pas des « arnaqueurs », nous ne cherchons pas à forcer la note ou quoi que ce soit du genre. Le bureau du représentant du gouvernement au Sénat veut également une étude très robuste.
Je vous remercie, ma chère amie. Oui, évidemment, je suis au courant de l’excellent travail effectué par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Il s’agit du projet de loi sur les langues maternelles et du projet de loi sur les services d’aide aux enfants, n’est-ce pas?
Oui.
De toute évidence, il y a déjà eu d’excellentes études préalables. Le problème, c’est que j’ai des échos du cabinet du ministre et de nombreux intervenants de l’industrie, à qui l’on a dit que ce projet de loi doit être adopté avant la fin du mois de juin.
Le sénateur Gold vient de faire le même haussement d’épaules que mon père avait l’habitude de faire. C’est un geste très juif. Il m’est très familier. J’ai grandi avec ce haussement d’épaules et je peux même le faire moi-même.
Cependant, comme je l’ai déjà dit, j’ai des inquiétudes à propos des travaux du comité, malgré tout le respect que j’ai envers les membres qui en font partie. La dernière fois, le comité de l’autre endroit avait disposé de quatre mois pour mener son étude. Cette fois-ci, peut-être est-ce correct qu’il accélère le processus, puisqu’il s’est déjà penché sur la question auparavant. Toutefois, notre comité n’a jamais eu cette chance l’an dernier. Nous étions impatients de nous y mettre, mais nous n’avons jamais eu la possibilité de mener notre étude. J’ai très hâte de commencer cette étude.
Sénatrice, j’aimerais poser une question rapide. Le ministre est-il présent dans cette enceinte? Au bout du compte, qui est responsable de cette assemblée? Nous ou la Chambre des communes?
J’espère bien que c’est nous.
Accepteriez-vous de répondre à une autre question, sénatrice Simons?
Avec plaisir.
J’avais promis de ne pas intervenir, car il s’est dit beaucoup de choses, mais j’aimerais clarifier certains points. Comme vous le savez, je suis le parrain de ce projet de loi. Vous devez me faire confiance, cela fait 17 ans que je siège comme sénateur, et le leader du gouvernement ne m’a jamais dit que nous devrions adopter ce projet de loi avant la fin du mois de juin. Le gouvernement ne m’a pas non plus fourni d’échéancier.
Nous arriverons bientôt à la date du premier anniversaire du projet de loi C-10 et je me souviens que l’an dernier, à peu près à pareille date, le projet de loi C-10 avait été étudié pendant trois mois, comme vous l’avez rappelé. Nous avions entendu plusieurs centaines de témoignages. Le projet de loi nous avait été renvoyé après la troisième lecture à la Chambre des communes et nous étions prêts à en poursuivre l’étude. Certains sénateurs — que je ne nommerai pas — avaient préconisé une étude préalable. Nous n’en avons pas fait. L’an dernier, je souhaitais déjà cette étude préalable et je la souhaite encore aujourd’hui, de toute évidence.
Qu’est-il arrivé depuis l’an dernier pour que cette année, certaines personnes rejettent maintenant la tenue d’une étude préalable? Une étude s’impose. Je sais que vous avez rencontré beaucoup de gens, mais pourquoi ne les invitez-vous pas à des rencontres publiques pour que nous ayons la chance de dialoguer avec eux, de découvrir ce qui les intéresse, ce qui selon eux devrait être intégré dans le projet de loi ou en être retranché, ou encore les éléments dont l’autre endroit ne s’occupe pas? Qu’est-ce que l’autre Chambre n’a pas fait l’an dernier? Pourquoi ne pas procéder avec transparence? Voilà le rôle du Sénat.
Je dois reconnaître que je suis ici depuis assez longtemps — j’ai un peu d’ancienneté — pour savoir que c’est ce que nous faisons : nous écoutons. Nous ne nous contentons pas de parler seulement à quelques personnes. Cette idée froissera peut-être certains sénateurs, mais nous écoutons les gens. Notre tâche consiste, entre autres choses, à faire comparaître des gens, des intervenants, devant nos comités et à les écouter. Qu’est-ce qui fait que, contrairement à l’an dernier, nous ne souhaitons pas écouter les gens en public, d’une façon très organisée, au lieu que certains viennent dans notre bureau ou qu’on nous dise ce qu’il en est? Je vous le répète : jamais, jamais.
Il y a une question, sénateur. Elle ne s’adresse pas à vous, car je sais que vous me donneriez une longue réponse. Qu’est-ce qui fait que, contrairement à l’an dernier, nous ne souhaitons pas écouter les gens parler d’un sujet très important?
Sénatrice Simons, je suis désolé de vous interrompre avant que vous puissiez répondre, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à la question?
Seulement pour répondre à cette question.
Le consentement est-il accordé pour répondre à la question?
En toute justice, sénateur Dawson, je me suis également opposée à une étude préalable l’année dernière et pour les mêmes raisons.
Je pense que nous devons simplement faire preuve de pragmatisme dans ce cas-ci. Comme je l’ai dit, je ne prends pas cette position pour des raisons philosophiques. Ce n’est pas à cause d’années de précédents parlementaires. Ce n’est pas pour des raisons partisanes. Le projet de loi sera étudié en comité six fois cette semaine à la Chambre des communes. Il pourrait faire l’objet d’une étude article par article d’ici la semaine prochaine et nous être renvoyé très bientôt. Je ne vois tout simplement pas l’intérêt d’enclencher le processus d’une étude préalable alors que, si nous attendions 48 heures, nous pourrions commencer une étude pour de vrai.
