Question de privilège--Débat
21 novembre 2023
Honorables sénateurs, conformément au préavis que j’ai remis au greffier du Sénat hier après-midi et conformément à l’article 13-3(1) du Règlement du Sénat, je soulève ce soir une question de privilège concernant les tentatives d’intimidation de sénateurs qui ont eu lieu au Sénat et dans l’édifice du Sénat du Canada le jeudi 9 novembre 2023.
C’est la première occasion que j’ai de soulever cette question de privilège conformément au premier des quatre critères nécessaires pour qu’une question de privilège soit traitée en priorité, puisque le Sénat a ajourné ses travaux quelques minutes après le vote.
En tant que leader au Sénat, j’estime qu’il est de mon devoir et de mon obligation de porter cette question très préoccupante à l’attention du Sénat et de demander qu’elle soit traitée avec diligence. Le privilège parlementaire nous permet de mener nos travaux sans obstruction ni intimidation. Je cite l’article 13-1 :
Une atteinte aux privilèges d’un seul sénateur cause un préjudice à tous les sénateurs et entrave le fonctionnement du Sénat. Le maintien des privilèges du Sénat incombe donc à chaque sénateur et doit être discuté en priorité.
Malheureusement, ce droit inaliénable a été bafoué le jeudi 9 novembre à la suite d’une motion d’affaire courante visant à ajourner le débat sur un amendement. L’événement en question a affecté plusieurs sénateurs et a eu un effet négatif sur le Sénat en tant qu’institution. Selon le deuxième critère, une question de privilège doit « [...] se rapporte[r] directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur [...] »
Après que la sénatrice Bernadette Clement eut proposé d’ajourner le débat sur un amendement au projet de loi C-234 afin de préserver les droits de certains sénateurs indépendants de divers groupes qui souhaitaient intervenir et participer au débat, certains sénateurs conservateurs ont fait preuve d’intimidation physique et verbale à mon endroit et à l’endroit de membres de mon groupe.
Après avoir violemment lancé son oreillette, le leader de l’opposition s’est tenu devant la sénatrice Clement et moi, qui étions assises à notre place, en criant et en nous reprochant d’avoir proposé cette motion d’affaire courante qui aurait permis la reprise du débat la semaine suivante, à notre retour.
Une attitude aussi agressive à l’égard d’une pratique courante visant à prolonger le débat — et couramment utilisée par l’opposition, soit dit en passant — a illustré l’intense pression visant à adopter ce projet de loi ce jour-là et a porté atteinte au droit des sénateurs de faire adéquatement leur travail.
Le sénateur MacDonald a crié le mot « fascistes » au Groupe des sénateurs indépendants. Ce n’est ni la conduite ni le langage dont on s’attend de la part des honorables membres de la Chambre haute. De plus, il s’agit d’un autre facteur aggravant dans cette affaire, qui outrepasse largement les exigences en matière d’ordre et de décorum dans cette enceinte.
On a proféré des menaces selon lesquelles les travaux des comités présidés par des sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants seraient bloqués en guise de représailles à l’égard de ces derniers pour avoir demandé l’ajournement du débat — simplement pour permettre la poursuite des débats au-delà des 40 minutes après leur début.
Le sénateur Plett a montré du doigt la sénatrice Moncion, qui préside le Comité de la régie interne. En tant que membre de ce comité et présidente de son sous-comité sur les ressources humaines, je considère que c’est une tentative d’entraver le travail important accompli au nom des Canadiens.
Ces menaces ont été élargies au représentant du gouvernement, qui a été averti que le programme législatif stagnerait à la suite de l’ajournement du débat.
Par ailleurs, quand est venu le temps de nous prononcer sur la motion d’ajournement, une nouvelle menace a été proférée à l’endroit d’un sénateur d’un autre groupe, à savoir que le projet de loi qu’il parraine serait en danger s’il votait selon ses convictions.
Votre Honneur, chers collègues, ce comportement menaçant s’est poursuivi à l’extérieur de la Chambre. Au moins deux sénateurs conservateurs — les sénateurs Batters et Housakos — ont retransmis un gazouillis d’un député de l’autre endroit qui non seulement répandait des informations erronées sur les délibérations, mais encourageait également les membres du public à appeler et à harceler les sénatrices Bernadette Clement et Chantal Petitclerc au sujet de ce qui s’était passé. Le gazouillis en question — qui ressemblait à un avis de recherche du Far West des années 1800 — a suscité un grand nombre d’appels téléphoniques et de courriels menaçants à l’encontre des sénatrices indépendantes. La situation est devenue tellement incontrôlable que l’une des sénatrices a eu de sérieuses raisons de craindre pour sa sécurité physique et a été contrainte de quitter sa résidence privée et de passer son week-end ailleurs, dans un lieu sécurisé.
La situation a tellement dégénéré que l’équipe de sécurité du Sénat, en collaboration avec la police locale, travaille toujours sur cette affaire.
Le fait qu’un message sur les médias sociaux retransmis par des sénateurs conservateurs ait salué et encouragé ce comportement est franchement répréhensible. Ces sénateurs se voient maintenant limités dans leur accès au bâtiment du Sénat du Canada, notamment aujourd’hui, en raison du risque causé par la manifestation qui s’est déroulée.
Non seulement c’est tout à fait inacceptable et odieux, mais c’est aussi ironique. Le 6 juin 2019, le sénateur Plett a fait un rappel au Règlement concernant un message sur les médias sociaux de l’honorable Murray Sinclair, qui, selon lui, avait donné une image fausse d’une mesure de procédure.
Dans la décision rendue le 13 juin, l’ancien Président Furey adresse aux sénateurs le rappel que voici :
Lorsque vous souhaitez écrire des gazouillis, veuillez bien les relire avant de les publier. Si vous pensez que le message peut être offensant ou si vous n’êtes pas certains de la nature appropriée du message, ne le publiez pas. En effet, ce genre de messages peut entacher tant la réputation de l’auteur du message que celle du Sénat.
Nous avons le grand privilège d’être membres de la Chambre haute du Parlement du Canada. Ce grand privilège impose une grande responsabilité.
Comme je l’ai déjà dit, sur les médias sociaux, le sénateur Wells a accusé les dirigeants du Groupe des sénateurs indépendants de travailler de concert avec la Présidente du Sénat — une affirmation infondée qui fait ombrage à mon groupe et à l’institution que représente la Présidente.
À titre de membres du Sénat, les sénateurs indépendants et tous les autres sénateurs ont le droit de prendre la parole, de proposer des motions et de participer aux débats. Les menaces physiques et verbales, l’intimidation et le harcèlement que des sénateurs conservateurs ont fait subir, ce jour-là, à des membres de notre groupe et d’autres groupes pourraient produire l’effet souhaité, c’est-à-dire effrayer des sénateurs pour qu’ils limitent ensuite leurs activités.
Les sénateurs ne devraient pas avoir peur de présenter des motions. Ils ne devraient pas être menacés de représailles, de délais ou d’obstruction parce qu’ils ont pris part au débat et respecté le Règlement. Tous ces faits semblent démontrer très clairement qu’il y a eu une atteinte grave et sérieuse et qu’il faut la corriger, comme l’exige le troisième critère.
La majorité des membres de la Chambre haute agissent avec humilité, respectent les droits et privilèges qui nous sont conférés et représentent les intérêts des minorités avec décorum et d’une manière conforme aux normes les plus élevées. Trop souvent, notre travail est victime d’un petit groupe partisan qui est doté d’un pouvoir disproportionné parce qu’il est lié à un groupe partisan à la Chambre des communes. Ce groupe a accès à un important budget de recherche et, apparemment, il a le temps et l’énergie nécessaires pour intimider et faire de la mésinformation au sujet des honorables sénateurs qui travaillent au nom des Canadiens et des collectivités qu’ils représentent. Si le comportement du 9 novembre persiste, l’important travail parlementaire que nous faisons tous ici est en péril.
Honorables sénateurs, nous cherchons tous à agir honorablement au Sénat. Ce cadre ne peut tolérer l’intimidation, la divulgation de données personnelles et les mensonges en ligne. Crier dans cette enceinte parce qu’une motion qui ne nous plaît pas a été présentée n’est pas un comportement honorable. Intimider des collègues ou les empêcher de participer librement aux travaux du Sénat ne l’est pas non plus.
Pour obtenir une réparation à la suite de cette violation — le quatrième critère —, il serait possible de renvoyer la question au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Je signale toutefois que quatre sénateurs impliqués dans cette violation siègent à ce comité : la sénatrice Batters, en tant que vice-présidente, le sénateur Wells, le sénateur MacDonald et le sénateur Plett, en tant que membre d’office. Je vous suggère d’envisager d’autres options.
Votre Honneur, je vous prierais également de rendre une décision avec diligence. Une limite a été franchie, et votre décision sur cette question influera sur la doctrine que nous suivrons pendant des décennies. Nous avons atteint un tournant, et des mesures doivent être prises.
Je conclurai mes observations avec une citation pertinente de l’ouvrage Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, 6e édition, que je soumets à votre examen :
On convient généralement que toute menace faite à un député, ou toute tentative d’influencer son vote ou son comportement, constitue une atteinte aux privilèges de la Chambre. Il va de soi que des menaces directement adressées à un député en vue d’influencer son comportement à la Chambre constituent des atteintes au privilège.
