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Notes de procédure

NUMÉRO 15

LE RÔLE DU SÉNAT DANS LES TRAVAUX DES SUBSIDES

Introduction

Le Parlement et le pouvoir exécutif du gouvernement jouent des rôles distincts en ce qui a trait à la gestion et au contrôle des finances du pays. Le gouvernement gère les recettes de l’État et peut suggérer des manières de dépenser des fonds, mais il ne peut pas dépenser de fonds publics, imposer de nouvelles taxes ou modifier les taux d’imposition sans l’approbation du Parlement.

L’exercice financier du gouvernement fédéral commence le 1er avril et se termine le 31 mars de l’année suivante. Cela signifie qu'à plusieurs reprises au cours d'une année civile donnée, le Parlement peut être amené à traiter du financement du gouvernement pour l'exercice fiscal en cours ou à venir.

L’approbation des crédits[i] et l’examen subséquent de la manière dont ces fonds ont été dépensés font partie des tâches les plus importantes des parlementaires. Au fil du temps, un ensemble de pratiques et de procédures ont été mises en place pour aider les parlementaires à s’acquitter de cette tâche.

Bien que le Sénat joue un rôle à cet égard, c’est la Chambre des communes, en sa qualité de Chambre élue, qui joue un rôle prépondérant dans l’étude des finances publiques (impôts et dépenses) au Parlement[ii].  L’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 spécifie que « tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des communes ». La présente note décrit brièvement le cycle financier et aborde le rôle du Sénat en ce qui concerne l’administration et la surveillance des affaires fiscales[iii].

Le point de départ du processus

Le budget

Le budget énonce les politiques générales du gouvernement en matière fiscale, sociale et économique pour le prochain exercice financier.

Le gouvernement commence à se préparer pour le budget en tenant des consultations et en prenant également en considération les conclusions du Comité permanent des finances de la Chambre des communes, qui tient ses propres consultations. Ces éléments peuvent être incorporés dans le budget, qui est présenté à la Chambre des communes par le ministre des Finances. Le budget est habituellement présenté en février, mais cela peut varier.

Une fois que le discours du budget a été prononcé à la Chambre des communes, le leader du gouvernement au Sénat dépose généralement le budget au Sénat et donne préavis d’une interpellation au sujet du budget, ce qui donne aux sénateurs qui le souhaitent l’occasion de débattre des mesures qu’il contient. 

Les budgets des dépenses

Les budgets des dépenses, qui se distinguent du budget, contiennent les plans de dépenses des ministères pour les programmes existants et les mesures déjà autorisées par la loi.

Dans la période précédant un nouvel exercice financier, les plans de dépenses des ministères sont préparés pour informer les parlementaires des dépenses détaillées prévues par chaque organisme gouvernemental pour l’exercice à venir. Ces plans sont regroupés dans un document consolidé appelé le Budget principal des dépenses[iv]. Le Budget principal des dépenses est présenté à la Chambre des communes par le président du Conseil du Trésor au plus tard le 1er mars et il est généralement déposé au Sénat le même jour ou peu de temps après[v].

Au fil de l’exercice financier, des budgets supplémentaires des dépenses sont préparés si d’autres autorisations de dépenses s’avèrent nécessaires. Ces budgets supplémentaires sont désignés par une lettre (A, B, C, etc.) et sont traités de la même façon que le Budget principal des dépenses. Normalement, le budget supplémentaire des dépenses (A) est déposé au début du mois de mai, le budget supplémentaire des dépenses (B) à la fin novembre et le budget supplémentaire des dépenses (C) en février. 

Les étapes suivantes

L’étude des budgets des dépenses

Une fois qu’un budget des dépenses a été déposé au Sénat, le Comité sénatorial permanent des finances nationales reçoit habituellement un ordre de renvoi du Sénat l’autorisant à examiner, dans le but d’en faire rapport, les dépenses prévues dans ce budget. Au cours des dernières années, le Comité

mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement a été le seul autre comité autorisé par le Sénat à étudier certaines dépenses.

Il convient de souligner que, contrairement à ce qui se produit à la Chambre des communes, les budgets des dépenses comme tels ne sont jamais renvoyés en comité au Sénat et ils ne sont pas adoptés par le Sénat. Ils sont déposés à titre d’information seulement. Cela reflète les rôles différents des deux Chambres en ce qui concerne les finances publiques.

L’étude des budgets des dépenses par le Comité des finances nationales peut en quelque sorte être considérée comme un examen préalable. Les rapports du comité, qui contiennent des observations et des commentaires sur les budgets des dépenses, fournissent des renseignements généraux utiles lors de l’étude par le Sénat des projets de loi de crédits qui suivront l’adoption des budgets des dépenses par la Chambre des communes. 

Les projets de loi de crédits

C’est en adoptant des projets de loi de crédits que le Sénat consent au retrait de fonds publics du Trésor pour payer des dépenses. Ces projets de loi visent un seul exercice financier et sont présentés à la Chambre des communes après l’adoption par celle‑ci du budget des dépenses connexe.