Honorables sénateurs, avant de donner la parole au prochain sénateur, je tiens à souligner que nous débattons de la motion no 42, qui vise à déterminer s’il y a lieu ou non de procéder à une étude préalable du projet de loi C‑11. Nous ne débattons pas du fond du projet de loi C‑11. Nous avons une certaine marge de manœuvre en ce qui concerne les interventions, les questions et les réponses, mais, s’il vous plaît, nous débattons de la motion no 42.
Honorables sénateurs, pour reprendre les mots de l’ancien sénateur George Baker, je serai bref. J’essaierai de ne pas répéter les mêmes arguments, bien sûr, que ceux que j’ai formulés pour la motion précédente concernant le projet de loi C-13.
Je tiens à souligner que je n’ai toujours pas entendu, ni du représentant du gouvernement ni du parrain de ce projet de loi, quelle est l’urgence, quel est l’intérêt public du projet de loi C-11, pour que nous fassions ce qui est vraiment inhabituel dans ces circonstances. Le Sénat est la Chambre de second examen objectif. Il est un organe complémentaire de la Chambre des communes, pas un organe parallèle. Je suis tout à fait d’accord avec la sénatrice Simons et le sénateur Tannas lorsqu’ils disent que nous ne devons pas nous laisser entraîner dans le contexte partisan des études et des votes qui ont lieu à la Chambre des communes.
Je sais que cela peut sembler étrange de ma part, moi qui suis si manifestement partisan, mais je suis aussi le président de ce comité et j’ai une certaine expérience au Sénat. Je crois qu’il est important de poser des questions lorsque le gouvernement semble aussi déterminé à parvenir à ses fins. Je ne veux pas prêter d’intentions à quiconque, mais, sénateur Gold, même si vous dites que le gouvernement n’a aucune idée derrière la tête lorsqu’il tente de nous faire adopter cette mesure à toute vitesse avant la fin des travaux dans quelques semaines, bien franchement, à voir la vigueur et l’intensité avec lesquelles les membres du bureau du représentant du gouvernement au Sénat débattent de la question et tentent de nous convaincre, l’intention du gouvernement est très claire.
Je tiens aussi à souligner quelque chose de très important : à titre de président du Comité des transports et des communications, je trouve très difficile de procéder à l’étude préalable d’un projet de loi aussi important lorsque les opinions sont aussi tranchées. Ce projet de loi suscite la controverse partout au pays et, si j’ai bien compris, le gouvernement a jusqu’à présent refusé d’en déposer ou d’en divulguer les directives politiques et le cadre réglementaire, qui sont des éléments essentiels de ce projet de loi.
Ne hochez pas la tête ainsi. Vous vous souviendrez que, l’été dernier, nous avons eu la même discussion sur ce même parquet. Le gouvernement a finalement rendu public le cadre réglementaire, en juin dernier, à minuit moins cinq, je crois, du côté de la Chambre des communes. Maintenant, vous voulez que nous fassions une étude préalable sur ce projet de loi important et, encore une fois, controversé. À ma connaissance, le gouvernement a refusé jusqu’à maintenant de rendre public le cadre réglementaire à la Chambre des communes.
Le cadre réglementaire de projets de loi de ce genre, comme vous le savez, fait partie intégrante du projet de loi. Il détermine véritablement certains des éléments clés du projet de loi qui doivent être étudiés et examinés.
Tout ce que je souhaite, c’est un engagement ferme de la part du représentant du gouvernement avant que nous ne nous engagions même à envisager la tenue d’une étude préalable. Vous engagerez-vous à ce que le gouvernement rende public le cadre réglementaire, nous permettant ainsi d’en disposer une fois l’étude entamée? Je sais que le gouvernement imposera sa volonté et que nous allons commencer l’étude. Pouvez-vous au moins vous engager à ce que le cadre réglementaire soit rendu public, afin qu’il soit disponible pour les comités de la Chambre et du Sénat? Selon moi, c’est essentiel. Sans cela, nous ne pouvons pas faire notre travail. Merci, chers collègues.
Honorables sénateurs, j’aimerais aussi intervenir dans cette discussion sur la motion visant à nous obliger à mener une étude préalable sur le projet de loi C-11, un projet de loi d’initiative ministérielle très controversé qui n’est pas urgent.
J’irai droit au but. Cette motion sur l’étude préalable vise à assurer l’adoption de projets de loi qui n’ont pas fait l’objet d’une étude ni d’un débat en bonne et due forme, ni même d’un premier ou second examen objectif. Ce que nous avons vu à l’autre endroit dans la dernière semaine est honteux.
L’étude préalable de tout projet de loi est surtout quelque chose de commode pour le gouvernement, mais ce n’est pas bénéfique pour le public. Dans le cas du projet de loi C-11, il s’agit d’un projet de loi très controversé. J’ai eu carrément des centaines d’échanges de courriels et de discussions avec des intervenants et des Canadiens qui ont tenté à maintes reprises de défendre leur point de vue en s’appuyant sur des faits, mais, à l’autre endroit, on ne les a pas écoutés ou on n’a pas tenu compte de leur avis.
Le gouvernement a déjà été informé des lacunes et des données probantes qui indiquent que, dans l’ensemble, son approche et ses tentatives de contrôler le secteur de la haute technologie sont malavisées. Même ses fonctionnaires l’ont publiquement contredit en ce qui concerne la censure visant le contenu généré par les utilisateurs. Les lacunes vont au-delà de simples virgules ou adjectifs mal employés. C’est une approche boiteuse et mal ficelée qui comporte des lacunes essentielles et qui touche des droits fondamentaux.
