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Règlement, procédure et droits du Parlement

Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat--Report du vote

7 mai 2024


L’honorable Scott Tannas [ + ]

Honorables sénateurs, d’abord, j’aimerais remercier le sénateur Quinn d’avoir défendu son amendement jusqu’au bout. Je m’y suis opposé.

C’est drôle. Le sénateur Plett est le seul leader au Sénat qui finit toujours par avoir raison au sein de son groupe. Toutefois, j’ai présenté mes arguments parce que j’y croyais. Je croyais que le seul moyen pour nous de voter sur cette question précise serait que l’initiative vienne du gouvernement. Il y aurait toujours quelques motions comme celle du sénateur Woo et la mienne qui traînent au Feuilleton. Il y aurait un rapport du Comité du Règlement qui demeurerait un article inactif au Feuilleton.

La première réunion sur la réforme du Sénat a eu lieu à la suite du sondage effectué par les sénateurs Massicotte et Greene il y a neuf ans. Un certain nombre de libéraux et de conservateurs étaient présents. Les libéraux étaient légèrement plus nombreux, mais c’était correct. Nous nous sommes réunis en octobre, le mois où ont eu lieu les élections, et avons tenu une discussion d’un jour et demi qui m’a semblé formidable sur ce qu’il fallait faire pour réformer le Sénat.

Cette rencontre reposait sur de nombreuses informations, notamment le renvoi à la Cour suprême portant sur nombre de souhaits du premier ministre Harper au sujet de la réforme du Sénat, qui ont essentiellement été réduits à néant, et sur l’impression de plus en plus répandue chez les libéraux et les conservateurs que le modèle traditionnel était indéfendable. La population avait indiqué très clairement ce qu’elle pensait du fonctionnement du Sénat et elle avait souligné que nous étions complaisants de croire que ce que nous faisions était très bien.

Ce n’était pas très bien. Nous étions nombreux à savoir que ce n’était pas très bien. C’est ce qui a mené aux premier et deuxième rapports du Comité sur la modernisation. Les tentatives visant à changer les règles ont fait l’objet d’obstruction à chaque occasion.

La motion apporte un certain degré — bien que modeste — d’équité et de reconnaissance de la réalité du Sénat tel qu’il est composé aujourd’hui.

Comme vous le savez, les changements au Règlement prévus dans la motion no 165 ont été proposés et étudiés pendant des années. Je suis la preuve vivante que c’est bel et bien le cas.

La motion n’enlève rien à l’opposition, qu’il s’agisse de ses outils ou de ceux du gouvernement. Elle ne fait qu’uniformiser les règles du jeu dans une réalité qui compte plusieurs groupes : partisans, indépendants, non partisans, peu importe le nom qu’on leur donne. Je pense aux nombreux groupes au Sénat au-delà des libéraux et des conservateurs.

J’abhorre la fixation de délai, mais en l’occurrence, j’ai cru qu’il s’agissait de la seule solution possible après neuf ans de discussions et que nous allions aller de l’avant et établir un ensemble de règles reflétant la réalité telle qu’elle est aujourd’hui et telle qu’elle sera pendant de nombreuses années encore.

On n’a presque pas eu recours à la fixation de délai pendant l’ère Trudeau, et le mérite revient à l’opposition. Il revient aussi au sénateur Harder, et ensuite au sénateur Gold. Même pendant les années de majorité, lorsque c’est l’opposition qui était majoritaire au Sénat, il y a eu des négociations de bonne foi et tous les projets de loi du gouvernement ont été adoptés. Ils n’ont peut-être pas tous été adoptés aussi rapidement que le gouvernement l’aurait souhaité, mais ils ont été adoptés. Nous les avons examinés avec attention. Nous les avons examinés comme il le fallait.

J’aimerais prendre un instant pour parler de l’opposition. On m’a déjà dit, et je crois que c’est vrai, que la pire des journées dans le gouvernement reste de loin supérieure à la meilleure des journées dans l’opposition. C’est un travail difficile. C’est un travail nécessaire et important dans cette Chambre. Je pense que c’est une erreur de prétendre que nous pourrions nous entendre, être efficaces et respecter les souhaits des Canadiens sans une opposition fonctionnelle qui arriverait ici tous les matins en essayant de trouver des moyens de critiquer les mesures que le gouvernement veut nous faire accepter.

Lorsque je suis arrivé ici en 2013, j’ai vu l’opposition précédente vers la fin de son mandat. Elle y était depuis à peu près aussi longtemps que l’opposition actuelle. Les sénateurs qui en faisaient partie étaient découragés. Ils étaient hostiles. Ils faisaient de l’obstruction. Ils en avaient assez de faire ce travail, mais ils étaient unis dans l’espoir d’un avenir de plus en plus prometteur. Je reconnais ces mêmes qualités chez nos collègues ici.

Lorsque je suis arrivé ici, les sénateurs de l’opposition libérale, malgré tout cela, faisaient leur travail. Ils le faisaient avec dignité et passion et ils servaient bien le Sénat et les Canadiens. Je tiens à témoigner maintenant tout mon respect pour mes collègues. Ils font exactement ce qu’ils doivent faire et de la façon dont ils doivent le faire. Je n’aime pas toujours cela, mais je ne voudrais absolument pas être dans une situation où je n’entendrais pas de critiques. Quand on se lève, qu’on se bat et qu’on perd tous les jours pendant sept ans, on gagne peut-être le droit de critiquer.

Je reviens à la motion.

Les conservateurs allèguent que cette motion nuirait à l’opposition et aiderait le gouvernement, sauf qu’ils nous ont avisés qu’elle allait aider le gouvernement et nuire à l’opposition lorsqu’ils se retrouveront de l’autre côté de l’allée. Très bien.

Selon un argument qui circule en ce moment, la motion est un complot visant à créer une opposition à plusieurs volets afin d’empêcher qu’on abroge des lois. Voici ce que j’ai lu aujourd’hui dans un courriel de collecte de fonds en provenance de l’Alberta : Cela va commencer quand le gouvernement Poilievre voudra rejeter le projet de loi C-69; ce stratagème sera alors dévoilé, puis nous allons tous travailler avec diligence pour empêcher le rejet du projet de loi C-69.

J’ai bien plus confiance au Sénat, aux gens ici, que cela. Je pense que la plupart d’entre nous ici partagent ce même sentiment. Je crois que nous allons continuer de remplir notre mandat.

Certaines données probantes jouent en notre faveur. Tous les projets de loi du gouvernement ont été examinés ici sans être rejetés. Seulement deux motions de clôture ont été utilisées. Nous avons maintenant la troisième motion de clôture des neuf dernières années, et c’est au sujet d’une motion. Toutefois, nous avons aussi proposé des amendements pour 25 % de tous les projets de loi du gouvernement qui nous ont été soumis.

Comment se comparent les 10 dernières années à celles qui ont précédé 2015 et le soi-disant Sénat indépendant?

De 2005 à 2015, 7 % des projets de loi du gouvernement ont été amendés et on a imposé la clôture 28 fois, dont six fois sur des motions. La sénatrice Martin a indiqué qu’il n’y avait pas eu de motion. En fait, il y a eu six motions de clôture sur des motions.

Je suis d’accord avec ce que le sénateur Plett a cité d’un article paru dans le Globe and Mail, à savoir que le véritable test du Sénat indépendant est encore à venir. Je suis d’accord. Par contre, avec un mélange de groupes partisans et de groupes indépendants non partisans — appelez-les comme vous voudrez —, ce qui ne se limite pas aux seuls groupes du gouvernement et de l’opposition, je pense que nous continuerons à être efficaces, à servir les Canadiens et à respecter le mandat que la majorité des Canadiens auront donné à la Chambre dûment élue.

Compte tenu de l’efficacité dont nous avons fait preuve jusqu’à présent et de l’efficacité dont, je crois, nous ferons preuve dans le futur, je suis persuadé que nous continuerons à servir les Canadiens même si c’est un gouvernement d’une allégeance différente qui nous envoie des mesures législatives.

Alors, adoptons cette motion et passons à autre chose. Merci.

L’honorable Chantal Petitclerc [ + ]

Honorables sénateurs, je veux intervenir brièvement dans le cadre de l’important débat en cours.

Le moment est venu de procéder aux modifications proposées, qui sont nécessaires. Ce que nous avons devant nous est l’aboutissement des idées, des réflexions et des efforts considérables qui ont été déployés au cours des dernières années. Je parcours l’assemblée des yeux, remplie de gratitude pour le travail des sénateurs Greene, Massicotte, Sinclair, Dalphond, Tannas et Woo.

Je remercie également la sénatrice Bellemare, qui préside le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, et tous les membres de ce comité, qui, en sept réunions et pendant neuf heures, ont étudié et nous ont présenté, dans leur cinquième rapport, plusieurs des changements sur l’équité entre les groupes que le sénateur Gold a inclus dans la motion no 165.

Je tiens aussi à reconnaître l’engagement du sénateur Gold à faire refléter dans notre Règlement la transition en cours d’une Chambre bipolaire à une Chambre multipolaire. Nous étudions maintenant cette proposition qui est, en fait, la somme de notre travail collectif, étendu sur plusieurs années.

La motion va-t-elle assez loin? Assez loin pour le moment, selon moi. Fondamentalement, je reste d’accord sur l’essentiel de la motion.

Nous avons entendu un certain nombre d’arguments jusqu’à présent et, comme beaucoup d’entre vous, chers collègues, j’y ai réfléchi pour me préparer à la séance de ce soir. On nous a dit que c’était trop rapide, qu’on l’imposait aux sénateurs et que c’est sans précédent. Ce n’est pas le cas. On a affirmé que la motion empêcherait l’opposition de faire son travail. Ce n’est pas le cas. On a déclaré qu’elle trahit les traditions du système de Westminster. Ce n’est pas le cas.

Nous voici donc devant cette motion, que j’appuie.

Ce n’est pas la première fois que nous apportons des changements à notre Règlement ni la dernière.

En prévision du présent discours, on m’a fait prendre connaissance de nombreux débats qui ont précédé l’adoption de modifications substantielles au Règlement. Les modifications apportées au Règlement du Sénat en 1991 ont attiré mon attention et je crois qu’elles mettent en perspective la question qui nous occupe.

Je ne reviendrai pas longuement sur les propos éloquents du sénateur Dalphond, qui nous a rappelé effectivement que les changements substantiels de 1991 ont non seulement fait l’objet d’un vote de 40 voix pour et 30 voix contre, mais aussi que le rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement qui a été adopté n’a pas été unanime. Il faut se rappeler qu’il avait été rédigé en l’absence des sénateurs libéraux, qui avaient boycotté tous les travaux du comité sur ces amendements.

