L'autogouvernance du Sénat
Interpellation--Suite du débat
18 octobre 2022
Je ne désire pas d’autres points à faire valoir. Je crois que le sens de ma question a été exprimé, et il portait plus sur les mécanismes de la proposition du sénateur Plett et sur la manière dont elle fonctionnerait exactement, vue, d’un côté, notre principe éprouvé et véritable de la proportionnalité, et, de l’autre, le fait que le bureau du représentant du gouvernement au Sénat n’a pas un nombre précis de sièges attribués aux comités ni de numéros pour les déclarations.
J’aimerais savoir si vous pouvez expliquer votre vision pour tous les sénateurs non affiliés qui seraient acceptés par le bureau du représentant du gouvernement comme étant des membres de son caucus. Je ne suis pas certaine de comprendre comment cela fonctionnerait.
Je vous remercie, madame la sénatrice. Je me trouve probablement dans la même situation que vous. Je ne sais pas exactement comment j’envisage les choses. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai d’abord posé quelques questions à la sénatrice McCallum.
J’ai mentionné que dans l’ancienne mouture du Sénat, à l’époque où nous avions les deux caucus, il y avait aussi des sénateurs indépendants et non affiliés. C’était généralement le leader du gouvernement qui s’occupait d’eux. Je disais donc simplement qu’on pourrait reprendre cette façon de faire puisque, à ma connaissance, la sénatrice Gagné ou quelqu’un du côté du gouvernement participe aux réunions d’organisation.
Pour ce qui est du nombre de sénateurs non affiliés, je ne sais pas s’il y en a actuellement moins ou plus qu’à l’habitude, mais, à l’époque, ils ne pouvaient décidément pas poser autant de questions que l’opposition. Pendant la période des questions, les questions étaient pratiquement toutes posées par l’opposition, mises à part quelques-unes posées par le gouvernement; je le souligne tout en sachant que la discussion actuelle ne porte pas seulement sur la période des questions.
Bref, comment réimaginer le tout? Je n’en suis pas certain. Je dirais simplement que la sénatrice McCallum a soulevé de bons points qui méritent notre attention.
Très bien.
J’ai une question pour le sénateur Plett.
Sénateur Plett, vous avez parlé du bon vieux temps au Sénat, et je me souviens de certaines de ces belles années. À mon arrivée dans cette enceinte, la situation était très simple : il y avait le gouvernement et l’opposition. Le fonctionnement à cette époque était très simple : les sénateurs votaient pour ou contre les projets de loi et les motions, et c’est tout.
À mon avis, un autre principe semble avoir disparu dans le nouveau Sénat et c’est celui du consensus. Je me souviens d’avoir siégé au comité directeur du Comité de la régie interne avec la sénatrice Cordy, quand il n’y avait que deux représentants, un du gouvernement et un autre de l’opposition. Il était clair que le principe du consensus signifiait qu’aucune décision majeure ne pouvait être prise sans d’abord consulter les sénatrices Cools et McCoy. Nous devions nous assurer que, même si elles ne siégeaient ni au Comité du Règlement ni au Comité de la régie interne, nous avions leur approbation.
Évidemment, parce que nous savions aussi que les sénateurs indépendants avaient beaucoup plus de mordant qu’aujourd’hui, le Règlement donnait les résultats voulus. C’est en appliquant le Règlement que l’heure d’ajournement et les périodes de séance étaient fixées. Le Règlement était profondément respecté dans cette enceinte parce qu’il est conçu pour faire valoir les voix minoritaires.
Dans l’esprit de la coopération, et puisque vous avez beaucoup de pouvoir en ce lieu, je propose — et c’est une bonne suggestion — que vous vous assoyiez avec les autres leaders pour trouver un compromis afin que les véritables sénateurs indépendants, ceux qui ne sont affiliés à aucun groupe, aient une place et sentent qu’ils ont une place en ce qui a trait aux questions pendant la période des questions, aux comités, et ainsi de suite.
Vous engagerez-vous à assumer ce leadership, en partenariat avec les leaders des autres groupes, et à arriver à un consensus pour que ces voix minoritaires sentent qu’ils ont leur place au sein de cette institution?
Merci, sénateur Housakos. Avant de répondre, j’aimerais en dire un peu plus long là-dessus et, assurément, au sujet du consensus dont vous avez parlé. J’étais membre du Comité de la régie interne et, même au sein du comité principal, il y avait consensus. Nous travaillions par consensus. Il n’y avait pas de votes. Si nous ne parvenions pas à un consensus, les choses n’avançaient pas.
Voilà que l’on nous accuse d’être de l’époque de la vilaine partisanerie, et on dirait que l’on doit dorénavant tenir des votes sur presque toutes les questions soulevées au Sénat.
