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Projet de loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

29 mars 2022


L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) [ + ]

Propose que le projet de loi S-237, Loi établissant le registre des agents d’influence étrangers et modifiant le Code criminel, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, il est particulièrement opportun que, après toutes les questions concernant l’influence étrangère dans le cadre du débat sur le projet de loi S-233 et les questions pertinentes du sénateur Kutcher, j’aborde un peu plus à fond le problème en mettant l’accent sur l’influence étrangère au sein de nos institutions. Il existe bien des façons dont les entités étrangères peuvent influencer nos institutions et notre pays.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-237, qui modifierait le Code criminel du Canada et établirait un registre des entités et des particuliers étrangers qui cherchent à influer sur les politiques du Canada ainsi que sur les processus et les institutions démocratiques du Canada au nom de régimes étrangers connus.

L’ingérence et l’influence étrangères n’ont rien de nouveau. Toutefois, grâce aux progrès en matière de technologies et de communication de renseignements, ils sont devenus omniprésents et risquent fort d’être utilisés par les régimes autoritaires. D’ailleurs, cela se produit de plus en plus, ce qui en fait une menace croissante. Cela fait longtemps que les agences du renseignement du Canada nous préviennent de la menace que représente l’influence étrangère pernicieuse pour notre démocratie et notre société. Plusieurs rapports reprennent ces avertissements, y compris le rapport public du SCRS publié le 20 mai 2020 ainsi que le rapport annuel de 2019 du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.

Le rapport de 2019 du SCRS affirme que des activités d’espionnage et d’ingérence étrangères ciblent des entités canadiennes au pays et à l’étranger et constituent une menace directe pour la sécurité nationale et les intérêts stratégiques du Canada.

Le rapport donne également un avertissement au sujet de la vulnérabilité des institutions et des processus démocratiques du Canada, notamment des élections. En outre, on peut lire ceci dans une note préparée en vue de la comparution devant le comité, le 24 mars 2021, du ministre de la Sécurité publique de l’époque, Bill Blair :

Dans le cadre de son mandat qui consiste à enquêter sur les menaces à la sécurité du Canada, le SCRS a vu de multiples cas d’États ciblant des institutions et collectivités canadiennes. La portée des activités potentielles d’ingérence étrangère peut être vaste et englober toute une gamme de techniques que connaissent bien les organismes du renseignement. Ces techniques comprennent les opérations de renseignement humain, le recours à des médias financés par l’État ou influencés par l’étranger, et l’utilisation d’outils numériques perfectionnés.

Honorables sénateurs, nous avons tous été témoins des impacts de l’ingérence et de l’influence étrangères sur la démocratie canadienne ainsi que sur les politiques intérieures et étrangères au Canada. Nous sommes d’ailleurs nombreux à avoir manifesté notre inquiétude à ce sujet. Il ne s’agit pas d’un enjeu partisan, bien au contraire. La vérité, c’est que, si nous ne commençons pas à nous attaquer à ce problème de façon sérieuse, la confiance du public envers les élus, les processus et les institutions du pays s’effritera complètement.

Je sais que nous avons beaucoup entendu parler d’ingérence étrangère lors du récent épisode du « convoi pour la liberté », notamment en matière de financement, mais cela n’a pas été confirmé lors des audiences du comité à l’autre endroit.

Certains ont également exprimé leur inquiétude quant au financement et à l’ingérence par des entités étrangères à l’occasion d’autres manifestations, notamment toutes sortes de barrages illégaux organisés au Canada. Faisons abstraction des programmes politiques des différents groupes militants. Je sais, d’après les gazouillis et les déclarations publiques de bon nombre de mes collègues, que les questions d’ingérence et d’influence étrangères vous préoccupent autant que nous de ce côté-ci de la Chambre. J’espère que cela signifie qu’en plus de vos réflexions toujours approfondies sur tous les projets de loi présentés au Sénat, je peux également compter sur votre soutien pour ce projet de loi précis, qui vise à remédier à un problème qui nous préoccupe tous.

L’ingérence et l’influence étrangères sont réelles, et elles existent bel et bien ici même, au Canada. Elles sont souvent de nature financière, ou encore elles prennent la forme de désinformation; parfois, il s’agit des deux. Dans les cas extrêmes, ceux qui agissent au nom de régimes étrangers intimident et même menacent des Canadiens et d’autres ressortissants en sol canadien, ou menacent leurs proches restés au pays, afin de les réduire au silence ou d’influencer leurs actions, y compris leur vote pendant nos élections. Bien que le Canada dispose déjà de lois permettant de traiter certains aspects de ces actions coercitives, comme le renvoi de personnes par l’Agence des services frontaliers du Canada et les sanctions prévues par la Loi électorale du Canada, nous pouvons et devons faire bien davantage.

De plus, la solution ne réside pas dans l’érosion de nos libertés et de nos processus et institutions démocratiques. La dernière chose que nous devons faire pour lutter contre la désinformation étrangère est, par exemple, de limiter la liberté d’expression. Cela ne signifie pas que nous ne devons pas rejeter la diffusion de propagande étrangère sur nos ondes, comme nous l’avons fait récemment avec RT, un radiodiffuseur russe contrôlé par l’État anciennement connu sous le nom de Russia Today. Cependant, il s’agit là d’une chose très différente de la censure de nos propres citoyens. Nous ne devons pas chercher à imiter les régimes tyranniques contre lesquels nous tentons de nous prémunir en réduisant au silence nos propres citoyens.