Chers collègues, si vous prenez le temps de lire les Débats du Sénat du 11 au 18 juin 1991, je pense que vous constaterez, vous aussi, qu’ils illustrent clairement à quel point le processus de 1991 est loin d’être comparable au travail qui a précédé la présentation de la motion dont nous sommes saisis, qui est la somme de plusieurs interventions et initiatives. Il a fallu procéder étape par étape pour en arriver là où nous sommes.

Bien sûr, nous pouvons aspirer à un consensus, mais — soyons honnêtes — c’est rarement possible au sein d’un groupe de cette taille et de cette nature. Ce que nous voyons dans le rapport du Comité du Règlement, c’est une forte majorité qui appuie les changements qui nous sont présentés, et c’est cela qui compte. En outre, certains collègues du Comité du Règlement ont choisi de travailler par consensus, seulement pour se rendre compte à la fin de l’étude que ce n’était peut-être pas la meilleure solution.

Permettez-moi de revenir sur les propos suivants tenus par la sénatrice Ringuette le 7 février 2023 :

Je suis vraiment déçue. En rétrospective, je n’aurais pas accepté de fonctionner par consensus.

[Le comité] avait le mandat de faire progresser l’équité entre les partis et les groupes. Nous n’avons pas atteint cet objectif [...] Si nous ne nous étions pas engagés au consensus, nous l’aurions atteint. Certains collègues doivent garder ce fait à l’esprit.

Je suis d’avis qu’au moment d’entamer leur important travail concernant les sénateurs non affiliés, les honorables membres du Comité du Règlement devraient prendre le temps d’exprimer clairement ce qu’ils veulent, et ce qu’ils entendent par consensus. Certes, la définition doit correspondre à plus qu’une simple majorité, mais pas à l’unanimité.

Nous avons aussi entendu dans cette Chambre que l’équité entre les partis et les groupes reconnus risque de diluer l’opposition partisane et, par conséquent, de l’empêcher de jouer pleinement son rôle. Cette affirmation ne m’a pas convaincue.

Il est clair pour moi que cette motion ne limiterait pas l’opposition partisane à faire ce qu’elle fait déjà d’ailleurs très bien ou voudrait faire à l’avenir.

Le 10 avril 2019, au moment de son intervention sur le treizième rapport du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, le sénateur Greene, à qui nous devons rendre hommage pour sa persévérance à faire bouger les lignes, a tenu ces propos qui justifiaient parfaitement la pertinence de cette motion sur l’équité, et je le cite :

L’afflux de sénateurs non affiliés montre que l’opposition peut venir de n’importe où. Jadis, nous étions une Chambre bipolaire. Aujourd’hui, nous sommes une Chambre multipolaire. Le résultat est que le Sénat est devenu plus pertinent. Nous apportons plus d’amendements aux projets de loi, et les appels à l’abolition du Sénat se sont estompés. Cela dit, il nous faut un ensemble de règles qui reconnaît notre nature multipolaire et qui encourage l’opposition provenant de n’importe quelle banquette à l’égard de tout projet de loi.

Bien sûr, être sénateur ou être sénatrice, c’est aussi demander des comptes au gouvernement, le talonner, examiner ses décisions et remettre ses actions en question. Cela fait partie de nos responsabilités et je considère que plusieurs d’entre nous, dans tous les coins de cette Chambre, exercent ce privilège avec un grand sens des responsabilités.

Comme nous le savons, le Sénat est un compromis historique qui n’a pas été conçu par les Pères de la Confédération pour être une réplique de la Chambre des communes, lieu par excellence de la compétition partisane. En raison de sa répartition originelle et du mode de sélection sans élection de ses membres, le Sénat n’a pas été conçu à l’origine pour être un environnement partisan. La Cour suprême a souligné ce principe dans sa décision de 2014 sur la réforme du Sénat.

Dans un discours prononcé lors des débats sur la Confédération de la Province unie du Canada en 1865, Sir John A. Macdonald, alors membre de l’Assemblée législative et procureur général du Canada-Ouest, a dit à propos de l’avenir du Sénat que :

La Chambre haute serait inutile si elle n’exerçait pas, quand elle le juge bon, le droit de s’opposer, de modifier ou de retarder un projet de loi de la Chambre basse.

Chacun d’entre nous, à sa manière, avec son style et conformément à ses objectifs, partage cette même compréhension des raisons qui justifient notre présence ici. Plusieurs observateurs s’entendent d’ailleurs pour dire de plus en plus souvent que nous nous acquittons très bien de ces responsabilités.

Il y a quelques semaines, Nelson Wiseman, professeur émérite de sciences politiques à l’Université de Toronto, a déclaré à CTV News que :

[...] le Sénat ne s’est jamais montré aussi utile [...] au cours des 90 ou 100 dernières années, et c’est parce que les sénateurs agissent de manière plus indépendante.

Chers collègues, je respecte l’objectif de cette motion, qui est de ne rien enlever à l’opposition. Je dirai cependant que j’étais personnellement très à l’aise avec les propositions des sénateurs Woo et Tannas, qui consistaient notamment à accorder un même temps de parole de 45 minutes à tous les leaders et facilitateurs. Or, on nous propose autre chose. J’ai pris note des arguments soutenant cette proposition et je m’en accommode. Je m’interroge aussi quelque peu sur le choix d’accorder le statut de membres d’office aux autres leaders et facilitateurs sans droit de vote. Cela pourrait mener à des situations où un leader ou un facilitateur ou une facilitatrice déposerait une motion, mais ne pourrait pas voter sur sa propre motion. Il me semble qu’il y a là un manque de cohérence. Je m’en accommode aussi dans l’esprit de cette motion qui, comme on l’a vu et comme on l’a démontré, n’enlève rien à l’opposition.

Cela m’amène à mon dernier point, à savoir si le principe d’équité recherché par la plupart des sénateurs compromettrait notre engagement envers le système parlementaire de Westminster.

Le 12e rapport du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, qui porte sur ce sujet, apporte bien des éclaircissements sur le caractère diversifié et très souple du système de Westminster. Selon le professeur Philippe Lagassé, qui est décrit dans le rapport comme un spécialiste de la démocratie parlementaire, le système de Westminster n’est pas un système fixe et immuable, mais plutôt un ensemble de principes : « Vous avez la liberté de renoncer à cela si vous le voulez tout en ayant un système de Westminster. »

Le professeur David Docherty est encore plus précis lorsqu’il dit :

[on] n’a pas reconnu la souplesse ni l’adaptabilité du système parlementaire de Westminster. À plus petite échelle, nous avons deux gouvernements inspirés du modèle de Westminster au Canada dans deux des territoires, et ils n’ont pas de partis. Les gens sont élus comme indépendants et ils votent pour ceux qui feront partie du Cabinet, et cela semble bien fonctionner.

L’exemple du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest mentionné par le professeur Docherty montre que le mode de confrontation lié au système de Westminster n’est pas toujours partisan.

Honorables collègues, je suis ici depuis huit ans et demi et, pendant cette période, je ne suis certainement pas devenue une experte du système de Westminster, et je ne prétendrai pas en être une. Cependant, j’ai assez lu et entendu pour me rendre compte de certaines choses. En ce qui concerne le système de Westminster, trois personnes qui ont le même niveau d’expertise, de compétence et de connaissances peuvent arriver à trois conclusions différentes, toutes avec le même niveau de confiance. Mon humble conclusion? Il y a plusieurs modèles dans le système de Westminster. Il est souple, évolutif et multidimensionnel.

Il y a également lieu de noter qu’il n’a pas toujours existé de symétrie ou de concordance entre l’opposition officielle de Sa Majesté et l’opposition au Sénat. Le Bloc québécois et le NPD, qui n’ont jamais eu de sénateurs, ont déjà occupé ce rôle d’opposition officielle à la Chambre des communes. Dans une décision rendue le 21 février 2001, le Président Hays a déclaré que notre système parlementaire a continué de fonctionner même si le Sénat avait une opposition différente de l’opposition officielle à la Chambre des communes, parce que ce sont des organes indépendants et autonomes exerçant des rôles complémentaires.

Avant de conclure, permettez-moi de soulever un dernier point. D’autres l’ont dit et je suis d’accord : c’est un fait indiscutable que tous les sénateurs dans cette Chambre ne sont pas traités de la même manière. Il nous faudra, à ce titre, continuer d’œuvrer pour assurer une plus grande équité envers nos collègues non affiliés, car c’est également cela, un Sénat indépendant. Choisir d’appartenir à un groupe, ou pas, ne devrait pas limiter la capacité d’un sénateur à exercer ses responsabilités.

Par souci d’équité, nous, les sénateurs qui n’avons pas de programme politique à proposer ou à promouvoir dans cette enceinte, sommes en droit d’exiger plus d’espace et d’outils pour nous acquitter correctement de nos responsabilités.

Seul l’avenir nous dira s’il est possible de parvenir à un Sénat totalement non partisan, mais, pour l’instant, ce qui est en notre pouvoir, c’est de travailler en vue d’une cohabitation équitable entre ceux qui appartiennent fièrement à un parti politique, comme c’est leur droit, ceux qui choisissent de représenter le gouvernement en place, et ceux d’entre nous qui n’ont aucune affiliation politique, car ils sont non partisans. C’est ce qu’on nous demande de faire en votant sur cette motion — rien de plus, rien de moins. Merci. Meegwetch.

Honorables sénateurs, j’ai écouté le débat sur la motion no 165, et certaines affirmations qui ont été faites concernant les modifications au Règlement du Sénat qui sont proposées me laissent vraiment perplexe. Permettez-moi de m’attarder sur trois questions que je me pose.

Premièrement, est-il raisonnable de prétendre que ces modifications au Règlement sont « imposées » avec « précipitation » et « contrainte » alors qu’on en discute depuis près de neuf ans? Je cite la vice-présidente du Comité du Règlement, la sénatrice Batters :

[Ces] modifications au Règlement [...] avaient déjà fait l’objet d’une tentative d’adoption forcée [...]

Aujourd’hui, 18 mois plus tard, le gouvernement Trudeau présente une motion omnibus draconienne au Sénat.

