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Le Programme de contestation judiciaire est un instrument sous-estimé: sénateur Cormier

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Nous apprenions récemment que la Commission scolaire English-Montreal avait obtenu un financement du Programme de contestation judiciaire (PCJ) en soutien de ses procédures de contestation de la Loi 21, Loi sur la laïcité de l’État, au Québec. La couverture médiatique a largement fait état des reproches formulés par le gouvernement du Québec sur l’octroi de ce financement, mais a malheureusement fourni peu d’information sur son importance pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Il m’apparaît donc primordial ici de rappeler certains faits omis sur le PCJ, particulièrement à l’égard du rôle crucial que celui-ci a eu, et a toujours, dans le respect des droits linguistiques et l’épanouissement du français au Canada.

Le Programme de contestation judiciaire a vu le jour dans le contexte de la contestation de la Loi 101 au Québec et de l’affaire Forest au Manitoba à la fin des années 1970. Initialement prévu pour les droits linguistiques, le PCJ fut élargi afin d'inclure les droits à l’égalité. Durant les 40 dernières années, la pérennité du PCJ a été rudement mise à l'épreuve : annulé une première fois en 1992 par le premier ministre Brian Mulroney, il fut rétabli en 1994 et finalement aboli en 2006 par le gouvernement de Stephen Harper.

Cette dernière coupure incita la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, appuyée par d’autres organismes, à entreprendre des procédures judiciaires contre cette décision. Une entente hors cour est alors intervenue, laquelle créa le Programme d’appui aux droits linguistiques, entré en vigueur en 2009. Tel que son nom l’indique, ce dernier n’était destiné que pour les droits linguistiques et a obtenu un financement du gouvernement jusqu’en 2017. Depuis sa mise en œuvre en janvier 2019, le nouveau PCJ inclut désormais le financement des dossiers fondés sur la Loi sur les langues officielles (LLO) et rétablit la section des droits à l’égalité au programme.

Au-delà du caractère indépendant du PCJ, maintes fois souligné, il faut en comprendre le mandat pour cerner toute sa pertinence. Le PCJ offre un financement aux Canadiennes et Canadiens en soutien de leurs procédures judiciaires pour des causes d’importance nationale qui visent des droits constitutionnels ou quasi constitutionnels en matière de langues officielles et de droits de la personne. Au cœur de ce mandat se retrouve l’accessibilité à la justice, notion faisant âprement défaut au pays.

Nul n’est sans savoir que le système judiciaire canadien est quasi-inaccessible pour le citoyen moyen et que des sommes exorbitantes sont rapidement engagées par les parties, sans compter la pression qu’elles subissent. Cela étant, afin d’assurer l’accès à la justice pour les dossiers ayant une dimension nationale potentielle et visant un droit constitutionnel, il est indéniable que le PCJ constitue un atout au système judiciaire.

Un survol de la jurisprudence permet d’éclaircir l’incidence du PCJ sur les droits linguistiques. Il a assurément permis la clarification et l’interprétation de ces droits, mais également leur mise en œuvre pour l’ensemble des communautés linguistiques en situation minoritaire au pays.

Pensons notamment à l’affaire Mahé, établissant que le droit de gestion et de contrôle des écoles par les communautés de langue officielle en situation minoritaire est inclus à l’article 23 de la Charte canadienne. Encore, l’affaire Arsenault-Cameron qui revient sur ce droit de gestion et de contrôle, précisant qu’il inclut le pouvoir de ces communautés de déterminer l’emplacement optimal de l’établissement scolaire.

Au-delà des grands principes juridiques, l’affaire Paulin, reconnaissant l’obligation d'offre de services dans les deux langues officielles sur tout le territoire du Nouveau-Brunswick par la Gendarmerie royale du Canada, est un autre exemple pour lequel le PCJ a fait une différence concrète pour les citoyennes et citoyens.

En Ontario, qui peut affirmer avec certitude qu’en l’absence du PCJ la communauté franco-ontarienne aurait conservé l’hôpital francophone Montfort ou obtenu une entente pour l’Université de l'Ontario français?

Dans son rapport final de l’étude de la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO), le Comité sénatorial des langues officielles a recommandé de consacrer le volet droits linguistiques du PCJ ainsi que son financement dans la nouvelle LLO.

Cette recommandation fait écho aux nombreux témoignages recueillis concernant la nécessité de favoriser l’accès à la justice, l’historique houleux du PCJ et ses répercussions favorables à l’épanouissement des communautés de langue officielle. L’objectif est d'assurer une certaine pérennité au programme de sorte que tout gouvernement ultérieur souhaitant l’abolir doive procéder par une modification législative, requérant ainsi un degré de transparence additionnel.

Le climat politique entourant le débat sur le PCJ et le manque de nuances dans l’information transmise par certains analystes privent la population canadienne d’une compréhension pleine et entière du bien-fondé de cet instrument.

Reconnaissons d’une voix commune la mission et l’impact positif de cet outil pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire et l’épanouissement de la langue française au pays.

 

Le sénateur René Cormier représente le Nouveau-Brunswick au Sénat.

