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Le Sénat

Motion concernant la crise humanitaire dans le Haut-Karabakh--Ajournement du débat

19 octobre 2023


L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition)

Conformément au préavis donné le 28 septembre 2023, propose :

Que le Sénat prenne note :

a)de l’aggravation de la crise humanitaire dans le Haut‑Karabakh en raison du blocus permanent du corridor de Latchine par l’Azerbaïdjan et de l’intensification des agressions militaires contre les civils arméniens autochtones de la région;

b)des actions du régime Aliyev comme étant dictatoriales et en violation du droit international;

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada :

a)de soutenir la liberté du peuple du Haut-Karabakh et son droit à l’autodétermination;

b)d’imposer immédiatement des sanctions contre le régime azéri;

c)d’exiger la réouverture immédiate du corridor de Latchine et la libération des prisonniers de guerre arméniens;

d)de fournir une aide importante, par l’intermédiaire des ONG, au peuple arménien déplacé de force de sa terre natale;

e)de protéger le peuple arménien du Haut-Karabakh par la présence de forces internationales de maintien de la paix.

 — Honorables sénateurs, nous sommes aujourd’hui aux prises avec une situation grave et urgente qui exige immédiatement notre attention et une intervention de notre part. La population arménienne de la République d’Artsakh, également connue sous le nom de Haut-Karabakh, connaît actuellement une crise d’une ampleur inimaginable. Il est de notre devoir moral d’agir vu la gravité de la situation, non seulement par des paroles, mais aussi en prenant des mesures concrètes. Nous ne pouvons pas continuer à détourner le regard et à faire l’autruche.

Depuis la fin de la guerre de 44 jours en septembre 2020, et plus particulièrement depuis le 12 décembre 2022, date à laquelle le gouvernement azerbaïdjanais a violé les accords internationaux en entravant le corridor de Lachin, une catastrophe humanitaire est en cours. Ce blocage a eu pour effet de couper le seul lien qui existait entre l’Artsakh, l’Arménie et le reste du monde, empêchant ainsi l’Artsakh d’avoir accès à des denrées alimentaires, à des médicaments, à du gaz naturel, à de l’électricité et à l’Internet. Cela a provoqué des conséquences catastrophiques comme la famine, la malnutrition et des décès.

Le 19 septembre 2023, l’Azerbaïdjan a aggravé cette crise en lançant une offensive militaire brutale au cours de laquelle des zones où se trouvaient des civils et des infrastructures civiles ont été bombardées. Ces bombardements ont fait plus de 200 victimes en 24 heures, y compris des enfants, des femmes et des personnes âgées. Des villages sont coupés du monde, les routes sont passées sous contrôle azerbaïdjanais et des actes de violence effroyables bouleversent ceux d’entre nous qui prennent le temps de suivre la situation.

Plus de 120 000 civils innocents ont été contraints de fuir leurs maisons en une semaine seulement, ce qui a engendré une crise humanitaire non seulement en Artsakh, mais aussi en Arménie, qui a dû accueillir ces réfugiés presque du jour au lendemain.

Genocide Watch et le Lemkin Institute ont affirmé que la situation constituait un génocide. Luis Moreno Ocampo, expert juriste et ex-procureur en chef de la Cour pénale internationale, estime que ce qui s’est passé en Artsakh relève du génocide.

Notre propre ambassadeur aux Nations unies, l’honorable Bob Rae, a parlé d’échec complet de la diplomatie internationale, de déportation forcée et de possibles crimes contre l’humanité. L’honorable Bob Rae a tout à fait raison et il est l’un des rares à avoir le courage de dénoncer la situation.

Le Canada, guidé par le principe de la responsabilité de protéger des Nations unies, a l’obligation morale d’intervenir et de protéger les populations contre le nettoyage ethnique et le génocide. Il s’agit d’un moment crucial pour le Canada, et pour toutes les démocraties de la planète d’ailleurs. Notre engagement envers la responsabilité de protéger des Nations unies et le soutien des démocraties comme l’Arménie, l’Artsakh et bien d’autres qui sont assaillies présentement dans le monde est mis à l’épreuve.