Le 18 mai dernier, dans son discours sur la motion portant sur l’étude préalable, le sénateur Gold a affirmé qu’il est possible que le projet de loi soit amendé à la Chambre des communes et il a ajouté ceci : « [...] je ne sais pas si ce sera le cas et personne ici ne le sait. » Je suis d’accord. C’est justement la question. Laissons les députés faire leur travail, puis nous ferons le nôtre. Le projet de loi ne porte pas sur un budget ou des dépenses liées à la pandémie. Aucune vie n’est en jeu. Il n’y a pas de crise. Par ailleurs, les gouvernements ne peuvent pas toujours obtenir ce qu’ils souhaitent. C’est pourquoi nous avons un système de freins et de contrepoids.
Compte tenu de toute la saga entourant les travaux du comité de l’autre endroit sur le projet de loi C-10 l’été dernier — les amendements secrets qui ont été jugés irrecevables par la présidence —, le tout a été une source d’embarras, et la situation se répète aujourd’hui. Non seulement le projet de loi était boiteux, mais le processus l’était également.
Bien sûr, le gouvernement veut que ce projet de loi et tous les autres soient adoptés rapidement et, habituellement, en faisant l’objet d’un examen aussi bref que possible. Ce n’est toutefois pas ce que nous faisons ici. Nous ne pouvons pas fermer les yeux. Notre travail est d’examiner les projets de loi du gouvernement, de les corriger, de les améliorer et de les mettre à l’abri de contestations fondées sur la Charte, le tout en veillant à ce que les droits des Canadiens soient protégés.
Comme on le sait, il n’est pas possible d’apporter des amendements pendant une étude préalable, et rien ne garantit que le comité mènera une étude ordinaire des projets de loi lorsqu’ils auront été renvoyés au Sénat. Pourtant, nous avons besoin, pour ce projet de loi comme pour tous les autres, d’audiences et de témoins et, plus important encore, de débats honnêtes.
Je crains que si nous acceptons de mener un nombre croissant d’études préalables préventives, nous ouvrirons la voie, ici au Sénat, à une nouvelle culture, une culture de complaisance dans laquelle le gouvernement n’aura plus besoin de respecter la procédure parlementaire ni de tenir compte du capital politique qu’il doit investir. Il n’aura plus besoin de voir à ce qu’il y ait de réels débats, un échange équitable ou divers points de vue, ni de gagner grâce à de solides arguments appuyés sur des faits, ni de montrer qu’il a consulté les gens et les a écoutés.
Le Sénat a pour rôle de défendre les intérêts des gens que nous représentons, et je crains que ce rôle devienne un rituel désuet, démodé. Si tous les projets de loi du gouvernement sont considérés comme urgents ou essentiels, aucun ne le sera vraiment.
Depuis le début de la pandémie de COVID, nous avons autorisé des dépenses et des nouveaux programmes de plusieurs milliards de dollars sans les soumettre à un examen en bonne et due forme. Nous avons accepté que les circonstances étaient extraordinaires et qu’il était urgent d’agir, mais c’est fini. C’est devenu une tendance croissante et commode. Des modifications complexes sont dissimulées dans les projets de loi budgétaires. On limite les débats. Si nous ne pouvons pas proposer des amendements, que nous n’avons pas la garantie d’une étude complète de la part du comité et que nous n’attendons pas de voir si le projet de loi sera modifié à l’autre endroit, je crains que nous devenions quelque chose qui m’offusque profondément, à savoir une assemblée qui se contente d’approuver automatiquement les mesures législatives qui lui sont renvoyées.
Les électeurs ont été appelés à se prononcer sur le gouvernement l’automne dernier et, dans leur sagesse, ils lui ont seulement donné un mandat minoritaire afin de limiter son pouvoir. C’était là un message de la part des électeurs : ils veulent que les libéraux se soumettent à un système de freins et de contrepoids. Or, grâce à un accord parallèle, le gouvernement s’est maintenant créé une fausse majorité. Compte tenu de cela, nous devons plus que jamais mettre en place des freins et des contrepoids dans le processus.
Nos comités sont en mesure de faire de l’excellent travail. Nous attendons de pouvoir reprendre notre véritable travail parce que nos efforts ont été entravés par la technologie, le manque d’installations et de traducteurs et par le fait que nous sommes traités comme des citoyens de deuxième classe pour ce qui est de l’accès aux ressources. Nous désirons les outils et le temps nécessaires pour accomplir notre travail.
Les sénateurs membres du Comité des transports, dont je fais partie — bien que je sois privée de mon droit de participer en raison des restrictions d’horaire liées au mode hybride — et tous ceux qui restent, apportent une vaste expérience et une vaste expertise à l’étude des dossiers, quels qu’ils soient. Je suis impatiente que le projet de loi C-11 fasse l’objet d’un examen minutieux. Toutefois, étant donné que le calendrier est déjà chargé et les ressources, très limitées, ce qui fait que les comités ne se réunissent qu’une fois par semaine, la tâche ne sera pas facile.
Le Comité des banques a été chargé d’examiner les principaux éléments d’un projet de loi d’exécution du budget et le projet de loi S-6, deux projets de loi qui proposent d’apporter des modifications radicales à tout un éventail de lois importantes au pays. Manifestement, nous disposons, encore une fois, de trop peu de temps pour traiter de projets de loi de plus en plus complexes. Les modifications à la Loi sur le droit d’auteur et à la Loi sur la concurrence qui ont été insérées en douce dans le projet de loi d’exécution du budget doivent être examinées à fond et méritent qu’on y consacre le temps voulu. Or, on nous prive de ce droit en raison d’une déclaration d’urgence tirée par les cheveux et, à mon avis, fondée sur des motifs purement politiques. Cette tendance est inquiétante.