Chers collègues, nous sommes la Chambre du second examen objectif. Par conséquent, les choses avancent généralement très lentement ici, mais les discussions et les débats sur ces modifications au Règlement durent depuis près de neuf ans. Je pense que nous avons enfin atteint le point où nous pouvons arrêter le « second examen objectif » de ces modifications, puis prendre une décision. Comme le dirait Yogi Berra : « Quand tu arrives à l’embranchement d’une route, prends-la. »

J’étais membre du Groupe des sénateurs indépendants quand on m’a demandé de me joindre au Comité du Règlement. Je n’ai tenu qu’une seule réunion. Je félicite sincèrement mes collègues qui siègent à ce comité. Au cours de la réunion de deux heures à laquelle j’ai assisté, les membres ont surtout cherché à déterminer si le greffier devrait lire chaque article au Feuilleton lors de chaque séance du Sénat. Les personnes en faveur de ce changement ont fait remarquer que la réunion préparatoire a lieu chaque jour quelques heures avant la séance, et que si personne au Sénat ne veut prendre la parole — ce qui est généralement le cas pour 90 % des articles —, pourquoi faudrait-il lire tous les articles?

Pour la poignée de personnes qui regardent peut-être cette discussion chez elles, notre « réunion préparatoire » porte simplement sur l’ordre du jour. Pour être clair, chaque fois que nous nous réunissons dans cette enceinte, on propose la tenue d’un débat sur tous les articles, et ce, même si aucun sénateur n’a l’intention de prendre la parole.

Examinons les résultats de ce changement prétendument radical. Si tous les articles à l’ordre du jour ne sont pas lus à chaque séance, un sénateur qui souhaite intervenir sur un article qui ne figure pas sur le plumitif n’aurait qu’à se lever à la fin du débat sur l’article précédent et à demander à Son Honneur s’il peut prendre la parole pour débattre de l’article de son choix. Pourtant, changer cette tradition désuète a été jugé très inapproprié, voire contraire à notre privilège parlementaire. Par conséquent, cette pratique, qui diminue la productivité, subsistera même quand les modifications proposées au Règlement seront mises en œuvre.

Ainsi, honorables sénateurs, vous pouvez être sûrs que le mot « reporté » continuera d’être répété à d’innombrables reprises à chaque séance uniquement pour que les choses ne changent pas trop vite au Sénat.

Pour en revenir à mon point, non, je ne pense pas que ces modifications soient « imposées » avec « précipitation » et « contrainte » au Sénat. Les modifications qui reflètent la nouvelle réalité du Sénat sont discutées depuis près de neuf ans.

Ensuite, ces modifications au Règlement créées par le Sénat et proposées depuis longtemps nous sont-elles imposées par le premier ministre Trudeau? Je vais citer le sénateur Plett, qui a déclaré ceci la semaine dernière : « Justin Trudeau veut ces changements et ce que Justin Trudeau veut, ses sénateurs doivent l’obtenir. »

L’affirmation du sénateur Plett est contraire au fait que le travail qui a mené à l’élaboration finale des modifications proposées au Règlement a commencé à la fin de 2015 avec la création du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, comme on nous l’a rappelé plus tôt.

Ce comité était dominé par une majorité de membres nommés par le premier ministre conservateur Stephen Harper. Il s’agissait notamment du sénateur Greene, qui était président du comité, ainsi que des sénateurs Brazeau, Frum, McInnis, Maltais, Mockler, Stewart Olsen, Verner et Wells.

Le sénateur Greene a déposé avec enthousiasme le rapport final du comité le 10 avril 2019, soit il y a plus de quatre ans. Je ne sais pas combien d’entre vous se souviennent avoir été ici, mais il a fait un excellent travail. La modernisation du Règlement du Sénat a ensuite été attribuée au Comité du Règlement. C’était il y a quatre ans. Il est absurde de laisser entendre que c’est le premier ministre Trudeau qui impose au Sénat ces modifications à son Règlement alors que la modernisation du Règlement du Sénat est en fait l’idée d’un Sénat dominé par les conservateurs et que le travail a été réalisé par un comité dominé par les conservateurs.

Par conséquent, outre le travail du Comité sur la modernisation du Sénat dominé par les conservateurs, voici les faits concernant les modifications proposées au Règlement : elles font l’objet d’un examen au Comité sénatorial permanent du Règlement depuis plus de cinq ans; elles ont été déposées au Sénat à deux reprises, d’abord par un sénateur nommé par le premier ministre Trudeau, puis par un sénateur nommé par l’ancien premier ministre Harper; et elles sont maintenant appuyées par le représentant du gouvernement au Sénat.

Ma troisième et dernière question est embêtante : pourquoi le caucus conservateur s’oppose-t-il avec autant d’ardeur aux modifications proposées? Comme le sénateur Plett l’a précisé la semaine dernière, les conservateurs ont actuellement 21 points d’avance sur les libéraux dans les sondages.

Le sénateur Plett [ + ]

Vingt-deux points.

Je suis désolé — 22 points. Je suis en retard. Il est difficile de suivre le rythme.

Ces mêmes sondages indiquent que le premier ministre a perdu la faveur de la grande majorité des Canadiens. Il semble donc que le sénateur Plett ait tout à fait raison de croire que les conservateurs formeront le prochain gouvernement.

En même temps, on prétend également que ces modifications au Règlement diluent le pouvoir de l’opposition de faire son travail légitime, qui consiste simplement à retarder la mise en œuvre des projets de loi du gouvernement. Cependant, la possibilité de s’opposer au Sénat demeure inchangée, comme on a pu le constater jeudi dernier. Il y a eu six motions d’ajournement du Sénat, chacune ayant une sonnerie d’une heure. La première motion d’ajournement a été proposée avant 16 heures et la dernière à 23 h 57, trois minutes avant l’ajournement du Sénat, de sorte que le Sénat a ajourné après 1 heure du matin. De plus, il y a eu une pause-repas de deux heures. Il y a donc eu huit heures de protestations de la part de l’opposition jeudi dernier. C’était une version sénatoriale d’une occupation.

J’ai des gènes écossais dominants, comme je l’ai déjà mentionné, et je déteste le gaspillage. Le sénateur Plett se dit également très souvent préoccupé par le gaspillage. Donc, le gaspillage de huit heures de temps au Sénat est frustrant, surtout que nous avons des projets de loi d’initiative parlementaire importants et attendus depuis longtemps qui requièrent notre attention — comme le projet de loi C-280, qui vise à soutenir les producteurs de fruits et légumes, et le projet de loi C-244, qui concerne le droit de réparer, entre autres.

Étant donné tous les efforts déployés par le sénateur Plett pour essayer de nous convaincre que ces changements au Règlement vont en quelque sorte gêner l’opposition à l’heure où un gouvernement conservateur est potentiellement sur le point d’être élu, il est possible que d’aucuns dramatisent. Ces changements affaibliront peut-être le pouvoir de l’opposition, mais compte tenu de la position des conservateurs dans les sondages, ces changements seront bientôt à leur avantage, comme le sénateur Housakos l’a souligné fort éloquemment.

Sénateur Plett, vous avez peut-être commis une petite erreur stratégique au cours des deux dernières années, car vous nous avez obligés à assister à de nombreuses séances de formation mémorables et extrêmement longues sur les tactiques dilatoires. Je pense que certains sénateurs y ont prêté attention. Beau travail!

En conclusion, je sais que l’on prétend souvent que les sénateurs nommés par Justin Trudeau reçoivent des appels téléphoniques du premier ministre. Je dois admettre que, à l’instar d’autres sénateurs ici, j’ai reçu un appel téléphonique du premier ministre. Cela ne s’est toutefois produit qu’une seule fois, en juin 2018, et ce fut mémorable parce qu’il m’a appelé pour me proposer une nomination au Sénat. Au cours de cet appel, il a formulé une demande très claire et précise, celle de « mettre au défi le gouvernement ». J’essaie de le faire de manière respectueuse et collégiale. D’autres sénateurs ont peut-être reçu d’autres demandes ou appels téléphoniques, mais pas moi.

Je considère que mon rôle n’est pas seulement de m’opposer aux projets de loi et aux motions du gouvernement et d’en retarder l’adoption, mais aussi de trouver des façons de les améliorer. Je crois que le Sénat devrait agir de façon indépendante, mais sans forcément s’opposer aux mesures législatives proposées par un gouvernement dûment élu. Notre travail consiste à nous pencher sur tous les problèmes qui n’ont peut-être pas été envisagés auparavant et, lorsque c’est nécessaire, à proposer des amendements pour améliorer les mesures législatives présentées par le gouvernement.

Le sénateur Tannas a déjà dit que notre rôle au Sénat ne se limite pas à jouer un rôle secondaire par rapport à la Chambre des communes. Voilà qui résume ma vision du Sénat, honorables collègues.

J’espère que ces modifications au Règlement contribueront à maintenir une certaine indépendance au Sénat. Par conséquent, il me tarde de pouvoir voter en faveur de ces modifications dont nous avons discuté pendant de nombreuses années. Merci, honorables collègues.

L’honorable Donna Dasko [ + ]

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler très brièvement en appui à la motion no 165, qui constitue à mes yeux un pas extrêmement positif vers le Sénat indépendant que les Canadiens ont clairement indiqué vouloir et soutenir.

Premièrement, je tiens à remercier tout particulièrement le sénateur Gold d’avoir présenté cette initiative et de l’avoir fait avancer. En vérité, j’ai été présente ici tous les jours et j’ai vu les réactions et les réponses. J’ai remarqué comment on s’adressait à vous, et parfois je ne sais pas comment vous faites, mais je vous suis très reconnaissante d’avoir fait avancer les choses.

Comme nous l’ont dit les sénateurs Gold, Saint-Germain, Woo, Dalphond et Tannas, entre autres, on travaille à cette initiative depuis très longtemps. On nous a rappelé les 13 rapports du Comité sur la modernisation, les motions présentées par des sénateurs et, éventuellement, le travail du Comité du Règlement qui s’est efforcé d’apporter des modifications au Règlement.

Comme l’a fait remarquer la sénatrice Saint-Germain, depuis 2016, il y a eu 147 réunions entre le Comité sur la modernisation du Sénat et le Comité du Règlement, et elles comprenaient toutes des éléments de la motion d’aujourd’hui. Comme le sénateur Deacon vient tout juste de le dire, rien n’est plus faux que de prétendre que les modifications au Règlement qui sont intégrées dans la motion dont nous sommes saisis aujourd’hui sont en quelque sorte un effort ultime ou précipité pour imposer des modifications.

La motion d’aujourd’hui découle également du cadre législatif que les deux Chambres ont adopté en 2022 pour apporter des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada. L’objectif est tout simplement de rendre le Sénat plus équitable en tenant compte des changements dans sa composition. Les sénateurs indépendants, qui forment la majorité, ne sont pas des participants de second ordre dans cette enceinte.

La sénatrice Dasko [ + ]

Merci, honorables collègues. Cette motion comprend des modifications au Règlement qui tiennent compte de cette réalité.