Votre Honneur, on ne doit plus tolérer qu’une poignée d’intimidateurs rendent cette Chambre dysfonctionnelle. N’attendons pas qu’il soit trop tard et qu’on nous reproche de nous être laissés intimider. Il faut agir maintenant. Cessons de tolérer ce comportement. Arrêtons d’avoir peur de nous exprimer sans réserve, par crainte que les choses dégénèrent davantage ou que les représailles s’intensifient.
Votre Honneur, je vous demande respectueusement de vous pencher sur cette question de privilège pour que nous puissions continuer de servir honorablement les Canadiens dans cette Chambre sans devoir faire face à de l’obstruction et à de l’intimidation.
Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole sur la question de privilège soulevée par la sénatrice Saint-Germain. D’entrée de jeu, je tiens à dire qu’il est acceptable d’être en désaccord, et que c’est quelque chose de normal dans le cadre d’un discours courtois tenu dans une assemblée parlementaire. Il en va de même pour le mécontentement. C’est également quelque chose de normal. Nous sommes tous des êtres humains. Cependant, être contrarié et désagréable au point d’intimider ses collègues est tout simplement inacceptable.
Soyons clairs sur ce qui s’est passé du point de vue strictement procédural. La présidence a donné la parole à la sénatrice Clement dans le cadre du débat, et celle-ci a proposé d’ajourner le débat sur la motion d’amendement relative au projet de loi C-234, une motion tout à fait recevable aux termes des articles 5-7g) et 6-10(2) du Règlement. Comme l’a fait remarquer l’ancien Président Furey le 2 mai 2019, lorsqu’une sénatrice a proposé une motion d’ajournement du débat alors que d’autres sénateurs souhaitaient intervenir :
J’en tiens compte, et les sénateurs ont le droit de rejeter sa proposition s’ils le souhaitent.
Tout comme dans le cas du jeudi 9 novembre, le Sénat avait le droit de décider d’ajourner ou non le débat. Par la suite, à 17 h 3 le même jour, à l’heure du vote, le sénateur Wells a publié le gazouillis suivant sur Twitter :
DERNIÈRE HEURE. C-234. Mes amis, les dés sont pipés. La Présidente du Sénat, @SenGagne, de concert avec les dirigeants du Groupe des sénateurs indépendants, a interrompu le débat sur ce projet de loi crucial. La Présidente n’a pas laissé, en toute équité, un amendement qui a déjà été rejeté par le comité faire l’objet d’un débat. Des sénateurs étaient prêts à intervenir au sujet de l’amendement futile et se sont levés pour demander la parole, mais la Présidente a fait le choix délibéré de ne pas leur accorder la parole. Jamais au cours de mes 11 années au Sénat je n’ai vu un Président interrompre ainsi le débat alors que des sénateurs étaient prêts à intervenir et demandaient la parole. Quel jour honteux pour le Sénat et son devoir de second examen objectif!
De plus, le sénateur Wells a rapidement répondu à son propre gazouillis en faisant une distinction entre certains membres du Groupe des sénateurs indépendants :
J’apporte une correction à mon gazouillis initial : j’aurais dû parler des dirigeants du Groupe des sénateurs indépendants, et non de nombreux sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, dont beaucoup appuient le projet de loi C-234 et sont de justes négociateurs.
Ceux d’entre nous qui ont assisté au reste de la séance du Sénat ce soir-là ont été témoins de ce qui s’en est suivi, c’est-à-dire les manifestations d’intimidation, les sénateurs qui pointaient furieusement des collègues du doigt et les accès de colère inappropriés. Le 15 novembre, le député de Regina—Qu’Appelle a publié sur Twitter la photo et le numéro de téléphone de deux sénatrices, les accusant d’avoir mis fin au débat.
Chers collègues, je tiens à préciser clairement le contexte de cet incident. La motion d’ajournement a été présentée la première journée du débat à l’étape de la troisième lecture. Il n’y a rien d’anormal là-dedans. En tant que représentant du gouvernement, j’accepte chaque jour l’ajournement de débats sur des projets de loi d’initiative ministérielle. Je peux dire, en toute franchise, que c’est quelque chose qui se produit régulièrement dans cette enceinte. Il s’agit d’une Chambre de réflexion critique, une Chambre de second examen objectif. Il nous incombe de débattre de mesures législatives et d’y suggérer des améliorations. Cela ne me rend pas toujours heureux, comme vous pouvez le constater d’après mes interventions ici, au Sénat, et en comité. Cependant, j’accepte la réalité de la situation. Si je m’oppose à quelque chose, je vais demander à tous les sénateurs de se prononcer sur la question.
En ce qui a trait aux privilèges individuels et collectifs des sénateurs, on peut lire ceci à la page 226 de l’ouvrage La procédure du Sénat en pratique : « Les privilèges individuels des sénateurs comprennent [...] la protection contre l’obstruction et l’intimidation. »
Dans la deuxième édition de son ouvrage, à la page 241, Maingot affirme aussi :
Les députés ont le droit de se livrer à leurs activités parlementaires sans être dérangés. Les voies de fait, les menaces et les insultes à l’égard d’un député sur le parquet de la Chambre ou lorsqu’il se rend à la Chambre ou en revient, ou encore à cause de son attitude au cours des délibérations du Parlement, constituent une atteinte aux droits du Parlement. Toute forme d’intimidation [...] envers quiconque en raison de son attitude au cours des délibérations du Parlement peut être considérée comme un outrage.
Comme l’a souligné le Président Parent dans une décision rendue le 4 novembre 1999 au sujet de l’intimidation d’un député :
[...] si un député est victime de menaces et d’intimidation, il est clairement entravé dans l’exercice des fonctions parlementaires [...]
Je voudrais également citer une décision rendue par le Président Furey le 13 juin 2019 au sujet d’un recours au Règlement soulevé par le sénateur Plett concernant des insinuations et des accusations dont il avait été la cible dans les publications d’un parlementaire dans les réseaux sociaux :
Par conséquent, je demande aux sénateurs de se concentrer sur le fond des questions dont nous sommes saisis et d’éviter de critiquer des gens ou des groupes. Vous pouvez certainement poser des questions et contester des politiques et des opinions, mais ceci devrait se faire sans attaquer ceux qui font valoir un point de vue particulier. Cela s’applique au Sénat, en comité, et à l’extérieur des délibérations.
Chers collègues, ce n’était pas notre heure la plus glorieuse. Permettez-moi de vous rappeler la grande importance du travail que nous accomplissons dans cette enceinte. Cependant, ce qui est tout aussi important que le travail que nous faisons, c’est la façon dont nous le faisons, c’est-à-dire la façon dont nous nous conduisons, en étant à la hauteur du prestige du Sénat.
Par conséquent, Votre Honneur, je vous demande de prendre la question en délibéré, à la lumière des événements qui se sont produits, afin de déterminer s’il y a eu atteinte au privilège aux termes de l’article 13-2(1), ainsi que de donner des conseils au Sénat sur la façon dont nous devrions nous conduire en tant qu’assemblée parlementaire responsable et respectueuse.
Votre Honneur, je veux évidemment intervenir sur cette question. J’aimerais prendre quelques minutes pour réagir à la question de privilège soulevée par la sénatrice Saint-Germain. Je n’ai pas de remarques à faire sur les questions de fond qu’elle a soulevées, mais je vais vous demander votre indulgence et votre permission, comme il est d’usage lorsqu’une personne est accusée de quoi que ce soit. Dans ce cas-ci, des personnes ont été accusées de diverses choses, et certaines d’entre elles sont en déplacement dans le cadre de travaux parlementaires, alors elles ne peuvent pas être ici.
Je vais vous demander la permission de livrer ma réflexion sur ce sujet plus tard, Votre Honneur, et j’espère que vous accepterez.
J’aimerais toutefois parler immédiatement du préavis envoyé par la sénatrice Saint-Germain. Voici ce qu’on peut lire à l’article 13-3. (1) du Règlement du Sénat :
[...] le sénateur qui désire soulever une question de privilège en remet un préavis, dans lequel est indiquée la nature de la violation prétendue [...]
Le préavis doit contenir des détails sur la violation prétendue, l’expliquer.
Votre Honneur, je crois que si vous lisez le préavis attentivement, vous constaterez qu’il ne répond pas à ce critère.
Dans une décision rendue le 26 octobre 2006, voici ce que le Président Kinsella avait dit au sujet des préavis de questions de privilège :
[...] j’estime que l’interprétation correcte du Règlement exige que l’avis soit suffisamment explicite et complet. Autrement dit, il doit clairement identifier l’objet de la question de privilège.
Le Président Kinsella a cité une autre décision, celle-là rendue par le Président Molgat le 21 juin 1995 :
L’objet du préavis est de prévenir les sénateurs de ce qui va être étudié, de sorte qu’ils aient la possibilité de se préparer.
Je n’ai vraiment pas eu le temps de me préparer, Votre Honneur.