La Chambre des communes suit un calendrier assez précis pour l'examen et la disposition des crédits. Pour en savoir plus sur les procédures financières à la Chambre des communes, voir l’article « Procédure financière » qui se trouve à la section « Notre procédure » du site web de la Chambre des communes.

Une fois qu’un budget des dépenses a été adopté par la Chambre des communes, le projet de loi de crédits qui en découle est immédiatement introduit. Le projet de loi franchit les étapes des trois lectures à la Chambre des communes – souvent au cours d’une même séance – puis, il est transmis au Sénat par voie de message. Le Président lit le message qui accompagne le projet de loi de la manière habituelle, c’est‑à‑dire pendant la période réservée aux affaires courantes si le message a été reçu avant la séance ou à un moment opportun pendant la séance si le message arrive au cours de celle‑ci.

Les projets de loi de crédits suivent le même processus que les autres projets de loi du gouvernement au Sénat – bien que les périodes de préavis puissent être écourtées ou levées avec le consentement du Sénat – à une exception près, à savoir qu’ils ne sont habituellement pas renvoyés à un comité pour y être étudiés. L’examen approfondi des budgets des dépenses effectué par le Comité des finances nationales est donc extrêmement important pour l’étude des crédits par le Sénat. Il est généralement préférable que le rapport sur le budget des dépenses soit déposé avant que le Sénat ne reçoive le projet de loi de

crédits correspondant, ou vers le début de l’étude de ce dernier. Toutefois, tel que noté dans la section suivante, il ne s’agit pas d’une exigence.

Après avoir adopté le projet de loi, le Sénat envoie un message à la Chambre des communes. Le Sénat modifie rarement les projets de loi de crédits[vi] et, s’il le fait, il ne peut que proposer de réduire les montants. 

Précisions sur la procédure

Le Sénat a parfois choisi de varier son approche quant aux projets de loi de crédits et au processus connexe, mais distinct, entourant la production de rapports sur les budgets des dépenses par le Comité des finances nationales[vii].

Le 16 décembre 2011, le Président a fourni aux sénateurs des conseils et des précisions sur les exigences procédurales relatives à l’étude des budgets des dépenses et des projets de loi de crédits qui en découlent. Dans sa décision, le Président a souligné le rôle fondamental de la Chambre des communes en la matière. Il a également insisté sur le fait que l’introduction et l’adoption des projets de loi de crédits ne dépendent aucunement de l’examen des budgets des dépenses effectué par le Sénat. Sa décision se terminait par le paragraphe suivant, qui résume les exigences réelles :

Pour conclure, même s’il peut s’avérer utile d’étudier ou d’adopter le rapport du Comité des finances nationales sur le budget des dépenses, ni le Règlement ni la pratique n’exige que le rapport ait été reçu ou adopté avant que le Sénat étudie un projet de loi de crédits portant sur les dépenses prévues dans ce budget. Le Sénat peut adopter ce projet de loi sans un tel rapport. … pour qu’un ordre précis soit obligatoirement respecté aux fins des travaux, il faudrait modifier le Règlement du Sénat afin qu’une telle exigence y figure clairement[viii]

Dispositions particulières concernant les crédits

Le Règlement du Sénat précise qu’une recommandation royale[ix] doit accompagner un projet de loi de crédits avant que le Sénat puisse procéder à l’étude de celui‑ci, et que le projet de loi ne peut pas être modifié « par adjonction d’un article qui est étranger à l’objet de ce projet de loi[x] ». Il n'y a pas de cas connu d'invocation de cet article. 

La sanction royale

Pour qu’un projet de loi adopté par le Sénat et la Chambre des communes devienne loi, il doit recevoir la sanction royale. La même règle vaut pour les projets de loi de crédits. Ces derniers reçoivent la sanction royale après tous les autres projets de loi qui figurent sur la liste des projets de loi en attente de la sanction royale ce jour‑là. Les projets de loi de crédits sont présentés par le Président de la Chambre des communes (lorsque la sanction royale est octroyée dans le cadre d’une cérémonie traditionnelle) ou par l’un des greffiers de la Chambre des communes (lorsque la sanction royale est octroyée par le biais d’une déclaration écrite), et non par l’un des greffiers au Bureau du Sénat comme c’est le cas pour les autres projets de loi[xi]

Les crédits et l’exécution du budget : une distinction importante à établir

Alors qu’un projet de loi de crédits traite des dépenses requises pour le bon fonctionnement du gouvernement et affecte des fonds aux structures, programmes et services existants, un projet de loi d’exécution du budget, quant à lui, crée ou modifie les structures, les programmes, les services et d’autres mesures annoncées dans le budget. Un projet de loi de crédits et un projet de loi d’exécution du budget sont donc fort différents : en somme, le premier finance les programmes existants et le second établit ou modifie des programmes.

Puisqu’un projet de loi d’exécution du budget nécessite une recommandation royale, il doit être introduit à la Chambre des communes[xii]. Lorsqu’un projet de loi d’exécution du budget arrive au Sénat, il franchit toutes les étapes du processus législatif, y compris le renvoi à un comité.