C’est pourquoi j’ai été troublé d’apprendre que Mélanie Joly, la ministre des Affaires étrangères, a fait les commentaires suivants lors d’une réunion de comité de la Chambre des communes qui a eu lieu la semaine dernière, où elle a témoigné au sujet de la propagande étrangère :

En tant que ministre des Affaires étrangères, j’ai vraiment pour mandat de contrer la propagande en ligne. Les entreprises de médias sociaux doivent en faire davantage. Elles doivent reconnaître qu’elles relèvent de la compétence des États et qu’elles ne sont pas des plateformes technologiques, mais des productrices de contenu. C’est ainsi que nous pouvons veiller collectivement à renforcer vraiment les démocraties de demain, car cette guerre est menée avec des outils du XXIe siècle, notamment les médias sociaux.

Chers collègues, même si je suis heureux d’entendre le gouvernement exprimer sa préoccupation au sujet de l’ingérence étrangère, je suis moins rassuré par les observations de la ministre Joly. La responsabilité première de tout ministre des Affaires étrangères est de défendre les intérêts nationaux et les valeurs qui sont chères aux Canadiens, notamment la liberté d’expression. Je répète donc : la solution pour combattre l’ingérence étrangère ne consiste pas à censurer nos propres citoyens. La Loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers imposera plutôt une plus grande transparence en exposant ceux qui cherchent à influencer, au nom de régimes étrangers, les politiques, le débat public ou la prise de décisions au Canada.

En identifiant ceux qui agissent dans l’intérêt d’une entité étrangère au lieu de celui du Canada, nous imposons une certaine forme de reddition de comptes tant aux agents étrangers qu’aux fonctionnaires qui les reçoivent. Pourquoi ne devrions-nous pas avoir un tel registre? Les Canadiens ne méritent-ils pas de savoir qui fait du lobbying au nom d’entités étrangères auprès de leurs titulaires de charges publiques?

Cela n’est pas vraiment différent du registre des lobbyistes. La Loi sur le lobbying reconnaît que la liberté d’accès aux institutions de l’État présente un important intérêt public et que le lobbying auprès du titulaire d’une charge publique constitue une activité légitime. Le registre proposé par ce projet de loi n’est pas différent. Il reconnaît que le lobbying par des entités et des particuliers étrangers présente un intérêt public et un avantage pour Canada, et que c’est une activité légitime. Toutefois, la Loi sur le lobbying reconnaît également que les Canadiens et même le titulaire d’une charge publique devraient être en mesure de savoir qui participe à ces activités de lobbying. Il en va de même de ceux qui font du lobbying auprès du titulaire d’une charge publique au nom d’entités étrangères.

Je dirais qu’à lui seul, ce principe justifie l’adoption sans hésitation de ce projet de loi. Chers collègues, la transparence, l’ouverture et la responsabilité publique sont des éléments essentiels du processus démocratique au Canada. Nous ne devons pas abandonner ces principes dans nos efforts visant à lutter contre l’ingérence étrangère dans nos affaires.

C’est ce dont il est question avec ce projet de loi. À ceux d’entre vous qui ne sont pas convaincus de la nécessité d’un tel registre, et à d’autres qui soutiendront que cette mesure législative et un tel registre cibleraient ou visent à cibler une entité particulière ou un groupe de personnes en particulier, permettez-moi de faire valoir d’autres arguments.

La citation suivante provient du site Web du gouvernement du Canada, plus précisément des notes thématiques préparées pour la comparution devant le comité du ministre de la Sécurité publique de l’époque, Bill Blair :

Les menaces à la sécurité nationale du Canada, comme l’ingérence étrangère et l’espionnage, peuvent nuire à divers secteurs de notre société. Elles peuvent ébranler nos processus démocratiques, notre prospérité économique, nos infrastructures essentielles et même les membres de nos collectivités.

On peut y lire aussi ceci :

Depuis des années maintenant, le [Service canadien du renseignement de sécurité] observe des menaces persistantes et complexes parrainées par des États, et il en constate toujours une augmentation de la fréquence et de la complexité.

Cette note, qui se trouve sur le site Web du ministère de la Sécurité publique du Canada, décrit également ainsi la nature de ces activités :

Le Canada a constaté la manipulation d’informations parrainées par des États et utilisées par certains régimes pour remodeler ou saper l’ordre international fondé sur des règles. Ces États manipulent l’information et ont notamment recours à la désinformation pour semer le doute [...] ils discréditent les réponses démocratiques [...] et érodent la confiance dans les valeurs de la démocratie et des droits de la personne.

Il importe de signaler que la désinformation, qui provient de partout dans le monde, peut avoir de graves conséquences, comme menacer la sécurité des Canadiens, éroder la confiance dans nos institutions démocratiques et embrouiller les politiques et avis du gouvernement [...] Les campagnes de désinformation parrainées par des États fournissent un exemple d’ingérence étrangère.