Autrement, pourquoi faudrait-il un préavis? Les sénateurs doivent avoir l’occasion de se préparer pour le débat. L’objet n’est pas de retarder les travaux de la Chambre, mais simplement de permettre qu’ils se déroulent de façon ordonnée.
J’estime que le préavis de la sénatrice Saint-Germain n’a pas fourni suffisamment de détails sur les incidents auxquels elle fait allusion afin que d’autres sénateurs puissent se préparer. Tout comme le Président Kinsella avait conclu en 2006, je pense que cette omission de fournir des détails dans un préavis signifie que la question de privilège ne peut pas aller plus loin.
Votre Honneur, si vous êtes en désaccord avec cette décision et que vous décidez d’examiner la question de privilège — et ce, même si le préavis ne contient pas les détails requis comme il est clairement énoncé dans le Règlement —, je répète que cela ne nous a pas donné le temps de bien nous préparer, et je vous demande donc la permission de présenter des observations supplémentaires à une date ultérieure afin que tous les autres sénateurs nommés aient suffisamment de temps pour se préparer eux aussi. Merci, Votre Honneur.
Je vais maintenant poursuivre, et nous reviendrons à votre question, sénateur Plett. Je demande à la sénatrice Clement de bien vouloir — vous êtes sur la liste, sénateur Wells.
Honorables sénateurs, je n’allais pas m’attarder sur cette affaire. J’ai beaucoup d’autres chats à fouetter, mais il est important que je m’exprime. L’ajournement du débat sur un amendement au projet de loi C-234 a suscité de fortes réactions. Un sénateur est venu se pencher au-dessus de mon pupitre, très près de moi, et nous a crié après, la sénatrice Saint‑Germain et moi. Je suis restée figée. Dans un pareil moment, un million de choses se bousculent dans votre esprit parce que, malheureusement, vous vous remettez en question et vous vous en voulez d’avoir suscité une telle colère. Vous vous dites qu’il vaut mieux rester silencieuse jusqu’à ce que ce soit terminé, jusqu’à ce que vous puissiez simplement vous remettre au travail. Je n’ai eu ni l’envie de me battre ni l’envie de fuir; je suis simplement restée figée. C’est incroyable que votre cerveau vous pousse à vous demander si vous avez quelque chose à vous reprocher à un pareil moment.
Des collègues m’ont dit que ce qu’ils ont vu les a stupéfiés. Nous savons que les comportements menaçants rendent le Sénat non sécuritaire et ternissent la réputation de cette institution. Nous savons qu’aucun sénateur ne devrait se faire contraindre au silence.
Plus tôt aujourd’hui, nous avons entendu quelqu’un d’autre parler d’intimidation dans cette enceinte, et j’aimerais fournir un point de vue différent. La passion ne justifie pas l’intimidation. Ce n’est pas la première fois que je vis une pareille situation. L’un des nombreux exemples qui me viennent à l’esprit s’est produit à la table du conseil municipal, lorsque j’étais conseillère municipale, il y a de nombreuses années. Un conseiller a crié après moi. On a excusé son comportement en disant que c’était un élan de passion et, lorsque j’ai protesté délicatement en réponse, on m’a dit que je devais être fatiguée et que j’avais besoin de vacances.
Ce n’est pas parce qu’on est passionné qu’on peut intimider. Si ce n’est pas la première fois qu’un homme en colère crie après moi, c’est la première fois que je m’oppose de façon publique à ce comportement. Si je ne le fais pas au Sénat en tant que sénatrice, quand le ferais-je?
Plutôt, on a dit que les questions de privilège existaient déjà il y a quelque 160 années — qu’elles existaient depuis que le Sénat existe. On a aussi parlé de la belle époque où les sénateurs encaissaient les coups et allaient prendre une bière au lieu de soulever des questions de privilège. Je voudrais souligner que, il y a 160 ans — ou même 100 ans —, le Sénat n’avait pas du tout la même allure. Je respecte l’institution du Sénat — croyez-moi —, son histoire et son rôle en démocratie, mais il a fallu attendre 1930 avant que les femmes puissent être nommées sénatrices. Peut-être que la passion s’exprimait différemment à l’époque où tous les sénateurs avaient la même allure. Les temps ont changé. L’intimidation n’est pas l’expression de la passion et personne ne devrait avoir à encaisser des coups. Subir un tel comportement agressif dans mon travail a été bouleversant. Or, mon expérience ne s’est pas arrêtée au moment où j’ai quitté l’enceinte du Sénat. Des sénateurs sont allés sur Twitter et l’un d’eux a dit: « Mes amis, les dés sont pipés. »
Je comprends qu’il existe des désaccords, bien évidemment. J’évolue dans des milieux où les désaccords respectueux sont la norme, soit les tribunaux, les salles de conseil et les milieux communautaires. Je comprends que certains sénateurs aient trouvé décevant que le projet de loi C-234 ne soit pas adopté en un clin d’œil le 9 novembre. Je le comprends. Mais ce genre de message, qui remet en question mon intégrité et celle de notre estimée Présidente, m’a fait réfléchir. J’ai même cherché l’expression sur Google, pour m’assurer d’avoir bien compris ce que le sénateur insinuait. Comme il fallait s’y attendre, piper les dés, c’est manipuler secrètement le résultat d’une action ou d’un processus.
Je tiens à dire très clairement qu’il n’y avait ni manipulation ni quoi que ce soit de secret dans l’ajournement. Insinuer ainsi qu’il y aurait collusion mine tout le travail que nous accomplissons dans cette Chambre. Je m’efforce de faire mon travail. Pendant les réunions préparatoires, mes collègues m’entendent très souvent répéter qu’il m’incombe de voir à ce que mes collègues aient l’occasion de prendre la parole. Comme des gens n’étaient pas prêts à intervenir pendant la dernière séance, il m’incombait de voir à ce qu’ils aient la chance de parler à la séance suivante. Ce soir, nous avons entendu des discours des sénateurs Woo et Arnot, qui défendent des positions opposées dans le débat actuel. C’est ce que nous sommes censés faire. Nous avons continué le débat aujourd’hui.
Plus tôt, je vous ai dit que les tentatives d’intimidation n’ont pas cessé lorsque j’ai quitté l’édifice du Sénat. Lorsqu’on a publié un gazouillis avec ma photo et celle de la sénatrice Petitclerc pour demander aux Canadiens de nous appeler au sujet du projet de loi C-234, cela a entraîné une menace à ma sécurité, une menace proférée à l’employé qui a répondu au téléphone. Je suis certaine que, lorsque mes collègues du Sénat ont partagé cette photo, ils ne s’attendaient pas à ce que je me sente en danger. Je le sais. J’ai utilisé les médias sociaux pour défendre mon honneur et expliquer mon travail, mais le ton avait déjà été donné par des gazouillis qui manquaient de nuance et n’expliquaient pas le fonctionnement du Sénat.
Ces publications ont entraîné de la confusion, du mécontentement et de la méchanceté. J’ai été victime de colère, d’indignation et de haine. Je ne répéterai pas les mots que moi et mon personnel avons lus. Personne ne devrait être victime du racisme et de la misogynie qui sont ancrés dans ces gazouillis. Cette toxicité numérique est le reflet de la toxicité de notre système politique, et vice versa. Un message irréfléchi publié sur les médias sociaux peut nuire à la démocratie et engendrer de la méfiance.
Le ton avait déjà été donné par des gazouillis qui manquaient de nuances et n’expliquaient pas comment nous procédons dans cette assemblée. Ces messages ont semé la confusion, la frustration et la méchanceté. J’ai été soumise à la colère, à l’indignation et à la haine. Je ne répéterai pas les mots que j’ai lus, les mots que mon personnel a lus. Personne ne devrait être soumis au racisme et aux commentaires misogynes contenus dans ces gazouillis. Cette toxicité en ligne est le reflet de la toxicité qui existe dans notre système politique, et vice versa. Les communications imprudentes sur les réseaux sociaux peuvent nuire à la démocratie et engendrer de la méfiance.
Les Canadiens méritent de savoir que l’ajournement du débat ne signifie pas que le projet de loi est torpillé, mais cette explication nuancée n’a pas été fournie par les gens qui me pointaient du doigt.
On devrait dire aux Canadiens la vérité. En tant que membre du Groupe des sénateurs indépendants, je vote selon ma conscience. Mon vote n’est pas dicté par une ligne de parti. Je ne rends des comptes à aucun ministre. La charte du Groupe des sénateurs indépendants est très claire à ce sujet.
Les Canadiens méritent de savoir que les sénateurs se traitent avec respect. La plupart du temps, c’est vrai, mais ce qui est arrivé au Sénat le 9 novembre est inacceptable.
Je prends la parole aujourd’hui parce que j’ai passé beaucoup de temps à encourager des jeunes femmes à se porter candidates et à occuper une charge publique — des jeunes femmes, des personnes de divers horizons ayant différents points de vue. Je ne peux pas rester silencieuse lorsqu’on ne s’adresse pas avec respect et décorum à des femmes au Sénat.
J’ai hésité à prendre la parole, mais, si les comportements hostiles et agressifs me réduisent au silence alors que j’occupe un poste de pouvoir, que pourrais-je dire aux jeunes femmes pour qui je suis une mentore? Je dois être en mesure de leur dire que nous pavons la voie pour elles, tout comme l’ont fait Jean Augustine, Mary Mack, Daurene Lewis, Huguette Burroughs et Cairine Wilson.