Mon objectif aujourd’hui est de parler brièvement de l’évolution du Sénat et de la façon dont les Canadiens perçoivent la Chambre haute.

Au cours de mes 35 ans de carrière dans le domaine de l’opinion publique, j’ai eu l’occasion de consulter les Canadiens sur les nombreuses propositions visant à réformer le Sénat. En 1987, l’accord du lac Meech incluait une courte liste de dispositions, dont une aurait donné aux provinces la possibilité de soumettre des noms au premier ministre pour pourvoir les postes au Sénat. Cet accord a été enterré en 1990.

En 1992, l’accord de Charlottetown, dans sa longue liste de dispositions, prévoyait notamment des articles visant à mettre en place un Sénat « triple E » : un Sénat du Canada qui serait élu, égal et efficace. Cet accord est mort dans la foulée d’un référendum national qui a échoué cette année-là.

En 2011, l’ancien premier ministre Stephen Harper a présenté un projet de loi qui prévoyait un mandat limité pour les sénateurs et des propositions visant à permettre aux provinces d’organiser des élections sénatoriales. Cette réforme est également devenue lettre morte lorsque la Cour suprême du Canada a statué, relativement au renvoi de 2014, que de tels changements nécessiteraient des modifications constitutionnelles. M. Harper savait alors, comme nous le savons encore aujourd’hui, à quel point il est difficile de modifier la Constitution.

En fait, un sondage Environics de 2022 montre que seulement 35 % des Canadiens seraient prêts à rouvrir la Constitution dans le but d’apporter des changements au Sénat. Chers collègues, il nous faudrait un soutien public beaucoup plus important que cela pour que le pays s’engage à nouveau dans cette voie.

De mon vivant, la seule grande réforme du Sénat qui a véritablement abouti parmi tous ces efforts a été l’initiative du premier ministre Trudeau visant à créer un Sénat indépendant.

Je veux maintenant faire quelques observations sur l’opinion publique. Depuis 2019, je sonde périodiquement l’opinion publique sur le Sénat du Canada, et il est juste de dire que nous avons encore des défis à relever dans la façon dont le public perçoit notre institution. La mauvaise nouvelle, c’est que les Canadiens ont toujours, à une faible majorité, une opinion négative du Sénat, mais la bonne nouvelle, c’est que ces perceptions négatives ont considérablement diminué par rapport aux jours sombres du début de 2016, lorsque les scandales du Sénat dominaient encore les perceptions du public. Les opinions positives sont également en hausse.

Les Canadiens voient tout particulièrement d’un bon œil le Sénat indépendant. Dans une large mesure, on approuve le nouveau processus de nomination des sénateurs en place depuis 2016. La grande majorité des Canadiens pensent que c’est une bonne chose — un bon changement — que les nouveaux sénateurs siègent en tant qu’indépendants et ne soient pas actifs au sein d’un parti politique. Une vaste majorité pense qu’il est bon que le processus de candidature soit maintenant ouvert et que les candidatures au Sénat soient examinées par un comité indépendant. Tous ces éléments sont considérés comme des améliorations au Sénat.

Surtout, le public souhaite que les futurs gouvernements continuent à mettre en place un Sénat indépendant. La grande majorité des Canadiens veulent que les futurs gouvernements maintiennent les changements apportés au processus de nomination. Presque personne ne souhaite revenir aux anciennes méthodes de nomination des sénateurs.

Ces derniers jours, nous avons appris que M. Poilievre, le chef du Parti conservateur du Canada, s’est fait remarquer la semaine dernière en raison de ses observations à la Chambre des communes ainsi que de ses déclarations au sujet de la disposition de dérogation. Quelque chose d’autre a attiré mon attention : un article qu’il a publié dans le National Post il y a quelques jours à peine, le 3 mai. Dans cet article, M. Poilievre décrit l’approche qui sera la sienne en matière de politique publique. Il exhorte les chefs d’entreprise — en fait, il exhorte tous les Canadiens qui veulent des changements stratégiques — à faire ce qui suit :

Si vous avez une proposition stratégique, ne m’en parlez pas. Convainquez les Canadiens que c’est bon pour eux. Communiquez-en les avantages directement aux travailleurs, aux consommateurs et aux retraités.

Je le remercie pour sa déclaration catégorique selon laquelle, s’il forme le gouvernement, l’opinion des Canadiens sera comme il se doit le facteur déterminant de la politique publique.

De toute évidence, c’est particulièrement important en ce qui concerne la question dont nous sommes saisis, c’est-à-dire le nouveau Sénat. Les Canadiens nous disent clairement que la transition vers un Sénat indépendant, où les sénateurs ne sont pas actifs au sein d’un parti politique et où ils ne siègent pas dans un caucus partisan, est positive pour le Canada. Ils nous disent que les futurs gouvernements doivent continuer à apporter des changements dans ce sens et qu’il ne faut pas revenir à l’ancien mode de nomination des sénateurs.

Chers collègues, en terminant, il nous reste encore du travail à faire. Nous devons continuer à accroître la sensibilisation au rôle particulier du Sénat en matière de gouvernance. De plus, nous devons sensibiliser la population à la transition vers l’indépendance et la non-partisanerie. Quand la population est mieux conscientisée à l’indépendance du Sénat, sa perception devient plus positive. Les modifications proposées dans la motion no 165 constituent une étape importante et même cruciale vers la reconnaissance de l’indépendance du Sénat. Je voterai « oui ».

Merci.

L’honorable John M. McNair [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler de la motion no 165, comme l’ont fait un bon nombre d’autres sénateurs ce soir.

Bien que je sois relativement nouveau ici, je constate que rien n’avance particulièrement vite et que c’est parfois mieux ainsi. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des réformes majeures au sein de cette institution. Le changement prend du temps. Il faut du temps pour la réflexion, la consultation et la négociation.

Comme nous l’avons entendu, cette série de modifications est le résultat de huit années de travail, presque neuf, sur la réforme de cette Chambre. Le représentant du gouvernement au Sénat nous a fait l’historique de tout ce qui a été fait. Il y a eu 13 rapports produits par le Comité spécial sénatorial sur la modernisation du Sénat et d’innombrables études au Comité permanent du Règlement, des procédures et des droits du Parlement, sans compter les efforts individuels de divers sénateurs.

Ici, je souligne en particulier le travail des sénateurs Tannas, Woo, Greene et Massicotte. Je félicite ces sénateurs pour leur collaboration et, n’ayons pas peur des mots, leur persévérance. Ces efforts collectifs ont été déployés face à une forte opposition de la part de détracteurs qui aimeraient voir le Sénat se scléroser.

Ce que je veux dire, c’est que cette motion n’est pas sortie de nulle part. La motion no 165 ne nous a pas été présentée par surprise. Elle est le résultat d’années de mûre réflexion et de travail assidu.

Dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat, la Cour suprême du Canada a affirmé clairement que tout changement à la structure du Sénat nécessite l’appui de sept provinces représentant 50 % de la population. Nous savons tous à quoi cela a mené, alors le premier ministre Trudeau s’est servi des moyens à sa disposition pour essayer de rendre le Sénat plus indépendant et moins partisan.

Le changement doit venir de l’intérieur, et si nous n’appuyons ces changements, rien ne nous empêche de revenir au duopole partisan, comme l’a souligné le sénateur Woo.

Dans un éditorial publié le 1er mai dans le Hill Times et intitulé « Le Sénat ne devrait pas faire obstacle à sa propre évolution », on parle du débat qui est en cours ici :

Bien qu’une lecture stricte des affiliations politiques des premiers ministres canadiens au cours de l’histoire puisse donner l’impression du contraire, les citoyens de ce pays ne sont pas vraiment divisés en deux camps politiques irréconciliables.

C’est ce qui rend la crise de croissance actuelle du Sénat aussi fascinante qu’exaspérante.

Dans l’éditorial en question, on ajoute :

La motion no 165, proposée par le sénateur Marc Gold, compte plus de 3 700 mots et comprend un train de changements dont le plus litigieux, pour certains, consiste à étendre les pouvoirs bipartites de la Chambre aux autres groupes reconnus.

Les sénateurs conservateurs, qui jouissent toujours du titre d’opposition au Sénat bien qu’ils constituent le quatrième groupe en importance, ont qualifié la motion de M. Gold de « draconienne » et d’« unilatérale » et accusé le sénateur de vouloir « la faire adopter de force », bien qu’elle soit basée sur des modifications réclamées de longue date par divers sénateurs.

Le Sénat n’est pas parfait, mais il est composé de personnes qui ont l’intérêt supérieur du Canada à cœur. On ne devrait pas éclipser cela en s’accrochant à des règles et à des structures qui ne reflètent plus ce que le pays a de mieux à offrir.

Le Sénat de demain sera peut-être différent du Sénat actuel, mais adopter un cadre pour éliminer des structures partisanes sans que la situation au Sénat dégénère comme sur l’île de Sa Majesté des mouches me semble une solution tout à fait acceptable pour la société canadienne. Les sénateurs, qui sont censés être des leaders, devraient y être favorables.

Honorables sénateurs, la plupart des Canadiens n’ont pas l’habitude de suivre nos travaux de près. Comme nous l’avons vu à maintes reprises, lorsque le Sénat fait les manchettes, c’est rarement pour quelque chose de positif. Je crois que la plupart des Canadiens veulent simplement que les sénateurs agissent dans l’intérêt supérieur de la population canadienne, quelles que soient leurs allégeances politiques. Il est vrai que les sénateurs sont nommés, mais ils ne doivent jamais oublier de faire preuve de respect envers les provinces et les territoires qu’ils sont censés servir et représenter. Nous devons faire de notre mieux en leur nom.

J’estime que la motion no 165 est un pas dans la bonne direction qui s’inscrit dans un processus de réforme visant à refléter un Sénat en constante évolution, et je vais appuyer son adoption. Merci. Meegwetch.

L’honorable Mary Jane McCallum [ + ]

Honorables sénateurs, au cours du débat sur la motion no 165, certains ont parlé des problèmes et de la consternation que cette motion ferait naître. Mon discours portera sur ce que le Sénat et être sénatrice signifient pour moi et pour les innombrables autres comme moi. De plus, je parlerai de l’importance de la capacité de soutenir une véritable modernisation en profondeur pour réaliser notre vision d’égalité.

Je tiens à prendre le temps de remercier le premier ministre Trudeau de m’avoir donné la possibilité de devenir sénatrice. Il s’agit d’une occasion unique pour des personnes comme moi — des personnes qui ont été racisées toute leur vie —, de pouvoir enfin franchir les portes de la Chambre rouge. Comme je n’avais aucune affiliation politique, et comme c’était auparavant et depuis toujours le seul moyen d’accéder à cette enceinte, je suis pleinement consciente du caractère solennel de ce privilège.