Honorables sénateurs, les dernières citations font en partie référence à notre réponse à la COVID-19, mais l’avertissement du Service canadien du renseignement de sécurité portait aussi sur une menace plus vaste. Afin de contrer l’ingérence étrangère dans les élections fédérales de 2019, le gouvernement a d’ailleurs mis sur pied le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections. Le gouvernement était si préoccupé par l’ingérence étrangère qu’il a créé ce groupe.

Quand vous craignez qu’une telle menace puisse influencer négativement le résultat voulu, il faut que les inquiétudes s’accompagnent d’actions concrètes. Nous avons beaucoup entendu parler des allégations de collusion entre la Russie et Donald Trump — ou en faveur de ce dernier — aux États-Unis, mais le problème de l’ingérence étrangère est bien plus vaste. À mon avis, l’ingérence étrangère par les États autoritaires est liée à un problème systémique plus profond auquel fait face le Canada.

Il suffit de regarder ce qui s’est passé au Canada pendant la dernière campagne électorale fédérale, notamment ce qui est arrivé à l’auteur du projet de loi à l’étude et de son prédécesseur, l’ancien député Kenny Chiu. M. Chiu a perdu son siège à l’élection de 2021 en grande partie à cause d’une campagne de désinformation à propos de son projet de loi, campagne à laquelle était clairement mêlé un pouvoir étranger. Dans un article publié dans Options politiques en janvier, Sze-Fung Lee et Benjamin Fung soulignent que les tactiques employées contre M. Chiu dénotent une ingérence étrangère : « [...] de telles tactiques pourraient être déployées contre n’importe quel groupe dans le cadre d’une campagne de désinformation et de guerre psychologique. » Imaginez un peu : M. Chiu a été victime du phénomène qu’il souhaitait freiner grâce à son projet de loi.

Toujours dans leur article, Mme Lee et M. Fung expliquent davantage ce qu’ils ont découvert et notent que des applications comme WeChat et WhatsApp servent à propager la désinformation dans les communautés de la diaspora. Ils rappellent que, selon certaines recherches, les gens ont tendance à considérer la désinformation comme une information factuelle lorsqu’elle provient d’une source crédible et fiable, et que ce sentiment de « confiance » peut être fondé sur une impression de familiarité. Comme le disent Mme Lee et M. Fung :

La dépendance à l’égard des informations sur Internet entraîne souvent la création d’une « chambre d’écho » qu’exacerbe l’effet de filtre de l’algorithme en ligne. Des fonctionnalités comme « WeChat Moment » de l’application WeChat, largement utilisée par la communauté chinoise et similaire à Facebook et Instagram, permettent aux individus de voir les histoires des autres. Ainsi, la communauté chinoise est prise au piège dans le cercle vicieux de modes renforcés de consommation d’informations.

Les auteurs de l’article soulignent que Pékin a été en mesure de se servir du militantisme prodémocratie et anticommuniste de M. Chiu et de sa critique virulente du bilan atroce de Pékin au chapitre des droits de la personne pour dépeindre l’ancien député et son projet de loi comme radicalement discriminatoires envers les Chinois. Pékin a réussi à faire croire que l’objectif principal du projet de loi consistait à réprimer l’opinion pro-Chine et — ce qui est peut-être encore plus troublant pour beaucoup de membres de la diaspora chinoise — à surveiller les organismes et les particuliers de la communauté ici, au Canada.

Honorables sénateurs, nous ne saurons jamais si cette campagne de désinformation à elle seule est ce qui a coûté à M. Chiu son siège dans la région du Grand Vancouver, mais il est indéniable qu’elle a existé et que, dans une certaine mesure, potentiellement ou réellement, elle a joué un rôle dans la perte de son siège. Il y a lieu de s’inquiéter. Que cette campagne ait été la principale cause de la défaite de M. Chiu ou non, cela ne change rien au fait qu’il faut prendre des mesures pour nous assurer qu’une telle situation ne se reproduira pas, pour M. Chiu ni pour n’importe qui d’autre.

Notre collègue le sénateur Woo s’indignera sans doute autant de ce projet de loi qu’il s’est indigné du projet de loi proposé par M. Chiu. Le sénateur Woo s’est montré très critique de la validité de l’argument de l’ingérence étrangère. Il a soutenu que les attaques envers M. Chiu pouvaient simplement être le résultat d’un débat au sein de la communauté chinoise. Dans son article d’opinion publié dans Policy Options en janvier dernier, notre collègue le sénateur Woo s’inscrit en faux contre l’idée maîtresse du projet de loi de M. Chiu, car « de nombreuses entités chinoises [...] pourraient théoriquement recevoir des directives de l’État chinois » parce qu’elles fonctionnent depuis le territoire d’un État autoritaire. Eh bien oui, sénateur Woo; c’est justement cela le problème. En réalité, dans un système autoritaire, toute entité basée dans un État pourrait potentiellement agir comme un instrument de l’État.

Selon moi, ce n’est pas parce qu’il est plus difficile de faire enquête et de gérer ce problème à cause du réseau d’influence et de contrôle que possède un État totalitaire que nous ne devrions pas prendre des mesures pour nous protéger. Je dirais que, peu importe les difficultés, il est urgent que nous agissions. Cela ne veut pas dire que le projet de loi de M. Chiu ou le mien est une tentative de cibler un groupe de personnes en particulier. Je pense qu’une telle affirmation est très irresponsable et dangereuse de la part de quiconque, et surtout de la part de toute personne qui exerce une charge publique importante.