Nous sommes des leaders. Les mots que nous prononçons comptent. Les actes que nous posons comptent.
Merci, nia:wen.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat sur cette question de privilège et je soumets quelques points à l’attention de la présidence. Je ne reviendrai pas sur les principaux points ni sur les détails de procédure. Je veux simplement vous faire part de quelques éléments de comportement à prendre en compte.
Chers collègues, la civilité est un élément important du débat au Parlement, comme on l’a entendu. J’ai dit plus tôt aujourd’hui que le Sénat est un lieu de second examen objectif et de discours civil sur des questions qui intéressent tous les Canadiens. Il ne suffit pas de nous parler, il faut aussi nous écouter. Pour que nos débats soient efficaces, ils doivent se dérouler dans une atmosphère de civilité et de réceptivité. La civilité ne se limite pas à la politesse. Elle doit aussi englober l’importance de la retenue. Nous avons souvent des points de vue divergents au Sénat, et la manière dont nous réagissons est importante.
J’aimerais rappeler à tous les sénateurs les paroles de notre regretté collègue, l’honorable sénateur Shugart, qui a dit ce qui suit dans cette enceinte :
Honorables sénateurs, qu’il s’agisse de ce que nous disons les uns aux autres ou les uns sur les autres, de la manière dont nous réapprenons à écouter ceux qui ne partagent pas notre point de vue ou à dialoguer avec eux, ou de la façon dont nous veillons à la santé de nos institutions, nous devons réapprendre la vertu de la modération.
Le Canada est un grand pays diversifié, tant sur le plan géographique que sur les plans social, culturel, économique et philosophique. Pour chacun d’entre nous, pour les partis politiques et pour les institutions, la retenue peut commencer pas la reconnaissance que notre point de vue, si légitime soit-il, n’est pas le seul point de vue possible.
La retenue a toujours bien servi l’intérêt de notre pays, et à l’heure actuelle, nous en avons besoin. Puissions-nous trouver le courage de faire preuve de retenue.
Ayant servi le Canada pendant plus de 34 ans en tant que militaire, je sais d’expérience ce que l’absence complète de courtoisie et de retenue peut faire et quelles en sont les répercussions sur l’appareil politique. Je peux vous assurer que les paroles du sénateur Shugart sont aussi pertinentes aujourd’hui, dans le cadre de l’étude de cette question de privilège, qu’elles l’étaient lorsqu’il les a formulées.
Votre Honneur, au moment de vous pencher sur les arguments présentés aujourd’hui et de préparer votre décision, j’espère que vous tiendrez compte de la courtoisie entre collègues et de l’importance de suivre nos règles et nos procédures, par souci de justice et d’équité.
Merci.
Honorables sénateurs, je n’ai pas préparé de discours, mais j’ai des choses très précises à dire sur certains événements et certains propos que nous avons entendus ce soir.
Tout d’abord, sénateur Gold et sénatrice Clement, vous avez raconté une partie de l’histoire, mais j’aimerais lire un extrait du hansard de ce soir-là pour que tout le monde sache exactement ce qui s’est passé et, peut-être, ce qui a motivé certaines actions. Je n’approuve pas un grand nombre des actions qui ont eu lieu, mais je pense qu’il est important d’avoir le contexte, parce que nous sommes en train de discuter.
Après que la sénatrice Moncion ait présenté son amendement, ce qui était juste — nous comprenons tous que c’était juste —, le hansard se lit comme suit :
Son Honneur la Présidente : Je donne la parole à la sénatrice... Vraiment, sénatrice Clement?
L’honorable Bernadette Clement : Était-ce une question?
Son Honneur la Présidente : Nous reprenons le débat.
L’honorable Denise Batters : J’ai une question.
Son Honneur la Présidente : Le Sénat consent-il à passer aux questions? Après un amendement, nous passons habituellement au débat.
Il importe de se rappeler de cela, chers collègues.
La sénatrice Clement : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Y a-t-il consentement pour que nous passions à des questions?
Accepterez-vous de répondre à une question, sénatrice Moncion?
La sénatrice Moncion : Oui.
Son Honneur la Présidente : Sénateur Wells, avez-vous une question?
L’honorable David M. Wells : Non, je veux intervenir dans le débat.
Son Honneur la Présidente : Sénatrice Clement, avez-vous une question?
La sénatrice Clement : Non, je n’en ai pas.
La sénatrice Batters a ensuite posé sa question à la sénatrice Moncion, et la sénatrice Moncion a répondu.
J’avais déjà indiqué que j’étais prêt à participer au débat. Je m’étais levé. Puis, la sénatrice Clement, qui s’était également levée, je crois, après moi, a dit : « Votre Honneur, je propose l’ajournement du débat. »
Cela a donné lieu à bien des discussions :
L’honorable Donald Neil Plett : Je souhaite que nous en débattions.
Son Honneur la Présidente : J’ai donné la parole à la sénatrice Clement.
Il y a eu de nombreux échanges.
Le sénateur Plett a invoqué le Règlement. Le sénateur Housakos est intervenu à ce sujet, puis la Présidente a dit : « Je dois dire que j’ai tout d’abord donné la parole à la sénatrice Clement, qui allait proposer l’ajournement du débat. » Je vous avais pourtant dit, Votre Honneur, que je voulais participer au débat, bien avant que la sénatrice Clement n’en propose l’ajournement.
C’était le premier signe pour moi qu’il y avait peut-être quelque chose qui clochait. Je pense que ma crainte était légitime. Je m’étais levé. J’avais demandé de participer au débat avant toute proposition d’ajournement, et vous avez reconnu ma demande. Vous m’avez répondu. Vous avez répondu en disant : « Sénatrice Clement, avez‑vous une question? » Je ne sais pas pourquoi, alors que je m’étais levé pour intervenir, vous avez demandé à une autre personne si elle voulait intervenir.
Chers collègues, cela s’est poursuivi. Je suis intervenu au sujet du rappel au Règlement. J’ai demandé à la Présidente si le rappel au Règlement était terminé. Elle m’a répondu : « Non. Je peux entendre les arguments. »
Le sénateur Wells : Merci. De l’endroit où je me trouve, je peux vous voir et je peux voir la sénatrice Clement. Je sais que j’étais debout et j’ai également vu que vous aviez du mal à vous souvenir de mon nom. Je comprends; je ne m’en offusque pas. C’est alors que vous avez donné la parole à la sénatrice Clement. Cependant, il est clair, Votre Honneur — et je suppose que vous pouvez choisir à qui vous souhaitez donner la parole, mais je sais que j’ai demandé la parole pour participer au débat sur l’amendement [...] de la sénatrice Moncion.
Vous m’avez répondu en me disant, à juste titre, ce qui suit :
Sénateur Wells, vous n’avez pas vraiment lu dans mes pensées, vous avez donné une interprétation. Je tiens toutefois à dire que je me suis souvenue de votre nom. J’ai donné la parole à la sénatrice Clement et elle a le droit d’ajourner le débat.
C’est ce que vous avez dit, même si vous m’aviez déjà entendu indiquer mon intention de participer au débat, et bien avant que la sénatrice Clement ne demande l’ajournement. C’est l’autre point qui me préoccupait. Cela figure au compte rendu. Ce n’est pas du ouï-dire. Ce n’est pas un vague souvenir. Cela figure au compte rendu.
Vous m’avez donné la parole. Vous auriez peut-être eu une porte de sortie si vous ne m’aviez pas donné la parole et que vous l’aviez donnée à quelqu’un dont vous vous souveniez du nom, mais vous avez clairement dit que vous me donniez la parole.
Par ailleurs, je suis le parrain du projet de loi. Il n’était donc pas surprenant que je veuille prendre la parole immédiatement au sujet d’un amendement, ce que j’étais prêt à faire sans notes. C’est un dossier que je connais bien.
Nous faisons souvent référence aux règles de procédure et nous les citons dans cette enceinte; lorsque aucune règle n’est prévue, nous disons souvent « et selon l’usage habituel ». Chers collègues, selon l’usage habituel, si des sénateurs se lèvent pour indiquer qu’ils sont prêts et disposés à débattre — cela ne bloque aucunement d’autres sénateurs qui ne sont peut-être pas prêts à débattre ou présents à la Chambre —, bref, comme je l’ai dit, je siège ici depuis des années et je n’ai jamais vu de débat se terminer par l’adoption d’une motion d’ajournement quand quelqu’un a demandé d’intervenir avant que la motion d’ajournement soit présentée. Bien sûr, c’est moi qui étais en cause et qui ai été frustré, mais c’est un autre signe, à mon avis, qu’il y avait peut-être quelque chose qui clochait. Je ne pense pas que ce soit déraisonnable.