Pour des informations supplémentaires sur les travaux des subsides
La procédure du Sénat en pratique (chapitre 7)

Pour des informations supplémentaires sur d’autres points abordés dans cette note
Note de procédure du Sénat no 5, Le processus législatif
Note de procédure du Sénat no 6, La sanction royale
Note de procédure du Sénat no 9, Le Président du Sénat
Note de procédure du Sénat no 14, Le consentement du Sénat


Références

[i] Les projets de loi de crédits autorisent le retrait de fonds publics du Trésor, conformément au budget des dépenses, pour financer les activités du gouvernement. L’article 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques définit le terme « crédit » comme une « autorisation donnée par le Parlement d’effectuer des paiements sur le Trésor », et le terme « Trésor » comme le « total des fonds publics en dépôt au crédit du receveur général ».

[ii] Il est arrivé que le rôle du Sénat en matière de finances fasse l’objet de désaccords entre les deux Chambres. Le 15 mai 1918, le Comité spécial chargé de déterminer les droits que possède le Sénat en matière de lois de finances a présenté au Sénat un rapport (souvent appelé le « rapport Ross ») qui a été adopté par la suite. L’une des principales conclusions de ce rapport était que le Sénat avait le pouvoir de modifier les projets de loi portant affectation de crédits ou prélevant un impôt en réduisant les sommes inscrites, mais qu’il ne pouvait accroître ces sommes. Les conclusions du rapport Ross sont encore invoquées aujourd’hui. Voir la décision du Président, Journaux du Sénat, 29 novembre 2016.

[iii] Voir La Procédure du Sénat en pratique, juin 2015, p. 152-158 et p. 188. Pour en savoir plus sur le cycle parlementaire et sur les procédures financières qui y sont associées, voir La procédure et les usages de la Chambre des communes, 3e éd. (2017), chap. 18, et la publication no 2015‑41‑F (révisée le 24 septembre 2021) de la Bibliothèque du Parlement intitulée Le cycle financier parlementaire. Voir aussi le chapitre 10 du Règlement de la Chambre des communes.

[iv] Pour obtenir des renseignements sur le contenu du Budget principal des dépenses, voir La procédure et les usages de la Chambre des communes, 3e éd. (2017), p. 864-865.

[v] Le document est déposé par le leader ou le leader adjoint du gouvernement, conformément à l’article 14‑1(1) du Règlement.

[vi] En 1989, le Sénat a proposé un amendement au projet de loi C‑14, Loi de crédits no 1 de 1989‑1990. Toutefois, devant le rejet de l’amendement par la Chambre des communes, le Sénat n’a pas insisté et le projet de loi sans amendement a reçu la sanction royale (Journaux du Sénat, 11 mai 1989, p. 92-93; 17 mai 1989, p. 107-108).

[vii] Voir, par exemple, le projet de loi C‑9, Loi de crédits no 2 pour 2011‑2012, qui a été adopté avant que le rapport correspondant ne soit présenté au Sénat (Journaux du Sénat, 26 juin 2011, p. 157). Les sénateurs ont également voté sur les projets de loi C‑49, Loi de crédits no 4 pour 2006‑2007, et C‑50, Loi de crédits no 1 pour 2007‑2008, à l’étape de la deuxième lecture, et ce, avant que les rapports correspondants n’aient été adoptés (Journaux du Sénat, 27 mars 2007, p. 1212-1213). Cette situation s’est aussi présentée à quelques reprises par le passé. Par exemple, au cours des exercices 1995‑1996, 1996‑1997 et 1997‑1998, le Sénat n’a adopté aucun rapport du comité portant sur les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses. Auparavant, le Sénat avait adopté plusieurs projets de loi de crédits provisoires sans avoir adopté de rapport du Comité des finances nationales sur les dépenses connexes prévues dans le Budget des dépenses.

[viii] Décision du Président, Journaux du Sénat, 16 décembre 2011, p. 796.

[ix] La recommandation royale est un « message du Gouverneur général autorisant l’étude d’un projet de loi proposant la dépense de fonds publics. La recommandation royale peut être donnée uniquement par un ministre et seulement à la Chambre des communes. Cette exigence trouve son fondement à l’article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867 » (annexe I du Règlement du Sénat). Pour obtenir de plus amples renseignements sur la recommandation royale en lien avec le Sénat, consulter La procédure du Sénat en pratique, juin 2015, p. 153-155. En outre, le 13 février 1990, le Comité des finances nationales a présenté au Sénat un rapport sur la forme et l’utilisation des recommandations royales (voir Journaux du Sénat, p. 563).

[x] Articles 10-7 et 10-8 du Règlement du Sénat.

[xi] Voir La procédure du Sénat en pratique, juin 2015, p. 50-53.

[xii] Voir La procédure du Sénat en pratique, juin 2015, p. 157-158 au sujet des projets de loi d’exécution du budget. 


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