Les comités consacrent de moins en moins de temps aux projets de loi d’initiative ministérielle. Trop souvent, nous entendons le témoignage de représentants du ministère ou du ministre responsable, puis il reste peu de temps pour les détracteurs, les parties intéressées ou les personnes qui souhaitent simplement savoir pourquoi, quand, et comment.
S’agit-il, en l’occurrence, de l’examen complet d’une mesure aussi complexe qu’un projet de loi d’exécution du budget, de la modification d’un régime de réglementation ou d’un projet de loi qui modifie fondamentalement la façon dont les Canadiens communiquent entre eux et interagissent avec Internet?
Il y a une dernière observation que je voudrais faire au sujet de ce processus. Le débat sur la motion au sujet de l’étude préalable représente exactement le type de dialogue sain dont le Sénat a besoin. Tenons ce débat; allons au fond des choses. Pourquoi? Parce qu’il est beaucoup plus difficile d’abroger de mauvaises mesures législatives que de les peaufiner dès le départ. Autrement, les tribunaux se retrouvent engorgés et ce sont les contribuables et les consommateurs qui assument des coûts qui auraient pu être évités.
Chers collègues, je crois qu’il est important de nous rappeler le rôle unique que nous sommes appelés à jouer, de nous rappeler pourquoi nous sommes ici non seulement dans le contexte parlementaire, mais aussi dans la sphère politique. En faisant preuve de toute l’indépendance que nous estimons avoir, nous devons nous prononcer sur les mesures prises par le gouvernement en place. Croire que la motion pour la tenue d’une étude préalable ne viserait qu’à donner plus de temps au comité, qu’il s’agirait d’un beau geste envers nous serait au mieux naïf, et je ne crois pas que personne ici soit naïf.
Je trouve également insultant qu’une personne de l’autre endroit ait cru que le Sénat pouvait être trompé par une proposition aussi évidente.
En outre, prétendre que débattre de cette motion n’est qu’une perte de temps est une insulte à mon intelligence et à la vôtre et cela mine l’engagement que nous avons pris lorsque nous avons juré dans notre serment de faire le travail nécessaire et de préserver la réputation de la Chambre haute du Parlement.
Je vous demande donc, chers collègues, de ne pas sombrer avec complaisance dans des digressions. Il ne faut pas oublier les répercussions politiques ou économiques de notre travail. Il ne faut pas renoncer à notre droit fondamental de nous exprimer. Nous devons nous jeter dans l’arène des idées et de la différence et ne pas être réduits au silence par la rectitude politique, la pression ou la peur. Laissons le gouvernement faire ses devoirs avant de faire les nôtres. C’est son travail. Il faut en discuter de manière approfondie. Il ne faut pas faire taire les opposants, ni empêcher les comités de faire leur travail, ni tourner les coins ronds.
Attendons de voir ce que contiendra le projet de loi quand la bataille dans l’arène des idées politiques sera terminée.
Résistons aux manœuvres procédurales du gouvernement, peu importe lequel. Chers collègues, je vous prie de vous joindre à moi pour voter contre cette motion. Il en va de l’intérêt du Sénat d’aujourd’hui, de la prochaine génération de sénateurs et du serment que nous avons prêté. Il est surprenant de découvrir ce qui se cache dans un coin sombre quand on y projette de la lumière. Merci.
La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Bien sûr.
Merci beaucoup. Il se dit décidément beaucoup de choses au Sénat aujourd’hui, que ce soit de façon directe ou indirecte ou au moyen d’allusions, mais il s’agit d’un débat vraiment important. J’aimerais en quelque sorte aborder un sujet dont personne n’ose parler. Nous connaissons tous, je crois, l’ancien gouverneur général David Johnston, qui a écrit un livre sur la confiance et sur 20 façons d’améliorer le Canada.
Voici donc la question que je vous pose : notre débat porte-t-il sur la tenue d’une étude préalable ou plutôt sur la confiance, c’est‑à‑dire sur la conviction que nous aurons bel et bien la possibilité, plus tard, de suivre le processus habituel et d’exercer la diligence qui doivent être les nôtres au Sénat?
Ils sont inextricablement liés. C’est une chose que l’on nous demande d’effectuer une étude préalable en nous promettant que nous aurons tout le temps du monde, mais de nombreux autres sénateurs, dont moi-même, ont entendu d’autres propos à l’égard de la véritable intention. Bien sûr, la confiance se trouve au cœur de toute cette affaire. Je crois que cela faisait partie de l’argument du sénateur Tannas.
La relation que nous entretenons les uns avec les autres au Sénat diffère de celle que nous voyons trop souvent à l’autre endroit. Je siège à un comité parlementaire mixte, où le processus est frustrant. J’essaie de rester polie, puisque nous sommes au Sénat.
Nous devons préserver cette différence de même que l’approche différente que nous adoptons. C’est difficile, étant donné qu’il s’agit d’un projet de loi du gouvernement. Comme je l’ai déjà dit, c’est notre travail. Nous devons nous prononcer, peu importe le gouvernement au pouvoir et peu importe ce que nous pouvons penser des projets de loi.