On trouve un exemple de la campagne de désinformation qui a été menée contre M. Chiu dans une publication sur WeChat laissant entendre que la version précédente de ce projet de loi aurait eu des conséquences extrêmement graves pour les immigrants en provenance de la Chine continentale. On y soutenait — à tort, bien évidemment — que le projet de loi nuirait forcément aux échanges économiques, culturels et technologiques entre le Canada et la Chine. On y a ajouté que c’était parce que le projet de loi ciblait de toute évidence les associations de la Chine continentale. La plus grave des affirmations est probablement celle voulant que ce projet de loi vise à contrôler et surveiller les discours et les comportements en Chine continentale. Honorables sénateurs, cette affirmation est tout simplement insensée et ridicule. Je pense que nous savons tous à quel point cette affirmation est absurde.

Malheureusement, le sénateur Woo a répété sa tentative de légitimer davantage ce faux discours dans son article d’opinion, allant même jusqu’à suggérer que des échanges entre un membre canadien d’un groupe culturel chinois et un sénateur pourraient être consignés dans un registre. Honorables sénateurs, voilà une déformation de l’objectif de ce projet de loi et une déformation de ce que serait un registre dans la pratique.

Ce projet de loi ne cherche pas à cibler ou à isoler la Chine ni la diaspora chinoise au Canada. Loin de là. Il cherche plutôt à comprendre la nature de l’implication étrangère et de l’ingérence potentielle de régimes autoritaires au Canada. Je crois que nous devons prendre les mesures nécessaires pour essayer de mieux cerner les enjeux que de telles entités posent à notre nation. Personne, à commencer par moi, ne suggère que l’ingérence étrangère dans nos institutions, nos politiques et nos processus démocratiques se limite à un seul acteur. Loin de là.

Le régime communiste de la Chine n’est qu’un exemple d’un État qui s’adonne très certainement à de telles pratiques. C’est bien connu et entendu. C’est reconnu et accepté. J’ai également parlé de la Russie. Nous ne pouvons pas avoir observé ce qui s’est produit aux États-Unis, puis affirmer qu’en quelque sorte nous sommes immunisés contre une influence et une ingérence de la sorte.

Juste avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la guerre de l’information a sans conteste joué un rôle clé dans la stratégie de l’État russe. Cette campagne consistait en partie à manipuler et à façonner l’opinion internationale. À cet égard, il est important de comprendre que l’intervention de la Russie en Ukraine a commencé bien avant 2022, et que la campagne de désinformation menée en parallèle par la Russie constitue un élément intégral de la stratégie de l’État russe.

Si nous parlons de la Russie, nous devons parler aussi de l’Iran. Selon une étude réalisée à la Faculté de communication de l’Université Simon Fraser, la Russie et l’Iran sont les pays qui semblent avoir été les plus grands diffuseurs de désinformation au Canada.

Ahmed Al-Rawi, professeur à Simon Fraser, fonde ses constatations sur une analyse des gazouillis diffusés entre 2010 et 2019 qui provenaient, selon Twitter, d’acteurs étatiques russes et iraniens. Le professeur Al-Rawi qualifie la campagne de désinformation de récurrente et de systématique.

Dans un article sur son étude publié l’an dernier dans le Toronto Star, le professeur Al-Rawi dit avoir vu, avant la campagne électorale de 2019, des gazouillis de trolls iraniens rédigés en français qui établissaient faussement un lien entre l’ancien premier ministre Stephen Harper et le groupe État islamique. Il avait aussi vu des trolls russes rapporter faussement que l’homme ayant tué six personnes dans une mosquée à Québec en 2017 était innocent. Puis, toujours selon le même article du Toronto Star, il y a des centaines de mèmes de Justin Trudeau qui sont décrits par l’auteur comme étant sexistes et incluent des images du premier ministre portant un foulard, des images modifiées à l’aide de Photoshop et accompagnées de messages islamophobes.

Le professeur Al-Rawi qualifie cela de « microciblage ». Cette pratique vise à semer la division dans la société canadienne et à mobiliser certains groupes. Dans certains cas, ces gazouillis ont promu certains points de vue sur des événements se produisant à l’extérieur du Canada, y compris l’annexion de la Crimée par la Russie qui remonte aussi loin qu’en 2014. On voit maintenant des campagnes de désinformation semblables sur l’invasion de l’Ukraine.

Honorables sénateurs, cette question n’est pas partisane. C’est quelque chose qui devrait nous préoccuper tous gravement, tant comme parlementaires que comme Canadiens. Cependant, nous ne devons pas seulement nous inquiéter de la désinformation véhiculée. Des membres de diverses diasporas ici, au Canada, ont témoigné de menaces explicites et de tentatives d’intimidation qu’ils ont observées au sein de leur communauté et qui visaient à empêcher les gens de voter, de critiquer un régime ou de faire du militantisme, choses que nous tenons pour acquises dans notre démocratie.

Des Canadiens font souvent l’objet de menaces, non seulement envers leur propre sécurité, mais également envers celle de leurs proches qui se trouvent dans leur pays d’origine afin d’obtenir l’effet escompté. On dit aux militants des droits de la personne que, s’ils continuent de se faire entendre, leurs parents, leur frère ou leur sœur en paieront le prix. Il ne s’agit pas de vaines menaces, chers collègues. Souvent, le message est envoyé ou renforcé au moyen d’un appel téléphonique aux proches qui viennent parfois de recevoir une visite des autorités.