En ce qui concerne mon gazouillis, je suis heureux que le sénateur Gold l’ait lu à haute voix. Pour la gouverne des personnes qui me suivent ou qui veulent me suivre sur Twitter — et beaucoup de gens sont grandement investis dans ce débat, comme nous le savons tous, chers collègues —, lorsque je publie un billet, j’identiquette la revue Canadian Cattlemen, la Canadian Canola Growers Association, l’Agriculture Carbon Alliance et un tas d’autres personnes qui veulent savoir ce qui se passe au Sénat. Ce n’est pas inhabituel dans mon cas. Je ne le fais pas souvent, mais je le fais de temps à autre. En tant que parrain de ce projet de loi, je l’ai fait en sachant que des gens veulent savoir ce qui se passe et qu’ils voulaient savoir ce qui se passait ce jeudi soir-là.
On ne m’a pas permis d’intervenir dans le débat alors que j’avais clairement indiqué mon intention de le faire avant que la motion d’ajournement soit présentée. Cela m’a contrarié, et j’estime que mon mécontentement était légitime. Je laisse les autres décider si je suis un intimidateur, mais je n’ai pas fait de commentaires intimidants dans mon gazouillis. C’était un gazouillis sur la procédure comme j’en fais fréquemment. C’est un message où j’ai identiqueté des gens et des organismes. Je n’ai fait aucune menace et je n’ai intimidé personne. L’intimidation, je n’en fais pas. C’est quelque chose que je ne tolère pas et que je ne tolérerai jamais de la part de collègues, d’enfants ou d’amis. Je ne manque jamais de dénoncer toutes les formes d’intimidation dont je suis témoin.
Chers collègues, comme je l’ai dit, je n’ai pas préparé d’observations, mais mon opinion est bien arrêtée. J’estime que notre procédure n’a pas été suivie. Je pense que c’est évident lorsqu’on lit la transcription. J’ai réagi en publiant un gazouillis sur la procédure qui me semblait bien refléter ce dont j’avais été témoin et ce qu’avaient observé tous ceux qui écoutaient attentivement et qui avaient suivi ce qui s’était passé.
Merci, chers collègues.
Chers collègues, je n’avais pas prévu de prendre la parole aujourd’hui au Sénat pour appuyer une question de privilège. Selon moi, cependant, il importe de ne pas laisser l’impunité prévaloir dans cette Chambre.
Il est essentiel de préciser que les privilèges parlementaires dont jouissent les sénateurs et les sénatrices, en fait, ne sont pas absolus. Je veux d’abord traiter de l’objet soulevé dans la question de privilège. Le document d’accompagnement du Règlement du Sénat précise, à la page 360, que les privilèges parlementaires s’entendent ainsi, et je cite :
Privilège Droits, pouvoirs et immunités particuliers à chaque Chambre collectivement, et aux membres de chaque Chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s’acquitter de leurs fonctions. [...] Ce sont notamment : la liberté de parole au Sénat et [...] de façon générale, la protection contre l’obstruction et l’intimidation.
Le Règlement du Sénat prévoit ce qui suit à l’article 13-1 :
Une atteinte aux privilèges d’un seul sénateur cause un préjudice à tous les sénateurs et entrave le fonctionnement du Sénat. Le maintien des privilèges du Sénat incombe donc à chaque sénateur et doit être discuté en priorité.
C’est à ce titre qu’il me semble de ma responsabilité d’appuyer la question de privilège déposée par la sénatrice Saint-Germain à titre de facilitatrice du Groupe des sénateurs indépendants, dont je fais partie.
Les événements qui se sont déroulés dans la Chambre du Sénat durant le débat sur le projet de loi C-234 lors de la séance du jeudi 9 novembre dernier et plus encore immédiatement après la suspension des travaux précédant le vote sur la motion d’ajournement du débat sur le projet de loi présentée par la sénatrice Clement mettent sérieusement en cause notre responsabilité collective et individuelle de maintenir le décorum dans nos travaux. De plus, les procès d’intention que nous avons entendus ne sont pas passés inaperçus.
Les vociférations adressées d’abord à la présidence, littéralement au pied du siège de la Présidente de notre institution, puis à la facilitatrice du Groupe des sénateurs indépendants, le GSI, et à au moins une autre sénatrice de l’équipe de direction du GSI, pendant un temps suffisamment long pour ne laisser aucun doute sur leur nature, constituent ce que le Code canadien du travail, les lois sur les droits de la personne et la jurisprudence qualifient de harcèlement et d’intimidation. Ce sont des attaques à l’endroit de l’autorité même de l’institution du Sénat et à l’endroit de sénatrices en leur qualité de membres de l’équipe de direction d’un groupe parlementaire reconnu, en plus de constituer des attaques personnelles les visant directement.
Par ailleurs, non seulement les personnes visées par ces comportements, mais aussi les autres membres du Sénat qui étaient présents — et je m’inclus dans ce groupe — ont subi les effets négatifs de tels abus de pouvoir. C’est sans compter que s’y ajoutent les accusations de collusion entre la présidence et le Groupe des sénateurs indépendants qui ont été formulées dans des médias et qui constituent des accusations très sérieuses à l’encontre de l’institution même du Sénat et d’un groupe parlementaire reconnu. C’est la crédibilité même de l’institution qui est en cause, au-delà de ses membres qui ont été visés personnellement et des autres membres, sénatrices et sénateurs, qui étaient présents dans la Chambre le jeudi 9 novembre dernier au moment de ces événements.
Nous savons que la partie II du Code canadien du travail a été modifiée récemment pour étendre la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail aux deux Chambres du Parlement. Selon le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, l’intimidation et le harcèlement au travail constituent de la violence qui peut prendre des formes diverses, dont les jurons, les insultes, les accès de colère, ce qui génère du stress psychologique. Des comportements intimidants se traduisent notamment par la contestation de décisions des collègues et de la direction.
Le terme « harceler » se définit comme le fait de traiter une personne de façon à nuire à sa dignité, sa santé psychologique ou sa santé physique. Le harcèlement se manifeste par des paroles ou des comportements offensants, méprisants, hostiles ou non désirés. Le terme « intimider » se définit comme le fait de remplir quelqu’un de peur, en imposant sa force ou son autorité.
Nous savons désormais que l’intention des personnes qui se livrent à du harcèlement ou à de l’intimidation ne peut plus servir de prétexte aux gestes offensants. Des années de lutte contre la discrimination, notamment à l’endroit des femmes, ont fini par venir à bout de ceux qui prétendaient n’avoir jamais voulu offenser qui que ce soit. L’effet sur les personnes harcelées ou intimidées est le critère déterminant dans ce domaine. Les attaques verbales dont nous avons été témoins à l’intention de sénatrices représentent des formes de discrimination fondée sur le sexe que nous ne pouvons pas laisser passer sans réagir. La question de privilège est donc fondée — du moins de ce point de vue. La protection contre l’intimidation inscrite dans le Règlement du Sénat doit vouloir dire quelque chose et des mesures doivent être prises quand cette protection est attaquée. Il incombe à l’institution du Sénat d’assurer cette protection à tous ses membres, sénatrices et sénateurs.
Pour toutes ces raisons, je suis d’avis que la question de privilège soulevée par la sénatrice Saint-Germain doit être reçue comme telle, parce qu’elle satisfait aux quatre critères prévus à l’article 13-3 du Règlement du Sénat.
Je vais conclure rapidement sur la question de la « suffisance » du préavis qui a été donné par la sénatrice Saint-Germain. Quand on indique que le préavis doit indiquer la nature de la violation prétendue — et je vais citer l’article 13-3 du Règlement :
Je tiens à préciser que la nature est définie comme le sens essentiel.
En ce sens, je pense que lorsque le préavis dit que la sénatrice veut faire état des tentatives d’intimidation qui ont eu lieu dans cette Chambre, cela revient exactement à décrire la nature de la violation alléguée.
Je veux terminer en disant que, dans ce que d’autres appellent le « bon vieux temps », les femmes n’étaient pas là; maintenant que les femmes sont là, elles ne vont pas partir, elles vont rester et vont continuer à se battre, y compris pour leurs petites-filles, comme les miennes.
Je vous remercie.
Ce soir, c’est un moment difficile qui m’interpelle beaucoup, parce que cela me rappelle un incident impliquant la sénatrice Duncan et moi à l’occasion du projet de loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, il y a déjà trois ans. Je me suis dit qu’on aurait dû soulever une question de privilège à ce moment-là pour mettre fin à ce climat toxique, mais on a laissé passer; on a accepté de laisser passer.
Le temps est venu de tracer une ligne dans le sable et de dire que cela n’arrivera plus jamais.
Chers collègues, je fais miens les propos qui ont été tenus avec grande éloquence par la sénatrice Saint-Germain, par la sénatrice Dupuis et plus particulièrement par la sénatrice Clement. Il n’y a pas de place pour l’intimidation dans cette Chambre, ni dans la société, ni dans les familles, ni avec nos amis, ni nulle part. C’est assez. L’intimidation a assez duré et ceux qui ne comprennent pas cela doivent se remettre en question et peut-être penser à exercer une autre carrière.
Je voudrais cependant m’intéresser à un point précis, le point technique qu’a soulevé le sénateur Plett pour dire que le préavis était irrecevable. Je vais compléter ce qu’a dit avant moi avec beaucoup d’éloquence la sénatrice Dupuis. Comme elle, je voudrais attirer votre attention sur l’article 13-3(1) qui se lit comme suit :
Sauf disposition contraire, le sénateur qui désire soulever une question de privilège en remet un préavis, dans lequel est indiquée la nature de la violation prétendue, au greffier du Sénat [...]