Notre réponse doit aller plus loin que des paroles et des déclarations exprimant notre inquiétude. Il faut des mesures significatives et concrètes. Il faut aussi parfois des sacrifices, comme des sanctions diplomatiques et économiques contre les représentants du gouvernement azerbaïdjanais; des poursuites à l’endroit du président Aliyev devant la Cour pénale internationale; de l’aide humanitaire aux survivants du génocide en Arménie; la reconnaissance du droit à l’autodétermination de la population autochtone d’Artsakh.

Il ne faut pas répéter les erreurs du passé. La communauté autochtone arménienne en Artsakh, dont le patrimoine remonte à plus de 4 000 ans, a le droit intrinsèque à l’autodétermination et à une sécession corrective.

Le Canada doit imposer des sanctions contre les responsables gouvernementaux de l’Azerbaïdjan et accroître la coordination avec les États aux vues similaires. Le Canada doit participer à une force internationale de maintien de la paix en Artsakh pour assurer la sécurité des Arméniens de l’Artsakh qui retournent à leurs foyers ancestraux; il doit fournir une aide humanitaire substantielle afin d’alléger les souffrances des populations innocentes; et il doit reconnaître le droit à l’autodétermination de la population arménienne de l’Artsakh.

Ces gestes requièrent du courage politique, un engagement à établir des procédures qui permettront d’atteindre les objectifs visés, ainsi qu’un véritable dévouement si nous sommes convaincus de l’importance de la primauté du droit international, des droits de la personne et de la démocratie.

Le Canada a l’occasion d’être un chef de file sur la scène internationale et un symbole d’espoir et de justice, comme il l’était il y a quelques décennies. Nous devons retrouver notre statut de chef de file, et non de suiveur, et laisser un héritage durable qui reflète notre attachement envers la démocratie, la liberté et les droits de la personne.

Chers collègues, la démocratie n’a jamais été dans une situation aussi difficile et aussi précaire. Je n’ai pas besoin de rappeler aux sénateurs qu’il y a actuellement, dans le monde, plus de pays non démocratiques que de pays qui respectent la démocratie, la primauté du droit international et les droits de la personne.

Nous voyons actuellement des tragédies se déployer dans de nombreuses parties du monde. Nous voyons des régimes tyranniques — comme celui de la Chine, qui prend la population de Hong Kong à la gorge et menace une superbe démocratie dynamique située juste de l’autre côté du détroit de Taïwan. Ces régimes choisissent d’agir ainsi simplement pour servir leurs ambitions politiques et économiques.

Nous sommes témoins de la perfidie que le peuple ukrainien doit subir aux mains d’une dictature brutale, la Russie. La vérité, c’est que nous avons attendu trop longtemps avant de dénoncer M. Poutine et de lui demander des comptes. Nous en subissons les conséquences aujourd’hui, tout comme le peuple ukrainien. On aurait dû imposer des sanctions à ce régime brutal des années avant qu’il envahisse l’Ukraine.

La population autochtone de l’Artsakh se fait exterminer et expulser de chez elle simplement parce qu’elle est arménienne. C’est la deuxième tragédie qui se produit en un siècle. Nous avons tenu de beaux discours à la Chambre des communes et dans cette enceinte pour reconnaître le génocide arménien. Nous avons dit que nous allions faire preuve d’une détermination inébranlable pour que ces tragédies ne se reproduisent jamais. Or, ce genre de situation se produit en ce moment même, mais plus personne ne s’en préoccupe parce que les crises se multiplient; les médias nous en parlent constamment.

D’autres crises s’ajouteront parce que les démocraties ne semblent jamais se décider à lutter contre ces tyrans avec des mesures concrètes, pas seulement à coup de communiqués de presse pour exprimer de l’inquiétude ou de déclarations du genre: « Nous surveillons la situation. » Peut-être qu’après cette tragédie, on pourra envoyer quelques millions de dollars en aide humanitaire, mais ce sera trop tard. Ces gens en subissent les conséquences, et la ministre des Affaires étrangères a annoncé l’octroi de quelques millions de dollars pour aider les personnes déplacées. À vrai dire, c’est honteux et c’est gênant.