Vous avez mentionné deux sénatrices, et, évidemment, de bonnes amies et de bonnes sénatrices, les sénatrices Cools et McCoy. À l’époque où elles siégeaient à titre de sénatrices indépendantes, la sénatrice Martin se réunissait avec elles tous les jours.
Le consentement des sénateurs est demandé très souvent. Je n’oserais jamais suggérer que les sénateurs affiliés puissent refuser de donner leur consentement tout aussi facilement que vous ou moi ou tout un caucus. S’ils veulent exercer leur pouvoir, ils peuvent refuser leur consentement, car les choses sont prévues ainsi, et c’est la raison pour laquelle nous négociions régulièrement avec ces sénatrices non affiliées à l’époque : elles avaient ce pouvoir. Ce pouvoir est toujours là et devrait demeurer.
J’encourage les sénateurs à en prendre note, à se faire entendre, à faire valoir leur point de vue et à s’adresser aux bonnes personnes. En toute franchise, je dirais que tous les leaders ont déjà reçu des lettres de sénateurs non affiliés qui voulaient leur demander quelque chose. J’ai toujours été d’avis que ce n’est pas à nous de faire cela, mais au gouvernement. C’est pour cela que j’ai choisi de faire cette suggestion à la sénatrice McCallum.
Cela dit, sénateur Housakos, j’irais effectivement jusqu’à dire, à tout le moins, que je suis tout à fait disposé à en discuter et à veiller à ce que le gouvernement fasse ce qu’il devrait faire, c’est-à-dire traiter convenablement les sénateurs qui ne sont pas représentés dans un caucus.
Je me demande si le sénateur Plett accepterait de répondre à une autre question.
Je suis toujours prêt à répondre à vos questions, sénatrice Bovey.
Je n’en suis pas si sûre.
En tant que leader au Sénat — et, plus tôt, vous vous êtes qualifié, à juste titre, de « doyen des sénateurs du Manitoba » —, voici une sénatrice du Manitoba qui vous pose une question et le commentaire d’un autre sénateur du Manitoba qui s’en vient.
Vous avez fait référence au « bon vieux temps ». Je suis la veuve d’un archiviste : l’archiviste du Manitoba. Je suis une historienne, bien qu’une historienne de l’art. Lorsque nous nous tournons vers notre passé, nous cherchons toujours à savoir ce que nous pouvons tirer de nos racines, afin de construire une plateforme qui nous permettra d’améliorer les choses.
Compte tenu de votre expérience ici même, qui est beaucoup plus longue que la mienne — et la mienne est un peu plus longue que celle de la sénatrice McCallum —, qu’est-ce que vous retireriez de ce « bon vieux temps » pour en faire la plateforme du présent, qui doit correspondre à la vision de l’avenir?
La société ne retourne pas en arrière: elle évolue. Nous représentons une institution majeure de la société canadienne. Monsieur le sénateur, je me demande donc si vous pouvez me rappeler — et si vous pouvez nous conseiller à cet égard — ce que vous retireriez de ce « bon vieux temps » pour aider à définir les prochaines étapes à franchir pour moderniser le Sénat, afin que tous ses membres puissent atteindre les objectifs et les sommets dont la sénatrice McCallum a parlé.
Sénatrice Bovey, permettez-moi de dire d’abord que je crois fermement qu’il ne vaut pas la peine de réparer ce qui fonctionne. À mon avis, pendant un certain nombre d’années, le Sénat a été une institution qui fonctionnait parfaitement bien. Je pense qu’il a bien fonctionné jusqu’à ce que le chef de ce qui était alors le troisième parti à l’autre endroit décide d’expulser sans cérémonie tous les sénateurs de sa formation politique et d’exclure son caucus d’ici. Il avait décidé de refaçonner et de moderniser lui‑même le Sénat.
Considérons la question sous cet angle — et je ne l’ai jamais mentionné parce que je n’avais pas remarqué qu’en prenant la parole pour mes amies la sénatrice McCallum et la sénatrice McPhedran, je défendais deux concitoyennes manitobaines. De mon point de vue, je ne faisais que défendre deux collègues sénatrices, mais je vous remercie de me l’avoir fait remarquer. J’ai maintenant une raison supplémentaire de défendre ce qu’elles demandent. Je vais peut-être travailler un peu plus fort pour les convaincre de réintégrer un caucus. Nous verrons bien si je réussirai.
Néanmoins, sénatrice Bovey, je tiens à dire clairement que je ne suis pas un partisan de la modernisation du Sénat. Cela dit, je souhaite nuancer mes propos. Je me suis à tout le moins pris d’affection — et c’est un bon début — pour tous mes collègues au Sénat. Je sais à quel point vous m’aimez maintenant; ce n’était probablement pas le cas auparavant, mais vous avez découvert à quel point je suis aimable. À mesure que nous apprenons à nous connaître, nous nous rendons compte que nous pouvons avoir des désaccords dans cette enceinte, argumenter et nous disputer, mais c’est quelque chose que nous ne devons absolument jamais perdre. Sénatrice Boyez, nous avons eu une conversation personnelle dans le salon Feuille d’érable à Winnipeg, il y a quelques semaines, et nous avons parlé de certains des changements.