En ce qui concerne la nécessité de mener une étude préalable — et je pense que le moment choisi est significatif —, nous aurions peut-être une impression différente si nous en parlions alors que des mois de séance nous attendaient. Toutefois, lorsqu’on parle d’une crise imminente si nous ne menons pas cette étude préalable dès l’aurore demain matin, une alerte sonne dans mon esprit. Depuis des dizaines d’années, je viens régulièrement dans cette ville pour couvrir la politique et participer au processus de différentes façons, et mon instinct me dit qu’il faut se méfier. Lorsque quelqu’un veut absolument quelque chose et qu’il le veut maintenant, examinons de quoi il en retourne exactement. Penchons-nous sur la question. Demandons-nous les raisons derrière cette démarche. Cherchons à savoir quelles pourraient être les motivations potentielles — je ne dis pas que ce sont d’horribles personnes. Les gouvernements décident ce qu’ils veulent faire. Nous décidons ce que nous voulons faire.
Je dis simplement que nous devrions faire preuve d’intelligence et d’esprit critique. Prenons en compte ces intuitions.
J’aimerais poser une question à la sénatrice si elle le veut bien.
Vous disposez d’une minute.
Ma question ne prendra pas une minute. Sénatrice Wallin, après l’intervention du sénateur Tannas — pour laquelle je suis malheureusement arrivé un peu en retard — la sénatrice LaBoucane-Benson a posé la question suivante :
Le gouvernement nous demande d’entreprendre une étude — sans échéancier et sans contrainte autre que le fait de nous demander de procéder à une étude. Avons-nous assez de temps?
Je pars du principe que vous ne parlez pas des représentants du gouvernement, mais bien du gouvernement lui-même. Ce sont les gens de l’autre endroit qui nous demandent simplement d’étudier un sujet sans contrainte aucune.
Quelle serait votre réaction si cette demande venait du Sénat?
Eh bien, je veux dire que c’est à ce genre de demande que nous avons affaire. Nous avons en quelque sorte fusionné les deux questions : on nous demande d’effectuer une étude préalable de la mesure législative, mais on nous dit ensuite que nous pouvons intégrer cette étude dans un autre type de processus à long terme. Ce n’est pas ainsi que nous travaillons. Soit nous procédons à une étude préalable, comme nous venons de le faire pour le budget, soit nous procédons à une étude en bonne et due forme au comité, où nous choisissons notre échéancier, nos témoins et tout cela.
Ce sont deux choses distinctes qui ne se combinent tout simplement pas.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion no 42, qui a été déposée le 18 mai dernier par le représentant du gouvernement au Sénat et qui porte sur une étude préalable du projet de loi C-11, visant à modifier la Loi sur la radiodiffusion, qui est actuellement à l’étude à la Chambre des communes. Depuis ma nomination au Sénat comme sénatrice indépendante en novembre 2016, j’ai eu l’occasion de participer à quelques études préalables sur des projets de loi qui portaient sur toutes sortes de sujets.
Je retiens notamment de ces expériences l’étude préalable du projet de loi sur l’aide médicale à mourir, à laquelle j’ai participé comme membre du Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Dans ce cas précis, l’étude des principes et objectifs du projet de loi a permis d’élargir la consultation menée par le comité. Ce faisant, le comité a pu approfondir les véritables enjeux liés à une question très sensible au sein de la population. Si vous avez suivi les débats à cette étape, vous avez sans doute constaté que le comité a pu entendre de nombreux témoins dont les points de vue étaient très contrastés, quand ils n’étaient pas clairement opposés. Ils ont aidé le comité à cerner les principaux enjeux que posait le projet de loi.
Le travail de second examen attentif du Sénat n’est pas inscrit dans un cycle de procédure rigide.
J’aimerais rappeler que l’article 10-11 de notre Règlement dit ce qui suit :
Le Sénat peut saisir un comité permanent de la teneur d’un projet de loi qui a pris naissance à la Chambre des communes, avant que celle-ci lui transmette le projet de loi.
Le Sénat n’est pas obligé d’attendre qu’un projet de loi ait été adopté par la Chambre des communes avant de commencer à réfléchir. Ce n’est pas le sens de notre rôle qui consiste à porter un second examen attentif sur les projets de loi. Nous avons l’autorité nécessaire pour définir notre cycle de travail face aux projets de loi que le gouvernement dépose.
Honorables sénateurs et sénatrices, nous avons la responsabilité de favoriser l’étude la plus large possible des enjeux sous-jacents soulevés par un projet de loi. Nous devons donner des indications claires pour montrer que nous souhaitons élargir la participation citoyenne à nos débats. Une étude préalable d’un projet de loi permet d’entendre un plus grand nombre de citoyens et d’organismes sur les enjeux de société que nous étudions.
Force est de constater que nous sommes toujours régis selon des critères définis au siècle dernier, même si l’instruction de la population a beaucoup évolué. Il y a désormais autant d’expertise au sein de la population qu’il y en a au sein du gouvernement et du Parlement, y compris ici, au Sénat. Il nous appartient d’en prendre acte et d’ajuster nos façons de faire en conséquence.
Les citoyens et les citoyennes que nous sommes réclament d’être engagés directement dans la délibération démocratique et la prise de décision démocratique. Nous l’entendons.
Une étude préalable est un exercice pédagogique qui nous concerne au premier chef, nous, les sénatrices et sénateurs, ne serait-ce que pour nous donner les moyens de comprendre les tenants et aboutissants d’un projet de loi, surtout quand il semble complexe de prime abord. De plus, une étude préalable est une occasion de permettre au plus grand nombre de personnes et groupes intéressés de se faire entendre, mais aussi d’éclairer, par le fait même, la réflexion de l’ensemble de la population.