Rukiye Turdush, une militante canadienne d’origine ouïghoure, a expliqué que les services policiers chinois filment les visites aux membres de la famille pour pouvoir les montrer aux proches canadiens.

Les responsables ne se donnent même plus la peine d’agir dans l’ombre. Ils procèdent ouvertement comme nous l’ont montré récemment les menaces contre le directeur général de Hong Kong Watch, Benedict Rogers. Au moyen de la loi draconienne sur la sécurité nationale, les autorités chinoises ont menacé M. Rogers de lui imposer une lourde amende et une peine d’emprisonnement en raison de son militantisme contre le régime communiste et de sa défense de la population de Hong Kong. Si les autorités osent aller aussi loin avec une personnalité très connue, chers collègues, imaginez les tactiques et les menaces qu’elles emploient contre d’autres personnes.

D’autres pays se livrent à des activités semblables. Prenons le cas de Javad Soleimani. Son épouse faisait partie des 85 citoyens et résidents permanents du Canada qui ont été assassinés le 8 janvier 2020 par le Corps des Gardiens de la révolution islamique, ou IRGC, lorsque ce dernier a abattu au hasard et sans la moindre excuse le vol PS752 d’Ukraine International Airlines. Après avoir parlé du meurtre de sa femme et de bien d’autres personnes par l’IRGC, M. Soleimani a commencé à recevoir des messages le menaçant que l’IRGC était au courant de ses déclarations, qu’il pouvait le prendre pour cible où qu’il soit, et qu’il ferait mieux de faire attention. Imaginez-vous être confrontés à ces menaces et à cette intimidation sur le territoire canadien. M. Soleimani a signalé ces incidents à la police, mais il a indiqué que peu de choses avaient été entreprises pour atténuer les peurs grandissantes des Canadiens d’origine iranienne.

À la fin de l’année 2020, M. Soleimani a déclaré dans une conférence de presse :

À une époque, le Canada était le pays le plus sûr où nous puissions vivre, mais aujourd’hui il ne l’est plus.

Pendant la même conférence de presse, La Presse canadienne a raconté l’histoire de Chemi Lhamo, une étudiante de l’Université de Toronto qui a fait un récit poignant du harcèlement qu’elle a subi lorsqu’elle s’est présentée aux élections pour faire partie de l’association étudiante en 2019. Mme Lhamo a dit avoir reçu des milliers de messages, dont des menaces de viol et de meurtre adressées à son endroit ainsi qu’à l’endroit de ses proches. Mme Lhamo a signalé les messages et les occasions où elle a été suivie sur le campus à diverses forces de l’ordre, à savoir le service de protection du campus, le Service de police de Toronto, la Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité. Comme l’a déclaré Mme Lhamo :

Au bout du compte, je n’ai toujours aucun document physique qui me confirme les mesures qui ont été prises ou les renseignements qui ont été obtenus concernant les personnes qui menacent de me tuer en sol canadien.

Honorables sénateurs, cela se produit ici, en territoire canadien, contre des citoyens canadiens, dans nos collectivités, dans nos campus universitaires et dans l’ensemble de nos institutions. Nous devons y remédier.

Chers collègues, je ne prétends pas que ce projet de loi est une panacée. Toutefois, j’estime qu’il pourrait constituer un premier pas important pour mieux répertorier les efforts déployés par des entités étrangères pour influencer nos dirigeants politiques et nos institutions. Il s’inspire de ce qu’a proposé l’ancien député Chiu et incorpore une modification du Code criminel qui renforcerait également notre capacité d’exiger des comptes auprès des personnes qui ne respectent pas nos lois et notre système démocratique.

Ce que ce projet de loi ne fait pas, chers collègues, c’est cibler un groupe de gens ou les nouveaux arrivants canadiens. Les néo‑Canadiens viennent chercher une vie meilleure. Dans bien des cas, ils ont fui l’oppression endémique de leur pays d’origine. Ils veulent tout faire pour empêcher que l’oppression qu’ils ont fuie les rattrape jusqu’ici. Le projet de loi vise donc à garantir que tout le monde au Canada puisse réaliser ses rêves et vivre sans être menacé ou intimidé.

Ce projet de loi a l’appui d’une majorité de Canadiens. Un sondage Nanos Research mené l’année dernière indiquait que 88 % des Canadiens appuient l’adoption d’une loi sur l’enregistrement des agents étrangers visant à lutter contre l’influence étrangère. Les appels pour la création d’un registre des agents étrangers viennent également de différents groupes de la société civile et groupes communautaires, notamment Canada-Hong Kong Link, le Central and Eastern European Council of Canada, Saskatchewan Stands with Hong Kong, le Uyghur Rights Advocacy Project, la Vancouver Society in Support of Democratic Movement et le conseil des Canadiens d’origine iranienne.

Honorables sénateurs, alors que toutes les démocraties de la planète doivent faire face à une menace sans précédent, le Canada doit adopter des mesures législatives fortes semblables à celles adoptée et mise en œuvre par bon nombre de ses alliés démocratiques comme l’Australie et les États-Unis. Ce projet de loi apporte de la transparence et nous donne un outil important pour mieux protéger la démocratie canadienne contre les tentatives potentielles pour la renverser.