J’ai eu l’occasion de venir siéger au Sénat à une époque où la discussion sur l’oppression subie par les Premières Nations n’était pas une priorité. Néanmoins, il existait toujours un besoin urgent de prendre en considération tout ce que nous, en tant que Premières Nations, avons surmonté et continuerons à accomplir au nom de la justice. Cette occasion unique m’a permis de réaliser qui j’étais en tant que citoyenne des Premières Nations de l’île de la Tortue vivant sur ma propre terre et toujours capable d’imaginer une société dans laquelle tous les citoyens sont véritablement considérés comme des égaux jouissant des mêmes droits et privilèges.

Je suis capable de maintenir cette vision non pas en raison de la politique, mais en dépit de la politique. Après tout, cette vision qui consiste à considérer les membres des Premières Nations comme des égaux jouissant des mêmes droits et privilèges que les autres Canadiens ne correspond pas à la société que John A. Macdonald voulait pour moi, pour mes ancêtres et pour mes descendants. C’est ce qui est apparu clairement lorsqu’il a déclaré qu’une personne pouvait être n’importe qui, mais pas un Indien, et qu’il a élaboré des politiques en conséquence.

Chers collègues, siéger au Sénat relevait au bout du compte de l’espoir, des rêves et de l’idéalisme. Il s’agissait de réaliser que ce qui était hors de portée ne devait pas le rester, pas plus qu’il ne le pouvait. L’importance du rôle de sénateur transcende les droits et les privilèges dont nous bénéficions. Il s’agit aussi de l’espoir que nous pouvons offrir aux autres. Je parle de l’espoir que toute l’humanité — et non seulement les citoyens partisans —, en dépit de toutes les différences et de la grande diversité qui la caractérisent, puisse envisager un avenir où chacun sera traité comme une personne ayant une valeur, un membre de la communauté de son choix et, finalement, de la seule race qui compte, la race humaine. C’est la fonction du second examen objectif dans cette auguste Chambre. C’est un idéal auquel nous devrions toujours aspirer alors que nous assumons nos fonctions sénatoriales.

Alors que les Premières Nations prospéraient sur l’île de la Tortue avant l’arrivée des Blancs, le point de vue dominant depuis plus de 150 ans est que le Canada était censé être un endroit réservé à une race ou à un groupe spécifique et très restreint de personnes, dont je ne faisais pas partie. Ces personnes étaient exclusivement les descendants des Européens de l’Ouest. Tous les autres gens — y compris les premiers peuples qui vivent sur cette terre depuis des temps immémoriaux — devaient être exclus ou, pire, assimilés. Nous étions marginalisés et considérés comme inférieurs. L’histoire du Canada est parcourue de tentatives soutenues pour nous déshumaniser. C’est aussi l’histoire de quelques privilégiés, y compris ceux qui ont toujours été autorisés à siéger dans la Chambre rouge.

Cependant, l’histoire du Canada est en train de changer, tout comme le discours au Sénat du Canada. Ces récits sont le reflet de l’histoire des Premières Nations : un récit où l’espoir l’emporte sur le désespoir et où la détermination ne faiblit pas malgré la violence historique et la menace émergente du vol d’identité et de la fraude, nos nouveaux colonisateurs d’aujourd’hui. Les Premières Nations vivent effectivement dans un état de violence perpétuelle.

Honorables sénateurs, quand je suis arrivée au Sénat, ce qui me motivait, c’était de porter les récits des personnes que je représente, parce que, en racontant à nouveau ces récits, nous ne préservons pas seulement leur mémoire, nous nous souvenons également des personnes qui ont perdu des possibilités et de celles qui se sont battues pour une façon différente d’exister, pour une existence qu’elles n’ont jamais pu mener parce que d’autres détenaient ce pouvoir.

Je mentionne particulièrement aujourd’hui les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, ainsi que les hommes et les garçons autochtones disparus ou assassinés qui ont perdu la vie inutilement sans avoir eu la chance de réaliser leur but dans la vie, simplement à cause de leur race, un construit imposé par autrui. En racontant à nouveau nos récits, nous dénonçons les souches virulentes du racisme qui n’ont pas disparu. Grâce à ces récits, je me souviens de toutes les personnes qui ont souffert, mais qui n’ont jamais perdu espoir. En racontant à nouveau ces récits, nous soutenons les personnes qui n’ont jamais renoncé à se battre pour leur différence et leur égalité, pour ce qu’elles ont toujours été.

Dans notre histoire collective de partage du territoire, il existe un Canada qui, selon certains, devait être réinventé. C’est ainsi qu’est né le multiculturalisme. Toutefois, comment pouvons-nous parler de l’avenir du bon sans reconnaître le mal qui s’est produit dans ce pays? Si nous omettons de raconter notre passé de dépossession des terres et de la culture, de génocide et de racisme, nous oublions que les gens n’ont pas tous été les bienvenus dans le cheminement vers le multiculturalisme. Certaines cultures ont été bien accueillies et intégrées, tandis que les cultures des premiers peuples du Canada continuent d’être effacées et attaquées.

Pourquoi, alors, nous, les Premières Nations, continuerions-nous de participer à notre propre génocide en embrassant un multiculturalisme qui inclut tout le monde sauf nous?

Ma nomination au Sénat m’a permis de rêver à des choses que tant de mes ancêtres auraient cru impossibles — un endroit et une époque où la race n’a aucune incidence sur l’admissibilité d’une personne à devenir sénateur. Je suis donc arrivée au Sénat avec la conviction que j’étais sur un pied d’égalité avec les autres sénateurs. Alors que jadis il était interdit à mes ancêtres de pénétrer sur le terrain de la Colline du Parlement, j’ai aujourd’hui le grand privilège d’occuper un siège à la Chambre haute du Canada. Cette vérité s’accompagne d’une immense responsabilité, et c’est cette responsabilité qui me pousse à défendre l’intérêt des Premières Nations aussi ardemment.

Dans le cadre de mon travail de sénatrice, que je dois à la modernisation constante du Sénat, je fais la démonstration claire que je ne suis pas entrée dans la Chambre rouge pour jouer le rôle d’une Indienne de service. Je suis ici pour parler au nom des personnes que je sers, et non pour être utilisée par ce système ou parler en son nom. En ce sens, je ne permettrai pas qu’on m’attribue un rôle symbolique en tant qu’Indienne ou en tant que femme.

Ainsi, chers collègues — et pour en revenir à la motion à l’étude —, je suis entrée dans cette enceinte en pensant que j’avais les mêmes droits que tous les autres sénateurs. Pourquoi, alors, devrait-on maintenant m’en donner moins que les autres parce que je siège en tant que sénatrice vraiment indépendante, vraiment non affiliée? Pourquoi me demande-t-on de débattre d’une motion et de la soutenir, alors qu’elle n’a jamais eu pour but de m’inclure en tant que membre égale de cette auguste assemblée?

Vu ce traitement de seconde classe persistant, je continue à choisir de croire que nous pouvons avoir un Sénat composé d’aînés qui ne jouent pas le jeu de la partisanerie, mais qui soutiennent vraiment un Canada qui réussira. Le Sénat en est capable. Nous, sénateurs, devons-nous continuer à vivre, en raison d’une tradition, dans la même institution stagnante qui est entrée en vigueur il y a plus de 150 ans? Ou devons-nous passer à une période d’espoir et de changement, à une vision aussi radicalement diverse que l’humanité elle-même, à une Chambre qui se veut le reflet de l’humanité dans son ensemble et qui représente un pays dont tous les habitants sont égaux et jouissent des mêmes privilèges et droits de la citoyenneté partagée — une vision que nous, sénateurs, représentons peu importe le point de vue hyperpartisan de l’autre endroit?

Honorables sénateurs, alors que nous examinons la motion dont nous sommes saisis, nous devrions considérer ce moment davantage comme le point où nous commençons à nous écarter du statu quo que comme une continuation fidèle du passé. Si nous ne le remettons pas en question, nous devenons le statu quo. Il est temps d’opter pour un nouveau départ, forts des leçons tirées des différents parcours avec lesquels nous arrivons au Sénat — une vision dans laquelle tout le monde compte, tout le monde est représenté, personne n’est laissé pour compte et nous tirons des leçons de notre histoire où une société divisée représente un pays divisé.

Chers collègues, il ne faut pas craindre la modernisation du Sénat. Elle doit être accueillie comme une suite logique de l’évolution positive qu’a connue le Canada au cours de son histoire. Le défi que nous devons relever, que ces modifications ne reflètent pas, est la nécessité d’assurer l’égalité de tous les sénateurs sans en laisser aucun pour compte, comme vos collègues non affiliés. Si le Sénat continue de représenter l’iniquité et l’inégalité, quel genre de modernisation réalisons-nous vraiment?

Kinanâskomitin. Merci.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) [ + ]

Honorables sénateurs, je prends de nouveau la parole au sujet de la motion no 165 du sénateur Gold tendant à modifier le Règlement du Sénat.

Tout d’abord, sénateur Tannas, je dois reconnaître mon erreur : j’ai effectivement proposé la fixation de délai pour des motions d’initiative ministérielle. Cependant, aucune de ces motions n’était des motions omnibus comprenant une série de modifications au Règlement du Sénat. Je reconnais mon erreur sur ce point.

Cette motion omnibus est composée d’un certain nombre d’éléments compliqués, et chacun d’entre eux nécessite une réflexion approfondie et un examen individuel. La motion aurait dû être examinée au comité pour que nous puissions comprendre pleinement ses conséquences, prévues et imprévues, sur notre système parlementaire. Malheureusement, le gouvernement a décidé de sauter l’étude au comité et la tenue d’un débat approfondi sur la motion et de forcer le Sénat à restreindre le débat sur cette question très importante.

Je suis certaine que, au cours des prochaines années, nous nous rendrons compte que le gouvernement et sa majorité ont manqué de vision et qu’il aurait fallu un libellé plus soigné et un examen approfondi des conséquences imprévues. C’est pour ces raisons que le Comité du Règlement existe. Ce comité n’existe pas seulement pour que les sénateurs discutent sans fin d’idées, de concepts et de notions. Il est d’abord et avant tout chargé de rédiger soigneusement le Règlement.

Comme mon temps de parole est limité, je vais me concentrer sur un élément de cette motion omnibus, soit celui qui propose de créer une nouvelle règle : le sénateur désigné, qui pourra parler pendant 45 minutes pendant les débats sur les projets de loi. En tant que sénatrice ayant eu le privilège d’agir en tant que porte-parole de l’opposition dans le cadre de plusieurs mesures législatives importantes, c’est un sujet qui me tient vraiment à cœur.