À mon avis, les études préalables pourraient être intégrées aux activités des comités chaque fois qu’un projet de loi répond à certains critères, notamment s’il porte sur un élément structurant de politique publique qui n’a pas fait l’objet d’une révision récente; s’il porte sur un élément de politique publique qui implique un changement important de régime législatif ou de régime administratif; s’il porte sur une question sociale controversée sur laquelle un consensus est difficile à cerner de prime abord.
Rien ne nous empêche de définir des critères qui nous aideraient à décider des cas où une étude préalable serait appropriée, quand la question nous est posée.
Honorables sénatrices et sénateurs, je suis d’avis que le projet de loi C-11, dont l’objectif déclaré par le gouvernement est une mise à jour majeure de la Loi sur la radiodiffusion, notamment pour la rendre plus inclusive, répond aux critères que je viens d’énoncer.
Premièrement, il représente une mise à jour majeure de la politique canadienne de radiodiffusion et il entend garantir que les services de diffusion continue contribuent à la création et à l’offre de musique et d’œuvres littéraires canadiennes. La culture est ce qui constitue le fondement d’une société. Les moyens de diffuser la culture constituent un service essentiel et ils doivent être mis à jour pour les adapter au monde numérique.
Toutefois, à l’origine de la culture réside l’expression du travail des créateurs, sans qui on ne peut pas parler de culture. Il est important de le rappeler et de s’assurer que le travail des créateurs est reconnu à sa juste valeur, y compris le fait qu’il permet à toute une chaîne d’exploitation de ces œuvres de tirer des bénéfices dérivés de leur travail. Encore faut-il s’assurer que leur droit d’auteur sur leurs créations est respecté et rémunéré en conséquence.
Chers collègues, le projet de loi C-11 doit être examiné de près, notamment de ce point de vue.
Deuxièmement, le projet de loi élargit l’application de la loi actuelle aux entreprises de diffusion en ligne, mais il les exempte de l’obligation d’obtenir une licence. Quel est l’effet de cette exception sur les créateurs? Quel avantage ces entreprises retirent-elles de cette exemption par rapport aux entreprises qui sont obligées de détenir une licence?
Troisièmement, le projet de loi C-11 propose un nouveau régime d’ordonnances selon lequel le CRTC pourra imposer différentes conditions aux entreprises de radiodiffusion, notamment en matière de contenu des émissions. Par contre, le CRTC pourra décider que ses ordonnances vont s’appliquer à une seule, à quelques-unes ou à toutes les entreprises qui ont une licence. Est-ce que cette discrétion accordée au CRTC aura pour effet de favoriser une seule ou plusieurs catégories d’entreprises?
De plus, le projet de loi modifie le pouvoir du Conseil des ministres de donner des directives au CRTC et il donne plus de temps au gouvernement pour demander au CRTC de réviser ses décisions ou de les annuler.
Par ailleurs, quel est le point de vue des créateurs canadiens et québécois, anglophones et francophones, de toutes les catégories d’œuvres sur le respect des droits d’auteur et des droits des interprètes dans le nouveau régime prévu par le projet de loi? Qu’en pensent les groupes identifiés dans le projet de loi C-11, soit les minorités de langue officielle, les Autochtones et les personnes vivant en situation de handicap? Est-ce que le point de vue de la population sur le nouveau régime a été sollicité, considéré et documenté?
Honorables sénatrices et sénateurs, pour toutes ces raisons, je voterai en faveur de la motion no 42, qui propose de faire une étude préalable du projet de loi C-11.
Honorables sénateurs, en guise d’introduction aux observations que j’ai préparées, je ferai quelques commentaires sur ce que j’ai vu cet après-midi et ce soir.
Je pense qu’il est juste de dire que le présent débat sur l’étude préalable est un peu houleux. Nous avons entendu des interventions de plus en plus enflammées, et je pense qu’il est juste de dire que les intentions et les mots du sénateur Gold et de ses collègues ont été injustement dénaturés à plusieurs reprises.
Mes collègues dans cette enceinte, qui nous font la leçon sur l’efficacité des procédures du Sénat alors qu’ils ont vu le gouvernement précédent avoir régulièrement recours à l’attribution de temps, parfois une seule journée pour un projet de loi, ne sont pas parvenus à me convaincre.
Ma dernière observation préliminaire est la suivante : je regarde dans cette salle, dans toutes les directions, je regarde les sénateurs de tous les groupes et de tous partis et je ne vois que des collègues impressionnants, à la fois des sénateurs expérimentés et des sénateurs récemment nommés, qui ne permettront pas à cette institution de sombrer dans des digressions, pour reprendre un commentaire que j’ai entendu plus tôt. Je suis fier de me tenir parmi vous tous pour cette raison.
Revenons maintenant à la motion.
Oh, oh!
Avez-vous terminé?
Je ne sais pas. Et vous?
Alors, avez-vous terminé?
Chers collègues, j’aimerais dire quelques mots en faveur de l’étude préalable du projet de loi C-11. Je vais commencer par un très court survol des complexités entourant ce projet de loi. Je n’ai que trois pages de remarques.
Comme vous le savez, le projet de loi C-11 vise à moderniser la réglementation sur la radiodiffusion à la suite des changements révolutionnaires découlant de la création et de la consommation de contenu en ligne dans un contexte qui est pour ainsi dire sans frontière.