Je vous exhorte à appuyer ce projet de loi afin de renforcer et de protéger la démocratie, les institutions et la liberté au Canada. Merci.

L’honorable Frances Lankin [ + ]

Honorables sénateurs, je pense que cet enjeu pourrait susciter la controverse. J’ai beaucoup aimé votre discours, sénateur. Avec le discours de tout à l’heure de la sénatrice Simons, qui braquait lui aussi les projecteurs sur un enjeu précis, nous vivons un moment important au Sénat. J’aimerais vous poser trois questions.

Premièrement, vous avez dit que vous ne considériez pas que le registre était une solution miracle. Pourriez-vous nous expliquer comment le registre fonctionnerait et dans quelle mesure il serait utile? Ce registre reposerait sur la compréhension de la manière d’opérer de ces influences étrangères, que les acteurs ne sont pas toujours faciles à identifier et qu’il pourrait être difficile de trouver un nom aux fins du registre.

Deuxièmement, si votre projet de loi était l’objet de critiques, de quelle nature seraient-elles à votre avis? Comment le projet de loi pourrait-il être amélioré?

Troisièmement, outre adopter ou amender ce projet de loi, quelles autres mesures le Sénat pourrait-il prendre pour attirer l’attention sur cet enjeu? Existe-t-il un projet commun auquel nous devrions collaborer? Je vous remercie.

Le sénateur Housakos [ + ]

Merci, sénatrice Lankin. Le principal objectif de ce projet de loi est simple. Il existe des organisations — parrainées par l’État ou liées à certains de ces régimes tyranniques et autoritaires dans le monde — qui exercent leurs activités au Canada, et bon nombre d’entre elles sont subventionnées directement et indirectement. Elles se font passer pour des institutions intellectuelles ou des centres de recherche, mais bien souvent, elles n’en prennent même pas la peine. Ce sont des sociétés multinationales gérées par l’État qui sont directement affiliées à certains de ces régimes autoritaires. Le registre ne ferait que déclarer qu’à chaque fois que l’une de ces organisations, entités ou sociétés agit pour influencer des représentants du gouvernement — des députés, des sénateurs ou des hauts fonctionnaires — afin d’influencer la politique publique ou d’intimider, directement ou indirectement, des titulaires de charges publiques ou des citoyens canadiens, elle se heurterait à toute la rigueur de la loi.

Évidemment, ce projet de loi modifie également le Code criminel, ajoutant des pénalités financières et des peines d’emprisonnement sévères pour ceux qui sont reconnus coupables d’avoir enfreint la loi à ce chapitre.

Ce projet de loi comporte-t-il des lacunes? Je ne crois pas. Comme nous le savons tous, les lois évoluent dans notre pays. Nous les proposons avec les meilleures intentions qui soient, et je crois qu’il s’agira d’un premier grand pas en avant. Nous gagnerons en vigilance, car le défi numéro un auquel se heurtent toutes les démocraties, notamment le Canada, est la montée de l’autoritarisme dans le monde. Malheureusement, nous avons des preuves que des pays comme la Chine, l’Iran et la Russie sont actuellement très actifs sur notre territoire au sein de diverses institutions et, selon les rapports, nous devons agir.

Bien franchement, je pense qu’il s’agit du premier grand pas en avant. Nous en avons grandement besoin et c’est la bonne chose à faire à ce stade.

L’honorable Peter M. Boehm [ + ]

Le sénateur Housakos accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Housakos [ + ]

Absolument.

Le sénateur Boehm [ + ]

Monsieur le sénateur, merci beaucoup de vos commentaires. Vers la fin de vos commentaires, vous avez dit que les États-Unis et l’Australie avaient une loi qui établissait un registre des agents étrangers.

Dans le cas des États-Unis, elle remonte à 1938. C’était certainement avant Internet, les tracts, les journaux et ce genre de médias. En Australie, la loi a été adoptée en 2018. Elle est donc beaucoup plus récente. La loi australienne comporte des dispositions qui obligeraient tout ancien ministre qui agit au nom d’une entité étrangère à s’enregistrer ou à s’exposer à des sanctions. Dans les deux cas, des sanctions sont prévues dans la loi.

Étant donné que vous avez présenté le projet de loi, je me demande dans quelle mesure vous avez été influencé par ces deux lois étrangères puisque d’autres pays, surtout l’Union européenne à l’heure actuelle, étudient sérieusement des mesures.

Le sénateur Housakos [ + ]

J’ai regardé le modèle australien. Je trouve qu’il est beaucoup plus rigide que ce que nous proposons ici. Encore une fois, je souhaitais m’en tenir aux titulaires de charge publique et aux fonctionnaires. Je suis très conscient qu’il n’est pas convenable de compromettre les renseignements confidentiels des sociétés et d’autres entités au Canada. Il y a toujours une ligne mince. Est-ce quelque chose que nous pouvons examiner? Voulons-nous renforcer la loi au point de tenir les gens responsables après leur départ de la fonction publique? Je ne suis pas contre ces types de suggestions, d’amendements et de modifications au fur et à mesure que nous avançons.