Tout d’abord, je dois dire que je suis soulagée que le leader du gouvernement n’ait pas repris le libellé des motions précédentes portant sur les changements au Règlement et qu’il n’élimine pas la fonction de porte-parole d’un projet de loi. Il s’agissait d’un coup direct contre l’opposition, mais le gouvernement a judicieusement décidé de faire marche arrière sur ce point.

Le débat sur la motion no 165 est une excellente occasion de réfléchir à l’histoire de notre institution parlementaire et de nous rappeler ses traditions distinguées de longue date. Même si elles ont évolué au fil des ans, elles demeurent fidèles à leurs origines depuis plus de 150 ans.

Depuis la Confédération, le Parlement du Canada est divisé en deux parties : le gouvernement et l’opposition. Malgré cette division, ces deux parties ont toujours été liées par un objectif commun, soit celui de travailler ensemble pour le bien commun. Les devoirs du gouvernement et de l’opposition se complètent. L’un présente de nouvelles politiques tandis que l’autre les examine attentivement et y trouve des lacunes tout en critiquant leur philosophie et leur idéologie sous-jacentes.

Dans son livre intitulé Across the Aisle: Opposition in Canadian Politics, l’auteur David E. Smith a écrit ce qui suit :

L’objectif du Parlement est de générer [...] une entente au sujet des politiques en se servant de la procédure des lectures successives, de l’examen des projets de loi par des comités et du vote dans les deux Chambres [...] Le débat parlementaire est un grand égalisateur des intérêts contradictoires et a un effet apaisant sur les émotions vives. Le produit du compromis entre tous les partis et, plus traditionnellement, la discipline à l’intérieur de chaque parti est une politique publique réputée être dans l’intérêt de la nation.

Pour comprendre la raison d’être de l’opposition officielle, il faut comprendre la nature même de notre système de gouvernance démocratique, qui fonctionne selon des principes et des pratiques historiques bien établis. En fait, l’existence d’une opposition officielle précède la Confédération. Avant l’union des provinces du Canada — l’Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau‑Brunswick — pour former notre pays, elles possédaient toutes leur propre système de gouvernance composé d’une assemblée législative et d’une Chambre haute. Après toutes ces années, le rôle de l’opposition officielle est demeuré le même : offrir aux Canadiens d’autres options politiques que celles proposées par le gouvernement. Il s’agit d’un rôle essentiel qui tient le gouvernement responsable et qui, fondamentalement, protège notre démocratie politique.

Le rôle de l’opposition est simple. Elle ne vise pas à empêcher le gouvernement de remplir son mandat de légiférer et de créer des politiques publiques ni d’étouffer les débats sur les grands enjeux. L’opposition officielle doit agir de manière calme et vigilante pour exiger des comptes du gouvernement.

L’un de nos plus grands parlementaires, le très honorable John Diefenbaker, a très bien résumé la situation dans un discours prononcé devant l’Empire Club of Canada en 1949. John Diefenbaker, qui n’était alors qu’un simple député d’arrière-ban de la Saskatchewan, a dit à son auditoire :

Pour que le Parlement demeure une institution viable, l’opposition loyale de Sa Majesté doit remplir ses fonctions résolument. Lorsqu’elle agit comme il se doit, la liberté est protégée. D’ailleurs, l’histoire nous prouve que la liberté s’évanouit toujours lorsqu’il n’y a plus de critique.

Certains croient qu’il n’y a pas de place pour l’opposition au Sénat. Le rôle du sénateur ne serait pas de présenter, conjointement avec ses collègues de la Chambre, une alternative cohérente au gouvernement. Ils voient le Sénat, d’abord et avant tout, comme un club de débats où les sénateurs vont parfois peaufiner les projets de loi du gouvernement pour corriger les erreurs du ministère de la Justice.

Nous devons nous rappeler que le Sénat est un élément crucial de notre système parlementaire et qu’il n’a pas pour but de se soumettre au gouvernement, mais plutôt d’examiner les projets de loi sans crainte, de formuler des critiques au besoin, de faire contrepoids et, surtout, de donner une voix aux régions et à leurs groupes minoritaires. Et oui, les sénateurs devraient pouvoir adhérer à l’idée que le gouvernement en place devrait être remplacé.

Le bon fonctionnement du Parlement dépend non seulement du succès de la Chambre des communes, mais aussi de celui du Sénat. Après l’adoption de la motion no 165, le Sénat devra encore fonctionner. C’est pourquoi il est impératif d’examiner la motion qui nous a été présentée, en particulier l’article 7, qui propose de créer le rôle de « sénateur désigné ».

Dans le Règlement du Sénat du Canada, le terme « porte-parole d’un projet de loi » est défini comme suit :

Principal sénateur répondant au parrain d’un projet de loi. Le porte-parole est désigné soit par le leader ou le leader adjoint du gouvernement (si le parrain n’est pas membre du gouvernement), soit par le leader ou le leader adjoint de l’opposition (si le parrain est membre du gouvernement).

En plus du parrain et du porte-parole d’un projet de loi, la motion du sénateur Gold ajoute les sénateurs désignés à la liste des sénateurs qui peuvent s’exprimer pendant 45 minutes sur le projet de loi à l’étude.

À première vue, cette proposition semble simple : elle ajoute un nombre limité de sénateurs qui disposent de plus de temps pour s’exprimer sur un projet de loi. Dans notre Sénat actuel, un maximum de trois sénateurs peuvent se voir attribuer le rôle de sénateur désigné pour chaque projet de loi. Cependant, en pratique, cet ajout à notre Règlement a deux grandes conséquences.

Premièrement, la motion du sénateur Gold conserve le processus actuel de nomination du porte-parole pour un projet de loi. Dans l’annexe I du Règlement, à la définition du terme, on peut lire que :

Le porte-parole est désigné soit par le leader ou le leader adjoint du gouvernement (si le parrain n’est pas membre du gouvernement), soit par le leader ou le leader adjoint de l’opposition (si le parrain est membre du gouvernement).

Dans le Sénat actuel, plusieurs projets de loi sont parrainés par des sénateurs qui ne sont ni membres officiels du gouvernement ni membres de l’opposition.

Selon la pratique actuelle, pour les projets de loi parrainés par un sénateur qui n’est pas un conservateur, c’est le chef de l’opposition qui nomme le porte-parole. Cet élément aurait dû être précisé dans la motion, mais ce n’est pas le cas. Encore une fois, c’est quelque chose que le Comité du Règlement aurait relevé et modifié. Avec la décision du sénateur Gold de passer outre le processus du comité, l’occasion de changer la définition de « porte-parole d’un projet de loi » pour refléter la structure actuelle du Parlement a été perdue.

Maintenant qu’un délai a été fixé, je ne peux plus présenter d’amendement à cet égard. En raison de la décision de clore le débat, nous ne pouvons plus amender la motion du sénateur Gold, ce qui est une autre occasion perdue.

Le deuxième problème avec la création du rôle de sénateur désigné recoupe ce que le sénateur Quinn a demandé au sénateur Gold la semaine dernière : les sénateurs désignés seront-ils traités comme des porte-parole et assisteront-ils à une séance d’information spéciale?

Le sénateur Gold n’a pas pu répondre à cette question. La plupart des sénateurs, à l’exception de ceux qui siègent du côté de l’opposition, n’ont peut-être jamais été le porte-parole d’un projet de loi du gouvernement ou n’ont jamais assisté à une séance d’information à leur intention. Ces séances d’information sont un élément essentiel de ce dont un porte-parole a besoin pour jouer son rôle relativement à un projet de loi. Cependant, elles sont difficiles à organiser en raison de l’horaire des sénateurs, sans oublier la difficulté de réunir dans une même salle plusieurs fonctionnaires provenant parfois de différents services et, à l’occasion, de différents ministères. Imaginez le fardeau que représenterait l’organisation de trois séances d’information supplémentaires, si chaque sénateur désigné en faisait la demande pour chaque projet de loi, ce qu’il serait peut-être être en droit de faire. Soyons clairs, les séances d’information à l’intention des porte-paroles seront toujours réservées aux porte-paroles, car des questions de stratégie peuvent être rattachées aux discussions tenues lors des séances ou peuvent en découler.

Chers collègues, le changement est inévitable. Il est inutile d’y résister. En un siècle, nous avons vu les pratiques, les traditions et les coutumes parlementaires évoluer pour refléter les besoins de cette nation qui grandit et se diversifie. Toutefois, nous ne pouvons pas observer sans broncher les tentatives de modifier le cœur même du système parlementaire comme s’il suffisait d’appuyer sur un interrupteur.

Qu’en est-il du second examen objectif? Les changements proposés auraient dû être étudiés par le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Je comprends ce qui s’est passé dans cette enceinte, mais que ce soit depuis cinq, neuf ans ou plus, le processus est tel qu’une motion omnibus comme celle dont nous sommes saisis — maintenant avec fixation de délai — aurait d’abord dû être soumise au Comité du Règlement afin que le libellé et les autres modifications soient soigneusement examinés. Les sénateurs auraient dû avoir la possibilité de débattre pleinement de la motion et l’amender si nécessaire.

Honorables collègues, réfléchissons une fois de plus aux paroles suivantes de l’ancien premier ministre John Diefenbaker :

[...] Le Parlement doit continuer à être le gardien de la liberté. À cette fin, il doit constamment modifier sa procédure pour répondre aux besoins changeants d’un monde moderne, mais il doit rester immuable dans son concept et sa tradition [...]

Je trouve regrettable que le sénateur Gold ait décidé de ne pas suivre nos traditions en ce qui concerne la motion du gouvernement et la procédure qu’il a choisie pour son adoption. Je vous remercie.

L’honorable Leo Housakos [ + ]

Honorables sénateurs, à entendre certains de mes collègues pendant le débat de ce soir, on pourrait croire que les mots « réforme du Sénat » et « évolution et changement au Sénat » n’avaient jamais été utilisés avant que Justin Trudeau descende de la montagne, tel un Moïse, ouvre un chemin dans la mer Rouge et nous libère des chaînes de ce terrible vieux Sénat, qui était un endroit horrible et un désastre. On pourrait penser que nous n’avions jamais apporté de changements ou évolué avant l’arrivée du sénateur Harder, de la sénatrice Lankin et de tous ceux qui ont été nommés au Sénat par Justin Trudeau pour sauver cette institution d’elle-même. On pourrait croire que nous n’avions jamais entendu parler de la réforme du Sénat et qu’une telle démarche n’a rien à voir avec des gens comme Preston Manning, qui a été élu il y a de nombreuses années et qui est venu à Ottawa avec une série de propositions visant à réformer le Sénat. En fait, la réforme du Sénat est un débat qui a été lancé en 1867, quelques heures après que John A. Macdonald a nommé les premiers sénateurs.