Je vais citer ce passage en anglais :
[...] un préavis, dans lequel est indiquée la nature de la violation prétendue [...]
Il s’agit là du premier avis, qui est le préavis écrit. Cependant, ce n’est pas tout. Ensuite, l’article 13-3(4) dit ce qui suit :
Au cours de la période des déclarations de sénateurs, la parole est donnée au sénateur qui a préalablement donné préavis par écrit afin qu’il puisse le faire oralement. Il doit préciser l’objet de la question de privilège qu’il entend soulever [...]
En anglais, on dit ce qui suit :
Il doit préciser l’objet de la question de privilège qu’il entend soulever et, en outre, se déclarer prêt à proposer [une motion] [...]
Il y a donc eu un préavis écrit que nous avons tous reçu hier, et nous avons reçu un avis oral d’une durée de trois minutes aujourd’hui à la période réservée aux déclarations de sénateurs. Qu’a-t-on appris en lisant l’avis reçu la veille? Je vous dirais, honorables sénateurs, comme on le dit souvent dans les cours de justice : « Quand les faits sont mauvais, plaidez les questions de procédure. » C’est ce que l’on fait aujourd’hui.
Je vais vous prouver que cette question de procédure ne tient pas la route. Le préavis est très court et compte une quinzaine de lignes; je vais indiquer les précisions de la sénatrice Saint-Germain que l’on retrouve dans cet écrit.
Première précision :
[...] je soulèverai à la prochaine séance du Sénat une question de privilège concernant les tentatives d’intimidation de sénatrices et de sénateurs [...]
Deuxième précision :
[...] qui ont eu lieu le jeudi 9 novembre 2023 [...]
Troisième précision :
[...] dans la Chambre du Sénat et dans l’édifice du Sénat du Canada.
Quatrième précision :
[...] qu’immédiatement avant et pendant le temps prévu pour la sonnerie d’appel sur un vote relatif à une motion visant à ajourner jusqu’à la prochaine séance [...]
Cinquième précision :
[...] une motion d’amendement au projet de loi C-234 [...]
La seule précision qui manque, c’est celle que le sénateur Plett a soulevée : on ne l’a pas mentionné; il ne s’est pas reconnu et il a été pris par surprise.
Je pense que c’est une bonne indication du problème qui existe avec les intimidateurs : ils ne se reconnaissent pas lorsqu’ils sont impliqués dans des situations d’intimidation.
Cette question de privilège est suffisamment précise et détaillée pour être parfaitement admissible. Quant aux trois autres critères, je n’ai aucun doute qu’ils sont bel et bien satisfaits.
Je vous remercie.
Votre Honneur, tout d’abord, j’aurai besoin de plus de temps pour préparer mes observations parce que, comme le sénateur Dalphond vient de le souligner dans ses observations, il manque une quantité assez importante de renseignements : tout ce qui me concerne ou concerne le sénateur Housakos au sujet du partage d’un gazouillis publié est survenu quelques jours plus tard, la semaine suivante, et ne figure nulle part dans le préavis qui a été fourni. Celui-ci ne précise que la date du jeudi 9 novembre, dans cet édifice, au cours de la période ayant suivi immédiatement la sonnerie.
Je dirais donc, en ce qui concerne ce que le sénateur Plett a mentionné plus tôt : non seulement le préavis de la sénatrice Saint-Germain hier soir ne respectait pas le délai requis pour une question de privilège, mais la déclaration que la sénatrice a faite aujourd’hui, en début d’après-midi — il y a quelques heures —, ne respectait pas non plus le délai requis pour une question de privilège. Le préavis ne précisait pas les comportements reprochés ni les sénateurs concernés. Il y était simplement indiqué le jeudi 9 novembre comme date, et l’édifice du Sénat comme lieu.
C’est la même chose pour la déclaration de la sénatrice plus tôt cet après-midi, il y a quelques heures. Un préavis adéquat aurait permis à ceux d’entre nous qui sont nommés ce soir de préparer une forme de défense. Aucun sénateur ni aucun comportement n’était mentionné. Comme le sénateur Dalphond vient de le dire, on indiquait tout simplement la date du jeudi 9 novembre. Il n’était absolument pas question de la semaine suivante. Le préavis ne faisait mention des médias sociaux que brièvement. Selon les notes que j’ai prises à ce moment-là, les mots précis utilisés étaient les suivants : « qui ont également eu une suite dans les médias sociaux ». On laissait clairement entendre que les comportements visés avaient eu lieu ce jour-là, le jeudi 9 novembre, immédiatement avant et pendant le temps prévu pour la sonnerie d’appel, et non plus tard.
Dans le Document d’accompagnement du Règlement du Sénat du Canada, on peut lire ce qui suit : « L’avis doit indiquer le sujet envisagé aux fins du débat et de toute décision à prendre. »
Dans le cadre d’une décision rendue le 21 juin 1995, le Président Molgat a expliqué la raison d’être du préavis :
[...] J’estime que l’objet du préavis est de prévenir les sénateurs de ce qui va être étudié, de sorte qu’ils aient la possibilité de se préparer. Autrement, pourquoi faudrait-il un préavis? Les sénateurs doivent avoir l’occasion de se préparer pour le débat. L’objet n’est pas de retarder les travaux de la Chambre, mais simplement de permettre qu’ils se déroulent de façon ordonnée.
De toute évidence, comme je n’ai eu aucune chance de me préparer à la discussion que nous avons présentement, je demande d’avoir plus de temps pour préparer une réponse à ces allégations, que je prends très au sérieux.
Pour le moment, je ferai seulement quelques commentaires très rapides. Premièrement, il s’agissait d’un « retweet », c’est-à-dire d’un gazouillis que je retransmettais, et non de mon principal gazouillis. J’ajoute aussi qu’il ne s’agissait vraiment pas de « doxing », c’est-à-dire de divulgation de données personnelles. Il aurait fallu, pour cela, que je retransmette...
Sénatrice Batters, vous avez la parole.
Merci.
Il ne s’agissait certainement pas d’une divulgation de renseignements personnels. Le message qui a été publié ne contenait pas le courriel personnel ou le numéro de téléphone de qui que ce soit. Les courriels et les numéros de téléphone de ce gazouillis sont ceux des bureaux de ces deux sénatrices, c’est-à-dire leurs courriels et leurs numéros de téléphone au Sénat. Je n’avais certainement pas l’intention de harceler qui que ce soit ou d’offrir les moyens de faire quelque chose du genre. Chaque jour, des agriculteurs me disent qu’ils sont extrêmement mécontents que ce projet de loi n’ait pas encore été adopté. Ils voulaient savoir qui retardait l’adoption de ce projet de loi. Ce gazouillis leur donnait les numéros de téléphone des bureaux au Sénat qui, bien sûr, sont financés par les contribuables, afin qu’ils puissent communiquer avec ces sénatrices s’ils le souhaitaient.
Je demande plus de temps pour préparer des observations supplémentaires. Je vous remercie de votre considération.
Je vais devoir suspendre brièvement la séance à cause d’un problème technique lié à l’audio à la télévision. Nous reprendrons dès que le problème sera résolu.
Finalement, le problème semble être réglé.
Je me demande si mes propos ont été consignés dans le hansard. Le sénateur Wells a dit que l’on n’entendait rien avant la fin des observations.
Oui, cela a été transcrit. Ce n’était qu’un problème de son son.
Madame la Présidente, chers collègues, je tiens aussi à ajouter ma voix à cette question de privilège.
Je prends la parole en ayant à l’esprit une décision de l’ancien Président Furey à propos de la présence dans les médias sociaux. Il nous demandait à l’époque d’être toujours attentifs et prudents. Je dois avouer qu’il est très désagréable de se réveiller et de voir sa photo dans les médias sociaux sur une affiche « de la liste des personnes les plus recherchées », propageant un mensonge et demandant aux Canadiens d’appeler et d’envoyer des courriels à mon bureau.
Chers collègues, puisque je siège dans cette Chambre depuis sept ans, j’ai pris position à plusieurs reprises sur des enjeux parfois polarisants; j’ai été parfois la cible de critiques et d’insultes et je m’en accommode jusqu’à un certain point. Ce n’est pas la première fois que notre bureau reçoit des critiques et des appels de citoyens, mais ceci est différent et je me questionne. Quelle est la limite à ne pas franchir pour nous, sénateurs, lorsqu’il s’agit de notre responsabilité et de nos engagements envers les principes et le décorum de cette Chambre? Cette ligne, comme mes collègues l’ont bien montré — et je les en remercie —, a été manifestement franchie.
J’en ai eu encore plus la certitude hier, lorsque mon garçon de 9 ans est revenu de l’école et m’a demandé pourquoi maman était, et je le cite, « sur une gangster picture contre les agriculteurs ». Apparemment, un adulte de l’entourage de son ami lui a inconsciemment montré cette publication sur les réseaux sociaux.