Que se passe-t-il en Israël en ce moment? Une organisation terroriste s’en prend à une population autochtone et essaie de l’expulser brutalement de sa patrie simplement parce qu’elle est juive.

Je suis stupéfait de voir comment une telle situation se reproduit encore et encore. Nous ne semblons jamais tirer de leçons de l’histoire et comprendre que si on ne repousse pas les dictateurs et les tyrans, qu’on ne les cogne pas et qu’on ne leur dit pas que nous n’allons pas accepter leur comportement, ils continueront de s’enhardir et d’aller toujours plus loin.

J’aimerais attirer l’attention sur une autre crise qui sévit dans le monde et demander au gouvernement canadien et aux démocraties occidentales de faire preuve de détermination. Ce n’est pas parce que la population de l’Artsakh et celle de l’Arménie n’ont pas de pétrole ni de gaz qu’elles doivent être moins importantes à nos yeux que d’autres régimes.

Évidemment, les mesures que nous pouvons appliquer entraîneront des sacrifices de notre part, car nous faisons des affaires avec beaucoup des pays voyous, comme la Chine, la Russie, l’Iran, Cuba ou la Turquie. Nous sommes actuellement confrontés à une crise en Israël. Le Hamas n’est pas apparu la semaine dernière. Le Hamas a été soutenu par des pays comme le Qatar, dont nous importons du pétrole et du gaz à hauteur de centaines de millions de dollars. Quand je vais à la pompe, j’achète mon essence au Québec. Que fait-on avec les recettes de cette vente, selon vous? On les achemine vers des organisations comme le Hamas.

Le Hamas n’a ni denrées alimentaires, ni eau, ni médicaments pour les Palestiniens à Gaza, mais ils ont des tonnes de roquettes. Ils ne manquent pas de roquettes, n’est-ce pas? Pourquoi? Parce que nous apportons notre contribution sur ce plan.

Les Cubains souffrent, mais nous faisons quand même des affaires avec Cuba parce que cela aide quelques investisseurs canadiens et parce que quelques entreprises canadiennes engrangent ainsi des profits.

À l’heure actuelle, nous faisons toujours des affaires avec des pays comme la Turquie, qui a emprisonné plus de journalistes que tout autre pays, mais nous fermons les yeux là-dessus.

Chers collègues, si je m’emporte un peu à ce sujet, c’est parce que je crois sincèrement que nous devons être cohérents. Si nous nous soucions réellement de la démocratie, de la liberté, des droits de la personne et du bien de l’humanité, nous devons défendre ces valeurs, que ce soit en Ukraine, à Hong Kong, à Taïwan ou en Israël, et à bon droit, nous devons également défendre les personnes déplacées de l’Artsakh.

Je rappelle à chacun que lorsqu’Adolf Hitler a proposé sa solution brutale définitive, on lui a demandé : « Si nous exterminons ces personnes innocentes simplement parce qu’elles sont juives, que se passera-t-il? » Hitler a répondu : « Qui se souvient des Arméniens? » N’est-ce pas vrai? Ce génocide avait eu lieu seulement 25 ans plus tôt.

C’est ce qui se produit de nouveau à l’heure actuelle. L’histoire se répète. Nous oublions de nouveau ces gens. Je le répète : pourquoi? Parce qu’ils sont entourés d’intimidateurs et que cela demande trop d’effort? je crois qu’en tant que parlementaires, nous devons intervenir. Nous devons attirer l’attention sur cette tragédie humaine. Nous devons agir et demander à notre gouvernement d’intervenir.

Cette situation ne peut pas être résolue par le gouvernement du Canada à lui seul. Toutes les démocraties occidentales qui croient sincèrement en la démocratie — celles qui ne tombent pas dans le nombrilisme — doivent agir. Il faut prendre des mesures économiques, des mesures diplomatiques et d’autres mesures si nécessaires pour protéger ces innocents en Artsakh. Aujourd’hui, ils ont été chassés de leur maison, mais personne n’en parle dans le monde. Merci de m’avoir écouté en ce jeudi après-midi. J’ai pensé qu’il fallait porter la voix de ces gens. Merci beaucoup.

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