Sénateur Tannas, je partage votre avis sur bien des aspects que vous avez soulevés aujourd’hui, mais pas sur d’autres. Vous soutenez que les modifications proposées aujourd’hui sont en quelque sorte le résultat d’un processus ardu et que nous devrions autoriser ou encourager le gouvernement à procéder au moyen d’une motion du gouvernement — alors que vous dites vous-même ne pas être emballé par cette idée — ou d’une motion de fixation de délai, même si vous avez précisé que, selon vous, ce n’est pas nécessairement l’idéal. Vous pensez qu’il était nécessaire de procéder ainsi parce que nous n’avons pas avancé assez rapidement au cours des neuf dernières années.

La vérité, c’est que, quand on analyse les choses — comme vous l’avez dit dans vos observations —, on se rend compte que le gouvernement n’a eu aucune difficulté à mener ses principales activités. Comme vous l’avez fait remarquer, à juste titre, c’est en grande partie grâce à une opposition très coopérative.

Cependant, vous avez oublié de préciser que, non seulement l’opposition s’est montrée coopérative pour faire preuve de respect envers la Chambre élue démocratiquement, mais qu’elle a aussi bien coopéré entre 2015 et 2019, alors que nous étions majoritaires au Sénat. Même dans cette situation, nous avons travaillé ensemble pour trouver un compromis afin de mener à bien certains changements que le premier ministre voulait imposer à notre institution. Vous avez participé à cela.

Je remonte à plus de 9 ou 10 ans, à un certain nombre d’années auparavant. Les changements dans cette enceinte n’ont pas commencé en 2015. Nous avons veillé à nous rendre plus responsables et plus transparents. Nous avons autorisé la télédiffusion pour que le public puisse voir le travail que nous faisons. C’est nous qui avons apporté des changements au sein du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration afin de rendre le Sénat plus responsable et plus transparent aux yeux du public. C’est nous qui avons mis en œuvre la divulgation publique des dépenses des sénateurs, et ainsi de suite.

Je ne veux pas m’étendre sur tous ces changements, mais j’aimerais parler des changements intervenus depuis 2015. Aujourd’hui, nous avons le Groupe des sénateurs canadiens, dont vous êtes le leader, et le Groupe des sénateurs indépendants parce que nous étions favorables à ces changements. J’étais président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration lorsque nous avons alloué des budgets, en tant qu’opposition majoritaire dans cette Chambre, pour permettre à cette évolution et ces changements d’avoir lieu.

Je m’inscris en faux contre l’affirmation voulant que nous ayons été entraînés dans la réalité actuelle du Sénat à notre corps défendant. Nous n’aimions pas certains des changements. Nous avons peut-être débattu vigoureusement de certains d’entre eux, mais nous les avons certainement acceptés et avons tenté de les faire fonctionner grâce à la coopération et à la négociation.

Je suis ici depuis assez longtemps pour me souvenir de l’époque où les sénateurs Greene et Massicotte avaient proposé des réformes, et leurs objectifs étaient très précis. Ils cherchaient à réduire la force et la présence du gouvernement au sein de cette institution et à donner plus d’autorité aux sénateurs indépendants et non affiliés, n’est-ce pas, sénateur Tannas? Ils ont réussi dans certains domaines et échoué dans d’autres parce que, vous avez raison, le processus au Sénat est très lourd. C’est ce qu’on appelle la démocratie.

Au cours des 9 dernières années et même des 15 dernières, des mesures ont été contrecarrées au Comité du Règlement — dont j’ai également pris part aux travaux —, et ce n’était pas toujours la faute d’un côté ou de l’autre. Ce n’était pas toujours les conservateurs qui avaient des divergences d’opinions avec les autres membres du comité. Très souvent, au cours des cinq ou sept dernières années, lorsqu’on n’a pas réussi à faire adopter quelque chose à ce comité, c’était à cause d’une absence de consensus même parmi les sénateurs indépendants, et pas seulement chez l’opposition conservatrice. Encore une fois, chers collègues, c’est ce qu’on appelle la démocratie. Il y a une raison pour laquelle, dans les institutions parlementaires, les règles ne changent pas très facilement : elles ont leur raison d’être. Il n’est pas très facile de modifier la Constitution. On ne peut pas juste le faire pour satisfaire aux caprices de quelqu’un.

Si le premier ministre Trudeau veut nommer des personnes qui ont des vues similaires aux siennes pour vérifier les antécédents et nommer des candidats au Sénat, grand bien lui fasse. Si d’autres premiers ministres veulent consulter leur chat mort, grand bien leur fasse.

Quoi que l’on dise dans le débat, cela ne change rien au fait que, dans la Loi sur le Parlement du Canada, la prérogative de nommer un sénateur revient au premier ministre. C’était le cas avant ce processus, c’est le cas maintenant que l’on a ce processus, et cela le restera sauf si nous trouvons un consensus pour modifier la Constitution. Si nous trouvons un consensus, faites-le. Je vous y encourage, écrivez au premier ministre et demandez-lui d’ouvrir la Constitution. À ce moment-là, nous parlerons d’une véritable réforme du Sénat.

Le sénateur Deacon a mentionné que, même dans notre plumitif, nous avons des éléments complexes, qui, à mon avis, donnent à cette Chambre son caractère unique. Ils la rendent plus démocratique que toute autre. Quand nous entendons « reporté, reporté, reporté » au point que la Présidente se lasse de le dire, cela peut sembler fastidieux et bête au grand public qui nous regarde, mais c’est le privilège suprême de chacun d’entre nous, peu importe ce que les leaders décident chaque matin pendant la réunion préparatoire.

Nous savons tous à quel point les leaders ont du pouvoir au Sénat. Lorsque les sénateurs Massicotte et Greene ont commencé à parler de réforme il y a 15 ans, c’était parce qu’ils souhaitaient réduire la puissance et l’omniprésence des leaders des deux côtés du Sénat et conférer plus de pouvoirs et de souplesse aux sénateurs indépendants et non affiliés. C’était leur objectif.

Eh bien, ce « reporté » que nous disons tous, c’est le privilège ultime que nous avons à chacune des séances. Quoi qu’en pensent les sénateurs Plett et Gold, vous avez le droit d’inscrire votre nom au plumitif et de prendre la parole sur n’importe quel item au Feuilleton. Personne ne peut vous priver de ce droit, et il ne devrait jamais vous être enlevé. Je serai ravi d’en discuter et d’en débattre avec n’importe quel membre du Comité du Règlement ou n’importe quel autre sénateur, alors n’hésitez pas à me le demander.

Est-ce frustrant ou inconvénient pour certains d’entre nous lorsque, une semaine donnée, rien au plumitif ne nous intéresse et nous préférerions rentrer chez nous? Tant pis. Vous n’avez qu’à rentrer chez vous. Je ne veux pas qu’on m’empêche de me prévaloir de mon droit de parole à l’égard de quelque item au Feuilleton que ce soit ni qu’on empêche le sénateur MacDonald d’en faire autant.

Pendant ses observations, le sénateur Deacon avait raison sur un point : au final, une fois que cette motion aura été adoptée, parce que vous êtes tous manifestement convaincus que c’est la voie à suivre, je serai un sénateur très heureux dans quelques mois, lorsque je ferai partie du gouvernement. Cette motion renforce le gouvernement. Je serai très heureux, mais je ne m’oppose pas à cette motion pour le futur moi qui sera au gouvernement. Je m’y oppose pour chacun d’entre vous, car peut-être qu’un jour, certains d’entre vous décideront qu’ils ne veulent plus être indépendants et qu’ils veulent faire partie de l’opposition ou du gouvernement. Lorsque vous prendrez cette décision et qu’on ne pourra plus remettre le dentifrice dans son tube, il sera trop tard. Vous ne pourrez pas le remettre dans le tube. Un certain nombre d’entre nous, si nous siégeons du côté du gouvernement, trouveront cela très intéressant.

Le premier ministre Harper a fait un cadeau au nouveau gouvernement Trudeau : 23 postes vacants. Bon nombre d’entre vous ont bénéficié de ce cadeau. Je peux vous dire que Justin Trudeau, avec la motion no 165, a fait un cadeau à ce côté-ci de la Chambre. Merci beaucoup. Je ne vais pas en profiter au cours des 18 prochains mois, mais je le ferai un jour, je peux vous l’assurer.

Sénatrice Petitclerc, le débat de ce soir ne porte pas sur le fait de voter pour ou contre un projet de loi du gouvernement ou d’être indépendant ou non — pas du tout. Tout le débat de ce soir porte sur l’octroi de pouvoirs à un groupe qui a été nommé par le premier ministre en poste, l’octroi des mêmes droits que ceux détenus par l’opposition officielle. Tous les évaluateurs parlementaires constitutionnels ou professeurs qui se pencheront sur la question se demanderont, perplexes, pourquoi une vaste majorité composée de sénateurs indépendants nommés par le gouvernement, par le premier ministre en exercice, exigerait les mêmes droits, privilèges et outils que ceux de l’opposition. Ils concluront tous que c’est parce qu’ils veulent affaiblir l’opposition.

Chers collègues, je vais conclure ainsi : la motion no 165 n’a rien à voir avec les discussions sur la réforme que l’institution a tenu depuis mon arrivée et avant mon arrivée. Je ne suis pas arrogant au point de croire que la réforme a commencé lorsque je suis arrivé ici. Je n’ai fait que poursuivre un processus et nous poursuivons un processus d’évolution qui a commencé il y a de nombreuses années.

Cependant, soyons clairs. Vous le savez tous au fond de votre cœur : la motion no 165 a été conçue par des gens du Cabinet du premier ministre, par des gens du bureau du leader du gouvernement. Je vais vous dire pourquoi : parce qu’il n’y a rien dans cette motion qui renforce l’indépendance, que ce soit celle des sénateurs indépendants ou de ceux de l’opposition.

Tout ce que fait cette motion, c’est maintenir les mêmes pouvoirs, droits, privilèges et moyens politiques qui ont toujours été à la disposition du gouvernement tout en affaiblissant dans une certaine mesure les pouvoirs de l’opposition, sans tenir le moindrement compte des sénateurs qui sont véritablement non affiliés; pas du tout. Les seuls à avoir tenu compte de ces sénateurs sont de ce côté-ci, car nous nous sommes battus pour leur obtenir des places au sein des comités, allant jusqu’à céder notre place pour les laisser siéger aux comités. Au cours des neuf années de grande réforme qui ont suivi l’arrivée de Moïse sur la Colline du Parlement, en 2015, je n’ai pas vu un seul sénateur non affilié obtenir plus de pouvoir qu’auparavant.