Le projet de loi C-11 vise aussi à inclure davantage des personnes qui ont été quelque peu marginalisées dans le paysage de la radiodiffusion. De vastes pans de ce paysage ne sont soumis à aucune réglementation concernant l’obligation de créer du contenu canadien ou de contribuer à sa création.
Il est multidimensionnel, comme l’a souligné la sénatrice Simons, et certains opposants farouches au projet de loi C-11 veulent qu’il en demeure ainsi ou, à tout le moins, ils préféreraient ne pas être contraints par un cadre réglementaire élaboré précédemment pour ce qu’ils pourraient appeler les « radiodiffuseurs traditionnels ».
Chers collègues, il n’y a rien d’inhabituel à cela dans le monde de la réglementation — absolument rien. Cela n’a rien d’unique. Au fond, chers collègues, dans la sphère réglementaire, les personnes non réglementées sont rarement favorables à la réglementation, quel que soit le domaine. Il ne s’agit pas d’un problème numérique, mais d’un problème de réglementation.
Comme vous le savez, le premier effort pour réglementer le domaine de la création et de la consommation de contenu numérique, lequel est en constante évolution et en constante expansion, a été le projet de loi C-10, qui a été mis de côté pour faire place au projet de loi C-11. Le gouvernement soutient quant à lui qu’il a répondu dans le projet de loi C-11 à certaines des préoccupations soulevées par les opposants au projet de loi C-10.
Honorables collègues, il y a une foule d’avis différents sur le projet de loi C-11, et des arguments convaincants ont été présentés par les services de diffusion en continu, les radiodiffuseurs traditionnels, les artistes et les créateurs canadiens et les consommateurs de leur contenu. Ces intervenants ont tous soulevé des questions importantes et complexes qui prennent beaucoup de temps à étudier. Nous ne pourrons pas nous pencher sur toutes ces questions, mais une étude préalable nous permettrait d’étudier quatre ou cinq grandes questions pour qu’on puisse les analyser un peu et commencer à expliquer ces enjeux aux sénateurs. Ce sera un processus graduel, et il est logique de procéder ainsi. Je crois que personne ne veut faire les choses à la hâte. Il ne s’agit pas de se presser, mais de s’informer.
Dans ce cas-ci, l’étude préalable rendrait service. Elle nous permettrait de commencer tous au même point. Comme nombre d’entre nous l’ont dit dans cette enceinte, il nous faut suffisamment de temps pour commencer à analyser le projet de loi et pour acquérir progressivement plus de connaissances sur le sujet.
Puisque le projet de loi révisé qui sera renvoyé au Sénat comporte des aspects complexes, pourquoi ne commencerions-nous pas à analyser attentivement le projet de loi ainsi que les enjeux et les questions qui s’y rattachent? On pourrait commencer à évaluer la question, à faire avancer le processus et à voir si on peut concilier différents aspects, ce qui allégerait le fardeau et nous éviterait de devoir partir de zéro.
Chers collègues, une étude préalable nous permettrait de passer outre les difficultés, d’examiner à fond les problèmes et de faire avancer le dossier au-delà de la polémique actuelle. Dans le cadre de son étude de l’ancien projet de loi C-10, le comité de la Chambre des communes a entendu 128 témoins en 28 réunions. On nous dit maintenant que le projet de loi C-11 remédie à certaines des préoccupations qui avaient alors été soulevées par les témoins. Pourquoi ne pas se pencher là-dessus? Pourquoi ne pas entendre à nouveau quelques-uns de ces témoins? Ce serait un bon début.
Chers collègues, je vois cela comme le début d’un processus linéaire, et non d’une course contre la montre. Pour faire un lien avec une observation entendue plus tôt, je ne vois aucun arnaqueur dans la salle.
Par ailleurs, de nombreux collègues au Sénat ont mentionné des problèmes concernant l’ancien projet de loi C-10 au cours du débat à l’étape de sa deuxième lecture. L’étude préalable serait l’occasion pour eux d’évaluer les changements apportés au projet de loi C-11 par rapport à son prédécesseur. Nous bénéficierions tous d’une telle analyse.
C’est ce que nous avons fait de différentes manières dans le cadre du projet de loi sur l’aide médicale à mourir. C’est aussi ce que nous avons fait pour la réforme concernant le cannabis, quoique de façon plus informelle. Nous avons entrepris des recherches rigoureuses et amorcé un débat parmi les personnes intéressées à en savoir plus sur ce projet de loi, ce qui comprenait à la fois des partisans et des détracteurs. Je peux vous dire que les détracteurs étaient plus nombreux que les partisans à cet endroit lorsque nous avons entamé le débat sur le projet de loi C-45.
Cela nous a permis d’être mieux préparés pour les débats au sujet de ces projets de loi et des amendements proposés. Cela s’est avéré dans de nombreuses études préalables menées par le Sénat, y compris dans le cas de projets de loi qui venaient d’être renvoyés à un comité de la Chambre des communes. Je ne vais pas répéter l’historique des projets de loi C-91 et C-92, qui avaient été étudiés en même temps qu’un comité de la Chambre des communes les étudiait.
Par conséquent, chers collègues, je n’ai pas l’impression que nous sortions des sentiers battus. Il n’y a rien de révolutionnaire là‑dedans ni de radical. Le Sénat l’a déjà fait dans des circonstances similaires et cela avait mené à des résultats positifs.
Je ne sens pas de pression. Je n’ai pas l’impression qu’il y a une perte de contrôle. J’entends cependant beaucoup de gens parler de perte de contrôle.