Il est clair que nous avons un problème, selon les rapports que nous avons reçus du Service canadien du renseignement de sécurité, de la Gendarmerie royale du Canada et de nos services de renseignement. Nous sommes actuellement infiltrés jusqu’aux échelons les plus élevés de nos institutions. Je pense donc que l’adoption du projet de loi serait la première étape et que nous devons continuer d’être vigilants. En outre, le projet de loi ne traite pas de l’influence du Web ni des réseaux sociaux, qui est très puissante.

Je pense que le projet de loi est très concret et précis. Il vise les entités affiliées aux régimes totalitaires qui essaient très souvent d’influencer nos institutions publiques et nos sociétés d’État dans divers secteurs.

L’honorable Yuen Pau Woo [ + ]

Merci, sénateur Housakos, d’avoir attiré l’attention du Sénat sur ma lettre d’opinion. J’invite tous les sénateurs à la lire eux-mêmes, plutôt que de se fier à la caricature que vous avez offerte.

Sénateur Housakos, vous avez clairement indiqué que la Chine est un État autoritaire, ce avec quoi je suis tout à fait d’accord. Vous l’avez aussi décrite comme étant « tyrannique ». Je ne suis pas certain que j’irais aussi loin, mais il s’agit certainement d’un État léniniste.

Je pense que vous avez dit qu’en Chine, toutes les entités sont sous le contrôle direct ou indirect de l’État chinois.

Permettez que je pose ma question à l’envers. Pouvez-vous nommer des entités légalement constituées en République populaire de Chine qui ne correspondent pas à la définition d’entités qui sont directement ou indirectement sous le contrôle ou l’influence de l’État chinois, et qui ne seraient donc pas obligées de s’inscrire au registre prévu dans le projet de loi?

Le sénateur Housakos [ + ]

Sénateur Woo, je peux vous dire que votre lettre d’opinion et vos commentaires récents ont attiré suffisamment l’attention sans que j’aie à en rajouter.

Dans ce débat, nos opinions divergent fondamentalement sur le fait que la Chine est un État tyrannique. Il est malheureux qu’un membre de la Chambre haute ne le reconnaisse pas. Nous ne considérons pas que ce qui s’est passé sur la place Tiananmen était un accident. C’était de la tyrannie. Le peuple ouïghour est victime de tyrannie. On le reconnaît partout dans le monde, y compris dans notre propre Parlement, et il est honteux qu’on ne l’ait pas reconnu au Sénat.

Je trouve scandaleux que vous soyez indigné par mes commentaires voulant que l’administration et le régime chinois soient tyranniques.

Le Front uni n’est qu’un exemple d’organisation œuvrant au Canada qui bénéficie d’un financement direct visant à faire respecter les principes de ce régime tyrannique. Des organisations comme Huawei sont financées par l’État. Ce sont des multinationales internationales qui, selon des organismes tels que le SCRS et la GRC, font de l’espionnage ici même au Canada.

Nous avons démasqué ces organisations. Nos services de sécurité disent aux comités parlementaires que nous devons prendre des mesures concrètes en conséquence. Je trouve révoltant qu’un parlementaire remette en question la véracité de cette information et notre position à l’égard d’une démocratie et de la République de Chine.

Le sénateur Woo [ + ]

J’en conclus par votre absence de réponse que, selon vous, toutes les entités légalement constituées en Chine sont assujetties, directement ou indirectement, au contrôle de l’État chinois. Dans ce cas, pouvez-vous me dire pourquoi on ne pourrait pas inscrire au registre une organisation culturelle située en Chine dont l’objectif est de promouvoir les liens culturels avec le Canada, par l’entremise d’un agent en sol canadien, à Toronto ou à Montréal, qui veut s’entretenir avec moi au sujet d’un concert à Calgary ou dans une autre ville? Pourquoi le représentant de cette organisation située en Chine — un État « tyrannique » — et assujettie au contrôle direct ou indirect du Parti communiste chinois ne pourrait-il pas être inscrit au registre et peut-être puni s’il s’entretient avec moi ou avec n’importe quel autre sénateur, y compris — bien entendu — nos collègues qui appuient les arts? Plus tôt aujourd’hui, nous avons justement entendu parler du projet de loi qui vise à accroître la sensibilisation à l’égard de l’importance des arts dans notre pays. Pourquoi une personne qui représente cette organisation culturelle ne pourrait-elle pas être visée par le registre?

Le sénateur Housakos [ + ]

Vous utilisez un exemple extrême, sénateur Woo. Nous ne parlons pas de demander des comptes à des personnes qui font la promotion d’échanges culturels. Je peux vous assurer que la communauté chinoise du Canada n’a pas besoin de l’aide de la République de Chine pour promouvoir la culture chinoise et la culture sino-canadienne. Elle peut très bien le faire elle-même.

Ce n’est pas du tout l’essence de ce projet de loi. L’essence de ce projet de loi est très simple. On pense aux organisations qui sont directement financées par Pékin, qui sont ici pour promouvoir le programme tyrannique du régime auprès de nos organismes gouvernementaux et de nos institutions, surtout dans les secteurs du commerce, des échanges internationaux, de la science, de la technologie et de l’énergie. Voilà quelles sont les organisations qui soulèvent de sérieuses inquiétudes à l’égard de cet enjeu, sénateur Woo.