En revanche, sénateur Tannas, vous vous rappellerez peut-être que, lorsque nous étions majoritaires, nous n’allions pas de l’avant avec une proposition du gouvernement sans l’assentiment de la poignée de sénateurs non affiliés qui étaient là à l’époque. Ce sont d’ailleurs les premières personnes que le sénateur Carignan allait consulter.

Honorables sénateurs, je sais que l’adoption de cette motion est inévitable, mais je tenais à exprimer mon point de vue sur cette question. Sans être devin, je suis persuadé que nous en débattrons encore dans cinq ou six ans, et je tiens à préciser que ce sera à cause de ces changements que vous avez cru bon de mettre en place. Merci.

L’honorable Frances Lankin [ + ]

Honorables sénateurs, je serai brève, et je ne ferai pas comme l’ex-sénateur Baker, qui se lançait dans de longs discours après avoir prononcé ces paroles.

Je ne veux pas m’engager dans le débat qui a eu lieu sur le fond. De nombreux sénateurs ont travaillé et réfléchi longtemps pour produire leurs discours. Nous avons entendu une grande variété de points de vue. Je ne suis pas du tout d’accord sur certaines choses que j’ai entendues et qui ne me semblent pas exactes. Nous avons entendu tout ce que nous avions à entendre et nous pouvons maintenant prendre une décision.

Ce que je veux faire, toutefois, c’est remercier tous ceux qui ont contribué à ce débat. De nombreuses personnes sont remontées dans le passé et ont remercié certains de ceux qui ont été, ces dernières années, les moteurs de la réflexion sur la réforme du Sénat. Je ne suis pas ici depuis aussi longtemps que le sénateur Housakos, alors il connaît plus de sénateurs, mais je sais que, lorsque je suis arrivée ici, beaucoup de travail était déjà en cours.

Je sais que des gens ont remercié les sénateurs Massicotte et Greene pour leurs efforts. Je souhaite faire de même. J’ai siégé au Comité de la modernisation et au Comité du Règlement, les deux premiers comités dont j’ai fait partie. J’ai apprécié le mentorat offert par le sénateur McInnis et la sénatrice Fraser pendant ces périodes. J’ai travaillé et discuté longuement avec la sénatrice Frum au sein du Comité du Règlement. Nous n’étions pas d’accord sur tout, mais le ton de nos débats était respectueux.

Je pense que nous pouvons discuter ici de la manière de continuer à faire du Sénat une institution qui apporte une valeur ajoutée, au lieu d’une institution qui, je ne dirais pas qui reflète uniquement, mais principalement ce qui se passe à l’autre endroit.

Cela dit, je dois dire honnêtement — et j’en ai parlé à des sénateurs d’en face que je ne nommerai pas par crainte de les provoquer — qu’à mon avis, une opposition organisée, structurée et efficace a un rôle à jouer. Je pense que nous en avons besoin.

Lorsque j’entends des sénateurs dire que beaucoup de gens dans cette Chambre ne pensent pas qu’il devrait y avoir d’opposition, cela ne reflète pas les discussions que j’ai eues. Je sais qu’il y en a quelques-uns qui pensent ainsi. Ils sont minoritaires, et je ne partage pas ce point de vue. Très franchement, j’en ai plutôt assez que certaines personnes me disent tout le temps ce que je pense, ce à quoi je suis attachée ou ce que je fais, et que je suis une libérale refoulée parce que j’ai été nommée par un libéral. Pour moi, tout cela est absurde et relève de la nuisance sonore, mais je le tolère.

J’aimerais cependant que nous aspirions à tenir des discussions sur le ton que nous avons finalement atteint à la fin de nos délibérations ce soir, qui nous permet de parler de ce qui pourrait améliorer la valeur ajoutée que cette Chambre apporte aux Canadiens et de faire entendre des voix indépendantes dans une structure où il y a une représentation efficace à la fois du gouvernement et de l’opposition. Ces éléments ne doivent pas être perdus, mais nous devons les renforcer et profiter de cette occasion pour le faire.

Je crois très fermement — d’ailleurs, je présenterai peut-être une motion à cette fin — que nous devrions instaurer un processus de collaboration pour rétablir le genre d’orientation à laquelle la sénatrice McCoy — puisse-t-elle reposer en paix — a consacré tant de temps et d’efforts. J’ai beaucoup appris. Vous constaterez que, malgré les allégations de certains voulant que je ne sois qu’une marionnette contrôlée par l’autre endroit, je crois fermement que nous ne sommes pas en concurrence avec l’autre endroit, qu’il serait déplacé pour le Sénat de rejeter les projets de loi du gouvernement, à moins que, conformément au renvoi de 2014 sur la constitutionnalité d’une réforme du Sénat, ledit projet de loi ne soit pas constitutionnel, ne soit pas conforme à la Charte ou qu’il risque d’avoir des effets dévastateurs dont on n’a pas tenu compte sur certaines régions, sur les peuples autochtones, sur des groupes en situation minoritaire ou sur une minorité de genre.

J’y crois vraiment et, à mes débuts au Sénat, je regardais le caucus qui forme l’opposition actuelle, qui était alors majoritaire au Sénat, s’opposer à un budget en faisant voter seulement la moitié de ses membres. J’ai vu le sénateur Plett, qui était alors whip, compter les voix à mesure que le vote progressait et signaler à ses collègues de voter ou de s’abstenir de manière à ne pas entraîner le rejet le budget. Voilà une opposition responsable. Je pense qu’il est parfois irresponsable de tenir des discours trop creux, mais je peux m’en accommoder. J’ai fait partie de l’opposition et du gouvernement au sein d’une assemblée législative provinciale, alors je comprends comment cela fonctionne.

Je remercie de leur travail des gens comme les sénateurs Massicotte et Greene et le Comité sur la modernisation du Sénat ainsi que, avant mon arrivée, des personnes comme la sénatrice Ringuette. J’ai déjà mentionné la sénatrice McCoy et le sénateur Wallace, qui traçaient la voie, à leur façon, à la tête de caucus non partisans avant l’arrivée de bon nombre d’entre nous. Je pense qu’il y a beaucoup de gens à remercier.

Je tiens à remercier le sénateur Harder et le bureau du représentant du gouvernement, qui ont travaillé à l’élaboration de quelques idées. Je pense que l’idée d’un comité de la programmation est retombée sur les leaders, et cela fonctionne parfois, mais pas toujours. Je pense que nous pouvons envisager de structurer nos débats de manière à pouvoir tenir de bons débats réfléchis pour pouvoir avancer. Je pense qu’il y a beaucoup d’idées positives.

Je voudrais terminer en vous remerciant de m’avoir fait l’honneur de me demander de venir travailler avec vous pour une durée limitée, dans le cadre d’un détachement; je sais que les détachements n’existent pas ici, mais j’ai insisté sur ce terme pour que ce soit bien clair. Je voulais participer à cet effort, et je tiens à remercier ceux avec qui j’ai eu l’occasion de discuter — les groupes, les dirigeants et ceux qui occupent des fonctions de direction au sein des comités — afin de les consulter sur ce que pourrait être un consensus. Je suis fière d’avoir contribué à faire avancer ce consensus, mais je suis surtout honorée qu’on m’ait demandé de le faire; j’en suis vraiment reconnaissante.

Je remercie le bureau du représentant du gouvernement des efforts qu’il a déployés lorsqu’il m’a sorti d’ici. Le personnel du secrétariat et son travail ont été parfaitement exemplaires et respectueux. Je pense que les gens ne le croiront pas, mais ce travail respecte le rôle de l’opposition, ainsi que le temps requis et la nécessité de ne pas proposer des choses lors de la consultation que d’autres personnes voulaient voir incluses. Ce n’est pas le cas de tout le monde; il y a eu des désaccords. Cependant, le tout est très respectueux du rôle de l’opposition. Vous ne le croyez peut-être pas. Je vois l’air dubitatif d’une excellente personne assise au dernier rang avec qui j’ai siégé à quelques comités différents. Toutefois, je tiens à vous dire que personne ne défend cette position avec plus de vigueur que les deux membres du Sénat qui font partie du bureau du représentant du gouvernement. La sénatrice LaBoucane-Benson, qui n’a pas été mentionnée du tout, a également réalisé un travail énorme dans ce dossier.

Je remercie le sénateur Gold. Il y a eu beaucoup de procès d’intention et d’insinuations; je ne veux pas faire preuve de négativisme à ce stade. J’ai travaillé en collaboration avec un sénateur que j’ai toujours respecté, mais dont le comportement m’a inspiré un respect encore plus grand, et je tiens à l’en remercier.

Je tiens à remercier tout le monde de la qualité du débat. Je vous implore de tourner la page et de passer à la prochaine étape. Discutons sérieusement de la façon d’atteindre les objectifs de l’opposition, même quand nous n’en faisons pas partie, puisque nous y aboutissons tous. Trouvons une façon de rendre l’opposition efficace et structurée pour qu’elle puisse profiter de l’immense talent qui se trouve au Sénat. Je sais que nous voulons tous présenter des réflexions différentes et représentatives au sein d’un Sénat qui n’est pas seulement un duopole et qui permet de tenir des débats plus larges. En outre, au-delà des débats polarisés, nous voulons aussi des discours qui nous rapprochent de la pensée intégrative. Il n’est pas seulement question de compromis; il est aussi question de trouver des solutions novatrices dans l’intérêt de tous les Canadiens.

C’est un honneur de faire partie de cette institution et d’avoir travaillé sur cet ensemble de modifications. Je sais qu’il y a du ressentiment qui découle de cette motion, mais je pense que nous pouvons en faire abstraction et accomplir de l’excellent travail. Je vous exhorte à être un élément constructif de ces efforts à l’avenir. Merci beaucoup.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Je vois deux sénateurs se lever.

Conformément à l’article 7-4(5)c) du Règlement et à l’ordre adopté le 21 septembre 2022, le vote est reporté à 16 h 15 demain, et la sonnerie retentira à compter de 16 heures.

L’honorable Claude Carignan [ + ]

Je propose l’ajournement du Sénat.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le consentement est-il accordé?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Je vais reposer la question. Le consentement est-il accordé?

Je suis désolée, le sénateur Carignan demande le consentement pour ajourner le Sénat. Le consentement est-il accordé?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le consentement n’est pas accordé.

Une greffière au Bureau [ + ]

Projets de loi, troisième lecture.

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