Cet article a été publié le 14 février 2020 dans le journal Le Droit.

Nous apprenions récemment que la Commission scolaire English-Montreal avait obtenu un financement du Programme de contestation judiciaire (PCJ) en soutien de ses procédures de contestation de la Loi 21, Loi sur la laïcité de l’État, au Québec. La couverture médiatique a largement fait état des reproches formulés par le gouvernement du Québec sur l’octroi de ce financement, mais a malheureusement fourni peu d’information sur son importance pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Il m’apparaît donc primordial ici de rappeler certains faits omis sur le PCJ, particulièrement à l’égard du rôle crucial que celui-ci a eu, et a toujours, dans le respect des droits linguistiques et l’épanouissement du français au Canada.

Le Programme de contestation judiciaire a vu le jour dans le contexte de la contestation de la Loi 101 au Québec et de l’affaire Forest au Manitoba à la fin des années 1970. Initialement prévu pour les droits linguistiques, le PCJ fut élargi afin d'inclure les droits à l’égalité. Durant les 40 dernières années, la pérennité du PCJ a été rudement mise à l'épreuve : annulé une première fois en 1992 par le premier ministre Brian Mulroney, il fut rétabli en 1994 et finalement aboli en 2006 par le gouvernement de Stephen Harper.

Cette dernière coupure incita la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, appuyée par d’autres organismes, à entreprendre des procédures judiciaires contre cette décision. Une entente hors cour est alors intervenue, laquelle créa le Programme d’appui aux droits linguistiques, entré en vigueur en 2009. Tel que son nom l’indique, ce dernier n’était destiné que pour les droits linguistiques et a obtenu un financement du gouvernement jusqu’en 2017. Depuis sa mise en œuvre en janvier 2019, le nouveau PCJ inclut désormais le financement des dossiers fondés sur la Loi sur les langues officielles (LLO) et rétablit la section des droits à l’égalité au programme.

Au-delà du caractère indépendant du PCJ, maintes fois souligné, il faut en comprendre le mandat pour cerner toute sa pertinence. Le PCJ offre un financement aux Canadiennes et Canadiens en soutien de leurs procédures judiciaires pour des causes d’importance nationale qui visent des droits constitutionnels ou quasi constitutionnels en matière de langues officielles et de droits de la personne. Au cœur de ce mandat se retrouve l’accessibilité à la justice, notion faisant âprement défaut au pays.

Nul n’est sans savoir que le système judiciaire canadien est quasi-inaccessible pour le citoyen moyen et que des sommes exorbitantes sont rapidement engagées par les parties, sans compter la pression qu’elles subissent. Cela étant, afin d’assurer l’accès à la justice pour les dossiers ayant une dimension nationale potentielle et visant un droit constitutionnel, il est indéniable que le PCJ constitue un atout au système judiciaire.

Un survol de la jurisprudence permet d’éclaircir l’incidence du PCJ sur les droits linguistiques. Il a assurément permis la clarification et l’interprétation de ces droits, mais également leur mise en œuvre pour l’ensemble des communautés linguistiques en situation minoritaire au pays.

Pensons notamment à l’affaire Mahé, établissant que le droit de gestion et de contrôle des écoles par les communautés de langue officielle en situation minoritaire est inclus à l’article 23 de la Charte canadienne. Encore, l’affaire Arsenault-Cameron qui revient sur ce droit de gestion et de contrôle, précisant qu’il inclut le pouvoir de ces communautés de déterminer l’emplacement optimal de l’établissement scolaire.

Au-delà des grands principes juridiques, l’affaire Paulin, reconnaissant l’obligation d'offre de services dans les deux langues officielles sur tout le territoire du Nouveau-Brunswick par la Gendarmerie royale du Canada, est un autre exemple pour lequel le PCJ a fait une différence concrète pour les citoyennes et citoyens.

En Ontario, qui peut affirmer avec certitude qu’en l’absence du PCJ la communauté franco-ontarienne aurait conservé l’hôpital francophone Montfort ou obtenu une entente pour l’Université de l'Ontario français?

Dans son rapport final de l’étude de la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO), le Comité sénatorial des langues officielles a recommandé de consacrer le volet droits linguistiques du PCJ ainsi que son financement dans la nouvelle LLO.

Cette recommandation fait écho aux nombreux témoignages recueillis concernant la nécessité de favoriser l’accès à la justice, l’historique houleux du PCJ et ses répercussions favorables à l’épanouissement des communautés de langue officielle. L’objectif est d'assurer une certaine pérennité au programme de sorte que tout gouvernement ultérieur souhaitant l’abolir doive procéder par une modification législative, requérant ainsi un degré de transparence additionnel.

Le climat politique entourant le débat sur le PCJ et le manque de nuances dans l’information transmise par certains analystes privent la population canadienne d’une compréhension pleine et entière du bien-fondé de cet instrument.

Reconnaissons d’une voix commune la mission et l’impact positif de cet outil pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire et l’épanouissement de la langue française au pays.

 

Le sénateur René Cormier représente le Nouveau-Brunswick au Sénat.

Cet article a été publié le 14 février 2020 dans le journal Le Droit.

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