Il n’est ni juste ni approprié d’essayer de brouiller les cartes et de justifier l’injustifiable.

Le sénateur Woo [ + ]

Je me permets un autre suivi. Votre pseudo‑réponse semble laisser entendre que l’organisation culturelle serait, en fait, visée par le registre, alors que votre discours disait le contraire. On peut supposer que d’autres organisations, comme des associations d’anciens étudiants, des groupes sportifs et des municipalités, placés sous le contrôle direct ou indirect de l’État, devraient aussi figurer au registre si l’un de leurs représentants devait s’entretenir avec un parlementaire ou un haut fonctionnaire.

Dans un contexte où la mesure législative proposée obligerait essentiellement toutes les entités légalement constituées en République populaire de Chine à figurer au registre, ne diriez-vous pas que les auteurs de l’article avaient, en fait, raison pour ce qui est de l’affirmation qu’ils ont faite au sujet de la « désinformation » propagée dans des messages textes et des publications WeChat, selon laquelle un très grand nombre d’entités et de personnes associées avec la Chine seraient ciblées par le projet de loi de M. Kenny Chiu, qui a été rejeté?

Le sénateur Housakos [ + ]

Sénateur Woo, ma réponse sera très claire. Toutes les organisations financées par Pékin qui mènent des activités en sol canadien seront tenues de figurer au registre. C’est une obligation absolue. C’est ce que dit le projet de loi. Je ne suis pas contre cette idée. C’est réellement l’objectif que poursuit le projet de loi. Cela dit, il ne cible pas les organisations culturelles canado-chinoises qui mènent leurs activités au Canada.

C’est exactement là où je veux en venir. Nous ne voulons pas que Pékin et son argent s’infiltrent dans les organisations culturelles canado-chinoises. C’est précisément une partie de la question qui nous occupe et de l’exercice que nous menons. Pékin devrait s’occuper de promouvoir ses propres activités culturelles sur son territoire, comme nous veillons à promouvoir nos propres activités culturelles et multiculturelles au Canada avec les citoyens canadiens. C’est là le véritable objectif du projet de loi. Je ne vois pas pourquoi vous estimez ne pas avoir reçu de réponse à votre question.

Le sénateur Woo [ + ]

Je vais donc la présenter encore plus directement. Selon vous, est-ce que tout Canadien, ayant récemment immigré de Chine ou n’importe qui d’autre, qui représente un établissement ou une entité ou un organisme établi en Chine — une école, une municipalité, un club de badminton, une association de mah-jong, tous légalement approuvés en Chine et vraisemblablement sous le contrôle direct ou indirect de l’État — et qui souhaite s’adresser à un parlementaire ou à un haut fonctionnaire serait visé par le projet de loi? Aux termes du projet de loi de M. Chiu, il le serait. Cette personne serait-elle visée par votre projet de loi et serait-elle tenue de s’inscrire au registre?

Le sénateur Housakos [ + ]

Toute entité liée au régime tyrannique de Pékin serait visée, en effet. La réponse est oui. Je ne m’en cache pas. Tout établissement appartenant à l’État chinois et exploité par l’État chinois au Canada serait visé par le projet de loi, comme il se doit.

Son Honneur la Présidente intérimaire

Sénateur Housakos, je vois d’autres sénateurs se lever. En tant que leader suppléant, votre temps de parole est illimité. Voulez-vous continuer à répondre à des questions?

Le sénateur Housakos [ + ]

Absolument.

L’honorable Victor Oh [ + ]

Merci, sénateur Housakos. Accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Housakos [ + ]

Tout à fait.

Le sénateur Oh [ + ]

Vous avec parlé de l’ancien député Kenny Chiu. Je pense qu’il y a beaucoup de désinformation. J’aimerais corriger cela. Je connais très bien Kenny Chiu. Je me suis rendu à Vancouver pour l’appuyer pendant les élections. Quand il a été élu, j’ai vu qu’il devenait bizarre, qu’il agissait différemment. Il a commencé à se prendre pour le ministre des Affaires étrangères. J’ai dit à Kenny Chiu qu’il devait travailler pour sa communauté, pour les gens de sa circonscription, qu’il avait été élu par les Canadiens et qu’il devait travailler pour les Canadiens, pas aux Affaires étrangères. Je l’ai averti à maintes reprises; notamment, mon stagiaire est allé l’aider et je lui ai dit de transmettre mon message jusqu’à Vancouver.

Je lui ai dit : « maintenant tu prétends que des agents d’influence chinois t’ont saboté. » Je lui ai dit que c’était faux, que Mme Meng Wanzhou avait été arrêtée à Vancouver par le gouvernement et qu’il avait de bonnes chances d’être réélu. Toutefois, il a choisi de procéder autrement et je l’ai averti, mais, au bout du compte, c’était assez. Quel a été le résultat?

Son Honneur la Présidente intérimaire

Sénateur Oh, avez-vous une question pour le sénateur Housakos?

Le sénateur Oh [ + ]

Oui. Sénateur Housakos, avez-vous parlé à Kenny Chiu au sujet de ce qui lui est vraiment arrivé?

Le sénateur Housakos [ + ]

Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire

Sénateur Oh?

Le sénateur Oh [ + ]

Il vous ment. Merci.

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