Je suis désolée, mais le leader de l’opposition et moi n’avons peut-être pas le même sens de l’humour. Quand mon fils revient de l’école avec des histoires comme celle-là, et quand mon personnel reçoit, pendant plusieurs jours, de nombreux messages violents et menaçants, contenant des expressions que je ne répéterai pas, eh bien non, je n’ai pas envie d’aller prendre une bière et d’en rire.
Madame la Présidente, à la lumière des discours qui ont été prononcés par mes autres collègues, je n’ai pas grand-chose à ajouter sur la conversation, sauf pour dire que les quatre critères sont satisfaits dans le cadre du privilège parlementaire et que l’éloquence de mes collègues parle d’elle-même. Mon discours ne serait pas à la hauteur.
Je remercie chacune et chacun de mes collègues qui se sont prononcés ce soir, et au prochain discours.
Il y a encore quelques sénateurs qui souhaitent prendre la parole. Je me demandais si vous seriez en mesure de faire de nouveaux commentaires ou d’ajouter de nouveaux arguments pour me convaincre à propos de cette question de privilège. Si vous voulez présenter d’autres arguments, j’accepterai volontiers que vous preniez la parole.
C’est avec beaucoup de tristesse que je prends la parole au sujet des événements qui ont eu lieu le 9 novembre. Au moment de l’ajournement, j’étais près du siège qui m’est attribué — je ne sais plus si j’étais assis ou debout, mais je m’apprêtais à sortir — lorsque j’ai remarqué du brouhaha de l’autre côté de la pièce. Essentiellement, un sénateur criait après trois sénatrices en étant très proche d’elles. Je me suis déplacé pour voir ce qui se passait, pour être un témoin silencieux et pour intervenir au besoin. Trop souvent, lorsque nous voyons des gestes répréhensibles dans la société, nous fermons les yeux. J’ai choisi d’être un témoin.
Aujourd’hui, j’ai écouté attentivement les observations de la sénatrice Saint-Germain, de la sénatrice Bernadette Clement et de la sénatrice Chantal Petitclerc, les trois sénatrices d’en face qui étaient visées lorsque les faits se sont produits.
Ce que je veux ajouter, c’est que, en tant que témoin silencieux, les événements qu’on a douloureusement décrits — qui se sont déroulés le 9 novembre — étaient exactement comme je les ai observés. Pour moi, il s’agit d’un épisode à la fois très choquant et très triste qui s’est déroulé dans cette auguste enceinte.
Je serai brève, parce que beaucoup de choses ont été dites, effectivement.
Je voulais revenir aux minutes qui ont suivi les événements, une fois que les caméras se sont éteintes. Je me trouvais de l’autre côté, donc plus loin, mais j’ai très bien vu le langage corporel intimidant et la proximité excessive d’un homme en colère. Il est normal d’être en colère à l’occasion, notamment dans le jeu politique, mais il est inacceptable d’utiliser cette colère comme arme pour intimider des collègues. À ce point-là, ce n’est plus de la passion, comme le sénateur Plett le disait tout à l’heure.
Dans cette Chambre et à l’extérieur, certains ont attaqué la compétence et l’intégrité de nos collègues les sénatrices Clement et Petitclerc. Ces tactiques n’ont pas leur place au Sénat ni ailleurs. En fait, elles n’ont pas leur place dans la société. Elles font partie d’une culture politique machiste que nous n’avons plus à tolérer, car nous sommes quelques sénatrices à avoir subi de l’intimidation de la part de collègues sénateurs au cours des dernières années. Nous avons encaissé sans oser dénoncer.
Je vous remercie, Raymonde Saint-Germain et Bernadette Clement, d’avoir parlé et d’avoir dit que ce n’était pas acceptable.
J’aimerais terminer en citant le sénateur Housakos. Dans l’intervention qu’il a faite le 9 novembre dernier, il a dit ce qui suit :
[...] ce débat doit se dérouler dans un climat de confiance et dans le respect des règles et des procédures de cette institution. Au final, si nous connaissons des difficultés à ce niveau-là, je pense que cela complique énormément la tâche de parvenir à des conclusions fermes qui inspireront confiance au public, aux intervenants et aux Canadiens de tout le pays.
Un peu plus loin, il a ajouté ce qui suit :
C’est ainsi que fonctionne une démocratie crédible.
Je suis d’accord avec le sénateur Housakos : une démocratie crédible fonctionne dans un climat de confiance et de respect des règles et des procédures. Or, l’intimidation que nous avons vue dans les rangs de son parti le 9 novembre dernier est loin de correspondre à ces normes qu’il a évoquées. Elle justifie clairement la question de privilège soulevée aujourd’hui par ma collègue la sénatrice Saint-Germain.
J’espère que mes collègues ici présents trouveront mes propos utiles.
Je voudrais placer le débat de ce soir dans un contexte international plus large. Je voudrais demander à tous ceux qui sont concernés par cette question — et je dis bien tous — de garder à l’esprit que l’égalité des sexes a connu un recul important dans tous les pays, une situation attribuable à la fois à la pandémie de COVID et aux changements de gouvernements.
Ce que je voulais dire ce soir, c’est que les recherches menées dans tous les pays, y compris au Canada, indiquent que les femmes qui mènent une vie publique — les femmes qui occupent une charge publique — sont beaucoup plus souvent prises pour cibles. Cette situation entraîne — et on le constate, encore une fois, d’après les recherches — une augmentation du nombre de femmes qui disent : « Je ne peux pas continuer. Je ne peux pas laisser mes enfants subir cela. Je ne peux pas perdre ma liberté parce que je suis ciblée. » Je ne parle pas nécessairement d’intention, mais de l’effet et des conséquences. Je parle également du leadership du Canada dans le monde en matière d’analyse comparative entre les sexes.
Lorsque l’on applique cela, il faut prendre en considération les hommes et les femmes qui ont été impliqués. Nous devons également nous replacer dans le contexte moderne des médias sociaux. Je fais référence au Centre de recherche pour le développement international et du National Democratic Institute; ce sont les deux organismes que je connais le mieux et qui sont actifs en ce moment. Les recherches démontrent clairement que c’est en partie ce qui se passe à l’intérieur des législatures et des parlements du monde entier. Ce phénomène est aussi énormément exacerbé par l’utilisation des médias sociaux.
Je tiens également à souligner ce qui me semble être un fait, à savoir qu’une grande partie de ce qui nous a été décrit ce soir s’est produit après que les microphones ont été éteints — lorsqu’il n’y avait plus d’enregistrement. Aussi utile que le sénateur Wells ait pu penser être en citant le hansard, nous devons examiner la situation dans son ensemble, car il ne s’agit pas seulement d’une formalité dans le cadre de procédures.
Je terminerai en mentionnant que j’ai eu l’honneur d’aller en Jordanie grâce à l’ambassade canadienne il y a quelques mois, pour travailler avec des femmes qui occupent une charge publique ou politique, dont bon nombre ont été parlementaires, de cinq pays différents de cette région. La réunion portait sur les raisons qui expliquent pourquoi les femmes abandonnent la vie publique. C’est là que les recherches auxquelles je fais référence ont été expliquées. La vérité, c’est que cela se produit partout. Cela se produit possiblement ici, dans cette enceinte, en ce moment même.
L’analyse comparative entre les sexes est là notamment pour nous rappeler qu’il faut faire attention à des aspects comme la racialisation, l’identité de genre ainsi que le fait de cibler des femmes qui occupent des postes d’autorité. Oui, je le dis parce que je suis une militante féministe, mais aussi parce qu’il y a des procédures ici qui remontent à avant les circonstances dont nous discutons ce soir. Elles ont été mises en place pour promouvoir l’équité et la courtoisie. Je crois que tout le monde dans cette enceinte est d’avis que c’est une valeur fondamentale qui oriente notre travail et notre façon de le faire.
On dirait que nous nous sommes égarés. Je demande à ce qu’on tienne compte de l’analyse comparative entre les sexes au moment de rétablir les valeurs essentielles qui nous rappellent pourquoi nous sommes ici, ce que nous devons faire et comment nous devons nous comporter. Merci beaucoup.
Il y a trois sénateurs qui souhaitent intervenir. Je vous demanderais encore une fois de bien vouloir présenter de nouveaux arguments parce que j’ai entendu un certain nombre de bons arguments sur cette question.
J’ai préparé quelque chose. Je vais vous en faire part. J’ai été témoin de la situation en question.
Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir dans le cadre de ce débat sur la question de privilège soulevée par la sénatrice Saint‑Germain avec un peu d’hésitation. Toutefois, je sens le besoin d’y participer, parce que ce dont j’ai été témoin jeudi dernier m’a à la fois surpris et troublé.
Le Règlement du Sénat nous rappelle ceci.
Une atteinte aux privilèges d’un seul sénateur cause un préjudice à tous les sénateurs et entrave le fonctionnement du Sénat. Le maintien des privilèges du Sénat incombe donc à chaque sénateur et doit être discuté en priorité.
Je suis tout à fait d’accord. Si on porte atteinte aux privilèges d’un sénateur, on porte atteinte aux privilèges de tous les sénateurs.