Il s’agit précisément de ce que nous devrions faire et de ce que plusieurs d’entre nous, je crois, voudraient faire, parce que cela correspond à notre mandat et à nos responsabilités constitutionnels : étudier les projets de loi. Personne n’a dit qu’il était question d’expédier cette tâche, hormis ceux qui s’opposent à la tenue d’une étude préalable. Il ne s’agit pas d’une situation d’urgence.
Si j’appuie la tenue d’une étude préalable, ce n’est pas parce qu’elle permettrait d’accélérer quoi que ce soit; si je l’appuie, c’est parce c’est important et que je crois que cela amènera une valeur ajoutée. Tout ce que je dis, c’est : « Passons à l’action. »
Contribuons à la mesure législative proposée par le gouvernement et ajoutons-y de la valeur. Relevons nos manches, chers collègues, et apportons le meilleur de nos conseils et de notre expérience. Voilà ce que nous devons faire. C’est pour cela que nous sommes ici. C’est notre responsabilité. Je dis : « Passons à l’action. »
Merci.
Le sénateur Dean accepterait-il de répondre à une question?
Bien sûr.
Merci, sénateur Dean.
Laissez-moi commencer par une citation : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. »
Sénateur Dean, j’espère que vous en feriez de même; dans votre préambule, vous avez plutôt choisi encore une fois de diviser, en disant ou en laissant entendre que ceux qui ne sont pas d’accord avec vous n’ont pas le droit à leurs croyances.
Dans cette enceinte, nous faisons de la politique. Je n’ai aucun problème à me quereller avec quelqu’un au Sénat, puis à aller prendre un verre avec cette personne une fois la séance levée. Nous sommes ici pour débattre et exprimer différentes opinions.
Sénateur Dean, premièrement, je suis d’accord avec peut-être 85 % de votre discours. Vous avez dit : « Relevons nos manches, passons à l’action. » Je suis bien d’accord. Selon moi, aucun sénateur ayant voté contre l’étude préalable du projet de loi C-13 ne peut être accusé de ne pas vouloir faire son travail. Il se trouve que nous ne sommes pas d’accord avec vous sur ce qui est important et sur la façon de procéder. Voilà pourquoi nous votons. Voilà pourquoi nous appelons les sénateurs au vote. Voilà pourquoi nous nous rassemblons et, une fois le vote effectué, c’est terminé. J’ai entièrement accepté le résultat du vote que nous avons effectué il y a quelques heures.
Ensuite, vous croyez devoir vous présenter ici pour nous réprimander en raison de nos croyances. Sénateur Dean, croyez-vous au système démocratique? Croyez-vous que j’ai le droit? Défendriez-vous jusqu’à la mort mon droit d’avoir des opinions?
Bien sûr que je défendrais votre droit d’avoir des opinions, ainsi que celui des autres personnes dans cette enceinte. Tout à fait. Voilà pourquoi je me trouve ici. Cela fait partie de mes responsabilités. Cela fait partie de qui je suis.
Si mes remarques vous ont porté à croire que je tentais de faire taire les opinions de quiconque, alors je pense que vous m’avez bien mal compris, ce que je déplore.
J’ai commenté la nature du débat et son caractère clivant. J’ai indiqué qu’à mon avis, on utilisait trop d’effets de rhétorique et que certains commentaires émis par nos collègues du bureau du représentant du gouvernement avaient été déformés.
Je maintiens tout ce que j’ai dit, tout en niant catégoriquement que j’ai tenté de retirer à quiconque ici le droit de parler et d’exprimer leurs opinions. Ce n’est pas ce que je veux. Je suis resté assis dans cette enceinte, sans la quitter, et j’ai écouté tout ce que tout le monde avait à dire.
Je parlais de la teneur de notre débat, de son caractère enflammé et des arguments qui y ont été avancés. Ce débat porte sur la réalisation d’une étude préalable et sur le processus qui l’entoure. En toute honnêteté, je dirais que je pensais que les intentions et les paroles de mes collègues au sein du bureau du représentant du gouvernement au Sénat avaient été mal interprétées. C’est ce que je ressentais, et c’est encore ce que je ressens.
En ce sens, j’exprimais mon opinion librement, comme tout le monde dans cette enceinte aujourd’hui. Je suis désolé que cela vous ait déplu, mais c’est un droit dont bénéficient tous les sénateurs. Nous avons gagné ce droit. Nous le gagnons chaque jour, inlassablement.
Il est parfois important de parler de la nature et de l’atmosphère du débat, et c’est tout ce que je faisais. Si j’ai offensé quiconque en agissant ainsi, je serai heureux de m’excuser. Je ne crois pas que ce soit le cas. Ce n’était pas là mon intention. Je suis d’avis que la vaste majorité des personnes dans cette enceinte le comprennent.
Merci, sénateur Plett. Je prends note de vos observations. Je n’ai rien à ajouter. Comme tous les autres sénateurs, je n’ai fait que donner mon avis, et je ne m’excuserai pas de l’avoir fait.
Je suis désolé, sénateur Plett, mais le temps du sénateur Dean est écoulé.
Sénateur Dean, demandez-vous plus de temps?
Moi, oui.
Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
L’honorable sénateur Gold, avec l’appui de la sénatrice Gagné, propose que, conformément à l’article 10-11(1)... Puis-je me dispenser de lire la motion?
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
J’ai entendu un non. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.
À mon avis, les oui l’emportent.
Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t‑il entente au sujet de la sonnerie?
Quarante minutes.
Quarante minutes. Le vote aura lieu à 22 h 2. Convoquez les sénateurs.