Je veux que nous n’oubliions jamais que nous pouvons débattre d’enjeux, nous fâcher et faire des choses au Sénat en gardant à l’esprit que le but ultime est d’améliorer notre pays.
Si le Sénat moderne peut retirer quelque chose de l’ancien Sénat pour améliorer notre pays, je serai toujours en faveur de cela.
Cela dit, je serais le premier à admettre que je m’ennuie des Terry Mercer, des Serge Joyal et des George Baker de ce monde — pour ne mentionner que des sénateurs libéraux — avec qui nous avions ces débats aux comités et au Sénat. Ce sont les sénateurs Joyal et Baker qui m’ont convaincu, car je n’aimais vraiment pas siéger au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Je suis plombier, pas avocat. Je ne me sentais pas à ma place, et à quelques reprises, je voulais quitter ce comité. Ce ne sont même pas mes propres collègues qui m’ont dit que je devais y rester. C’étaient les sénateurs Joyal et Baker. Ils m’ont dit : « Don, nous avons besoin d’un plombier au sein de ce comité. Nous avons besoin d’une personne qui ne pense pas et ne parle pas comme un avocat, mais plutôt comme une personne ordinaire. »
C’est la beauté du Sénat : nous sommes tous égaux ici, peu importe d’où nous venons, ce qui est bien, même dans ce Sénat moderne, sénatrice Bovey.
Je ne suis pas sûre d’aimer le mot « objectif final ». Nous devrions plutôt parler d’un « objectif futur ». Je ne faisais pas partie du « bon vieux Sénat » — je ne le sais que trop bien. Je n’ai jamais eu non plus l’ambition de faire partie du nouveau Sénat. La vie est surprenante.
Toutefois, il se peut — et j’espère que vous serez d’accord avec moi sur ce point, sénateur Plett — que tous les rouages de l’ancien Sénat ne fussent pas nécessairement de « bons vieux » rouages. Ce à quoi j’essaie de nous amener — et j’espère que vous serez d’accord avec moi —, c’est la question suivante : pouvons-nous accepter de chercher l’objectif futur plutôt que l’objectif final? Et ce faisant, pouvons-nous penser aux besoins en constante évolution de la société et des communautés que nous représentons?
Il serait intéressant que vous vous posiez aussi cette question à propos de notre Manitoba en pleine évolution. N’oubliez pas que le Manitoba était la « province charnière », sénateur Plett, et ma réflexion part de ce constat. Pouvons-nous examiner comment l’histoire de notre province a changé la portée de la Confédération canadienne et a changé la dynamique de ce pays que nous appelons le Canada?
Ne devrions-nous pas chercher à savoir comment faire de cet endroit un endroit meilleur? En tant que chambre de second examen objectif, n’êtes-vous pas d’accord avec moi pour dire que nous avons la responsabilité d’examiner comment ce second examen objectif se traduit en termes d’objectifs futurs?
Qu’il s’agisse d’objectifs finaux ou d’objectifs futurs, certains d’entre nous — et le Sénat a ceci de particulier qu’il nous permet de parler de l’âge des sénateurs, car tout le monde peut le vérifier, et vous et moi allons prendre notre retraite à peu de temps d’intervalle — mais pour certains d’entre nous, cela ressemble davantage à la fin qu’à l’avenir.
Comme nous nous sommes un peu écartés du sujet abordé par la sénatrice McCallum, je m’en tiendrai simplement à cela.
Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Certainement.
Comme vous le savez, elle appartient déjà à une minorité, et notre rôle est de représenter les minorités. Elle essaie maintenant d’éviter d’appartenir à une minorité au sein d’une minorité.
Je suis désolée. Je suis d’accord avec vous, et je suis d’accord avec la sénatrice McCallum. Nous ne devrions pas procéder ainsi. Elle appartient à une minorité au sein d’une minorité, et c’est une femme — une femme autochtone.
Sénatrice Lovelace Nicholas, je suis entièrement d’accord avec vous, et c’est pourquoi j’ai appuyé les propos de la sénatrice McCallum. Je crois que cette Chambre a été créée pour représenter les minorités. Or, de ce côté-ci, nous sommes sur le point de faire partie d’une minorité nous aussi. Évidemment, dans le bon vieux temps, nous n’étions pas une minorité. Nous sommes toujours un peu plus nombreux que votre caucus; néanmoins, nous sommes de plus en plus sur le point de devenir une minorité. Cependant, j’appuie ce que vous dites.