Les sénateurs savent aussi que, dans l’annexe au Règlement, les privilèges dont nous jouissons tous en tant que sénateurs comprennent « [...] la protection contre l’obstruction et l’intimidation. » Ce que j’ai vu à la Chambre et hors du contexte des délibérations officielles pourrait certainement être considéré comme de l’intimidation. Ce qui s’est passé la semaine dernière est, à mon avis, inacceptable.
Nous avons tous le droit de travailler dans un environnement sain et sécuritaire. Les Canadiens nous regardent. Nous devons adopter un comportement exemplaire. Nous ne devrions tolérer aucune forme d’intimidation dans cette enceinte. Je ne répéterai pas ce que la sénatrice Saint-Germain a dit plus tôt. Je pense qu’elle a expliqué avec éloquence et de façon convaincante sa question de privilège.
Je ne vais pas non plus me prononcer au sujet de la question de procédure qui a été soulevée. Je crois que la Présidente avait le droit d’accorder la parole à la sénatrice Clement lorsque celle-ci a proposé l’ajournement du débat au sujet du projet de loi C-234. Certains collègues prétendent que c’était inapproprié, mais cet ajournement nous a permis de reprendre le débat plus tôt aujourd’hui et d’autres sénateurs ont ainsi pu y participer. Nous savons qu’il s’agit d’un projet de loi fortement contesté et je crois qu’il est juste de permettre à davantage de sénateurs de présenter leur point de vue. J’ai vraiment apprécié le débat qui s’est tenu il n’y a pas si longtemps et j’ai hâte que nous poursuivions nos discussions sur les mérites de ce projet de loi. Au bout du compte, je crois que nous allons mieux en comprendre la teneur et lui accorder toute l’attention qu’il mérite sans précipiter son adoption. Nous devons bien faire les choses.
Chers collègues, toute question de privilège mérite que nous lui accordions la plus grande considération. Il s’agit d’un moment crucial qui requiert notre attention et notre collaboration à tous, ainsi que le respect des règles et de la procédure. Dans cette auguste Chambre, nous devons toujours accorder la priorité à la collaboration et nous efforcer d’atteindre des objectifs communs. Il est essentiel de respecter le point de vue d’autrui, car cela favorise un environnement où des idées variées pourront se développer et enrichir nos discussions et nos décisions.
Pendant que nous nous penchons sur cette question de privilège, n’oublions pas qu’il est important de suivre les procédures appropriées. Les protocoles établis assurent l’équité et fournissent un cadre à l’intérieur duquel nous pouvons aborder les problèmes avec clarté et impartialité.
Il est décourageant de constater les conséquences imprévues des événements récents, y compris les menaces proférées contre un employé. Cette situation souligne l’importance de favoriser un environnement où notre discours se caractérise par le respect et la compréhension plutôt que l’hostilité.
Dans mon ancienne vie au sein du monde des affaires, nous avions des discussions sur des idées et des stratégies sans miner l’autorité de notre industrie ou des institutions établies. Nous savions que ne pas agir ainsi nuirait essentiellement à notre propre réputation. Je pense que c’est la même chose au Sénat. Nous devons toujours nous respecter lorsque nous débattons de questions d’importance nationale sur lesquelles nous ne sommes pas d’accord.
Il est tout aussi important de respecter la Présidente et son autorité. Le sénateur Shugart nous l’a rappelé dans son premier discours à la Chambre, et je répète ce qu’il a dit parce que c’est important :
[...] qu’il s’agisse de ce que nous disons les uns aux autres ou les uns sur les autres, de la manière dont nous réapprenons à écouter ceux qui ne partagent pas notre point de vue ou à dialoguer avec eux, ou de la façon dont nous veillons à la santé de nos institutions, nous devons réapprendre la vertu de la modération.
Par respect pour notre ancien collègue et, par-dessus tout, par respect pour tous les sénateurs et pour les Canadiens que nous servons avec humilité, je crois que nous devrions prendre bonne note des sages conseils du sénateur Shugart. Cela ne nous empêche évidemment pas de débattre les uns avec les autres, d’être en désaccord ou de présenter respectueusement des arguments pour ou contre le projet de loi. L’ancien Président du Sénat, l’honorable George Furey, nous a dit un jour ceci :
N’hésitez jamais à discuter et à argumenter, mais, je vous en prie, évitez les attaques personnelles, même les plus subtilement formulées. Ne présumez jamais des intentions des autres quand ils prennent une décision ou prennent part à un débat. C’est vous — et le Sénat par le fait même — que vous dévalorisez en vous abaissant à ce genre d’attaque.
J’espère que nous aurons désormais un dialogue plus constructif et plus éclairé. J’invite tous les sénateurs à se concentrer sur le bien‑fondé des projets de loi dont le Sénat est saisi et à participer à des débats qui nous permettront de parfaire nos connaissances et de contribuer au mieux-être de la nation.
En conclusion, je souhaite que ce moment témoigne de notre engagement envers la collaboration, le respect et l’intégrité procédurale. En respectant ces principes, nous renforçons les bases sur lesquelles se bâtit notre réussite collective.
Votre Honneur, j’espère que vous tiendrez compte de mes observations quand vous examinerez la question de privilège de la sénatrice Saint-Germain et déciderez s’il y a matière à question de privilège. Chers collègues, je vous remercie de votre attention.
Honorables sénateurs, je remercie mes collègues d’avoir soulevé cette affaire. Depuis le premier instant où j’ai mis les pieds au Sénat, le genre de comportements dont nous avons entendu des exemples ce soir est devenu évident. Je ne sais pas si c’est en raison du travail que je faisais ou des fois où j’ai comparu devant des comités, mais beaucoup de gens qui travaillent au Sénat, tant des sénateurs que des membres du personnel, se sont adressés à moi pour me parler de bon nombre de ces problèmes.
J’ai vite compris que, souvent, l’accent est mis sur les manœuvres surprises, le refus d’assumer ses responsabilités, les tactiques dilatoires, le déni, la diversion, la défense de l’indéfendable ou les attaques en guise de moyen de défense. Cela m’a frappé tandis que j’écoutais mes collègues aujourd’hui.
Je tiens à souligner l’importance de ce moment. Il s’agit de la première fois que la question est ainsi soulevée. Mon apport à ce débat, Votre Honneur, c’est que nous tentons tous, de différentes manières, que ce soit comme parents, comme mentors, comme enseignants ou dans quelque autre qualité que ce soit, de nous comporter et de traiter les autres de manière exemplaire.
Je veux nous encourager à nous montrer à la hauteur de la situation et je vous demande d’en tenir compte dans vos délibérations. Je pense qu’il est évident qu’à première vue, il semble y avoir eu atteinte au privilège. C’est le constat qu’il faut faire quand on voit et entend les répercussions de ce qui s’est passé, vu le moment et l’enjeu. Lorsque vous entendez quelqu’un tenter de blâmer celles qui ont subi ces conséquences ou d’éviter d’assumer sa responsabilité, nous devons tous nous demander à qui cela profite.
Aucun d’entre nous n’en profite. Cependant, lorsque nous commettons une erreur comme il nous arrive tous d’en commettre, si nous nous encourageons les uns et les autres à assumer la responsabilité de cette erreur, pour tenter de la corriger le mieux possible et de passer à autre chose d’une manière qui nous honore tous, alors ce n’est pas seulement nous et notre institution qui nous montrons honorables, mais l’ensemble du travail de notre pays. Merci.
Votre Honneur, je suis votre conseil quant au fait que nous ne devrions intervenir que si nous avons des arguments à ajouter et je souhaite le faire très brièvement. Je n’étais pas présente au Sénat le 9 novembre, parce que j’étais en convalescence après une intervention chirurgicale, mais je regardais les débats en ligne. Évidemment, dans SenVu, je n’ai pas pu voir ce qui s’est passé après le débat, mais j’ai pu me faire une idée de la situation d’après les discours et les interventions entendus.
Les trois sénatrices qui ont pris la parole — la sénatrice Petitclerc, la sénatrice Saint-Germain et la sénatrice Clement — étaient déjà toutes des femmes de tête avant d’être nommées sénatrices et elles le sont encore aujourd’hui. De plus, Votre Honneur, la sénatrice Clement est une femme noire. La sénatrice Petitclerc nous honore chaque jour de sa présence en fauteuil roulant. Même si ce ne sont pas les seuls éléments que je retiens de leur identité et de leur présence au Sénat, ils en font nécessairement partie et je vous demanderais d’en tenir compte dans votre examen de cette question de privilège.
Je vous remercie, honorables sénateurs.
Honorables sénateurs, nous sommes saisis d’une affaire fondamentale qui soulève des questions fondamentales. J’ai voulu que tous les sénateurs aient la chance de s’exprimer pleinement.
Le sénateur Plett a fait remarquer que certains collègues mentionnés ne sont pas ici, et il a demandé qu’il soit possible ultérieurement de présenter de plus amples arguments. Ceci n’est pas sans précédent, et je suis certaine que nous voulons tous nous assurer d’entendre toute l’information et tous les arguments.
J’accepterai donc de brefs arguments additionnels ce jeudi, à la fin des affaires du gouvernement. Les sénateurs doivent éviter de répéter des arguments qui ont déjà été soulevés, et, je le souligne, ils doivent être précis.